Chapitre 29

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Daphné ne fut même pas soulagée de retrouver la terre ferme. En réalité, elle n'arrivait pas à savoir ce qu'elle ressentait, tout se mélangeait dans sa tête. Son espoir de trouver une famille parmi les mages de la Tour avait été réduit à néant en à peine quelques heures, ses blessures dues à son séjour en prison qu'elle pensait guéries s'étaient rouvertes et, elle qui avait trop facilement placé sa confiance en son peuple, s'était retrouvée trahie presque immédiatement. Alors, même si elle avait pu obtenir des réponses, qui l'avaient encore plus embrouillées, elle regrettait d'y être allée.

Sa mère avait été tuée par la magie. Elle ne s'en remettait pas. Cette nouvelle avait complètement effacé de son esprit celle concernant ses anciennes vies. Le simple fait qu'elle soit en vie avait tué sa mère.

Elle n'avait cessé, à partir du moment où elle s'était réveillée sur la barque et jusqu'à ce qu'ils accostent, de penser à son père. Ils avaient vécu tant d'années seulement tous les deux. Lui en avait-il voulu ? Se disait-il, au fond de lui, que c'était de la faute de sa fille si sa femme était morte ? Elle l'avait, plus d'une fois, surprit à la regarder d'un air triste et elle s'était toujours dit qu'il devait penser à sa ressemblance avec sa mère lorsqu'il la voyait. Mais était-ce vraiment le cas ? Il devait sans doute repenser, chaque fois que ses yeux se posaient sur elle, aux choix que Marianne avait fait et à son sacrifice.

Cale avait tenté de la faire rire en blaguant sur sa tenue, puisqu'elle avait gardé celle des épreuves. Mais elle lui avait simplement répondu qu'il avait raison et qu'elle devait trouver un endroit où se changer. Alors elle avait pris son sac, qu'avait récupéré le Seigneur, et s'était caché derrière un bâtiment pour enfiler son corset, ses bottes et la longue tunique dessinée par Annabelle. Elle attacha simplement le haut de ses cheveux et releva sa capuche sur sa tête.

Ils ne s'étaient pas attardés longtemps à Vatset, surtout parce qu'ils avaient appris qu'Artus la Brute n'avait toujours pas digéré sa défaite et qu'il cherchait activement Cale et Harden. Ils avaient simplement récupéré les chevaux à l'écurie où ils les avaient laissés, le Seigneur avait grassement payé le palefrenier, et avaient quittés l'enceinte de la ville. Daphné ne regretta même pas de ne pas avoir eu l'occasion de voir la mer une dernière fois, puisqu'elle savait qu'au loin se trouvait la Tour, parfaitement dissimulée derrière la magie.

Ayant certainement remarqué qu'elle ne se comportait pas comme d'habitude, le Seigneur était venu s'inquiéter de son état. Elle lui avait simplement dit qu'elle se sentait fatiguée. Il ne l'avait pas cru, elle en était certaine, mais il n'avait pas insisté.

Cale et Marcus tentaient d'alléger l'atmosphère, Harden raconta une histoire mais rien n'arrivait à distraire Daphné de ses pensées. Les derniers jours tournaient en boucle dans sa tête. Et si elle n'était pas hantée par le souvenir de ses parents, c'étaient les paroles d'Edward et des gens de son villages qui revenaient sans cesse.

Tu es sale, ton nom est sale. Tu n'as pas le droit de vivre. Tu portes la poisse et tu sème la mort peu importe où tu vas.

Elle vit ses mains briller légèrement, signe que sa magie s'échauffait. Elle prit une grande inspiration pour se calmer, de peur d'effrayer sa jument. Personne d'autre ne le remarqua, par chance, sinon ils se seraient davantage inquiétés pour elle et ce n'était pas ce qu'elle voulait.

Une première nuit passa, Daphné fut incapable de dormir convenablement, constamment réveillée en sursaut par un cauchemar. Elle ne cessait de revivre les épreuves. Et dans ces rêves, le Tömörgis la dévorait, elle restait bloquée dans cette réalité parallèle où Edouard et le maire ne cessait de la battre et elle se retrouvait face à trois personnes différentes agenouillées devant elle. Parfois le Seigneur en faisait partie, les filles du Harem ou encore ses parents. À chaque fois elle tentait de refaire le même choix. La première fois, Arlequin ne l'arrêta pas et elle se poignarda en plein cœur. La seconde et la troisième, ses bras refusaient de retourner la dague contre elle-même et elle se retrouvait à tuer l'une des trois victimes, le Seigneur. Et la quatrième fois, elle lança la dague sur les conseillers, touchant l'un d'eux et attisant la colère des mages de la Tour.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now