Chapitre 53

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La femme lévitait au-dessus du sol, assise en tailleur, les yeux fermés. Les pointes de ses longs cheveux bruns voletaient paisiblement autour d'elle. Elle restait parfaitement immobile, comme si rien ne pouvait perturber sa méditation.

Daphné l'observa avec attention, et fit quelques pas en avant, méfiante. C'est en remarquant la fine cicatrice au-dessus de sa lèvre qu'elle la reconnut. Bianca.

« Après vingt-quatre ans tu décides enfin de me rendre visite, Daphné. »

Les lèvres de Bianca n'avaient pas bougé d'un millimètre et sa voix semblait provenir de partout et nulle part à la fois, se répercutant sur les portes définitivement fermées et les cristaux géants.

« Où sommes-nous ? Se risqua-t-elle à demander. »

Bianca ouvrit finalement les yeux. Ses iris étaient d'un violet profond comme Daphné n'avait jamais vu auparavant et brillaient d'une lueur étrange. De la magie pure, c'était ce qui brûlait dans son regard et qui effrayait la jeune femme. Elle venait d'être témoin de l'horreur de ce qu'avait fait cette femme.

« Cet endroit ne porte pas de nom, répondit Bianca, je ne me suis jamais ennuyée à lui en donner un. Il s'agit du lieu où toutes mes vies passent l'éternité une fois que leur corps meurt, et où mon âme est emprisonnée pour me permettre de vous observer.

–Vous êtes donc ici depuis trois mille ans ?

–Le temps dans cet endroit passe différemment. Mais tu t'en rendras rapidement compte. »

Daphné observa à nouveau le paysage et tenta d'identifier tous les bâtiments qui flottaient dans le vide, autour de l'arène. Elle en avait vu certains dans les souvenirs de ses autres vies.

« N'as-tu rien d'autre à dire Daphné ? »

Bianca s'était mise sur ses pieds et parlait à présent avec sa bouche, portant sur la jeune femme un regard étrange.

« Vous avez tué votre fils, souffla-t-elle, et vous ne le regrettez même pas. »

Un fin sourire se dessina sur les lèvres de la mage originelle.

« Ah ça. Aucune de vous n'a jamais compris mon geste, ni même mes frères ou ma sœur. Mais que pouvais-je faire d'autre ? Laisser le meurtrier de Ian en vie ? C'était inconcevable.

–Il était votre fils, votre propre enfant, né de votre amour avec Ian.

–Un parasite qui s'appropriait l'amour de mon mari. Et il a cessé d'être mon fils à l'instant où il a planté ce couteau dans la poitrine de son père.

–Vous n'avez aucun cœur.

–J'en ai un mais c'est Ian qui le possède et je n'ai jamais réussi à le récupérer. Mais peut-être que toi, tu m'aideras à le retrouver, puisque j'ai été malchanceuse dans mes autres vies. Les seules qui ont réussi à se souvenir n'ont jamais pu aimer Ian correctement. »

Daphné serra les poings. Elle ignorait pourquoi elle était tant en colère. Elle avait la vague impression que quelqu'un l'attendait de l'autre côté mais n'aurait su mettre un nom ni un visage sur cette impression.

« Qu'avez-vous fait exactement ? S'enquit-elle. En quoi consiste le rituel que vous avez réalisé ? »

Le sourire de Bianca s'élargit.

« Je suis ravie que tu poses la question. En réalité, j'ai effectué deux rituels en même temps, c'est pourquoi Arlequin était autant en colère et pourquoi l'Ordre des choses a été tant bousculé. Le premier a transformé Ian en mage pour qu'il puisse se réincarner, et pour ça j'ai sacrifié l'enfant que je portais. Quant au second, il me permettait de m'assurer que je croiserais son chemin dans n'importe laquelle de mes vies, puisque je ne pouvais pas avoir l'assurance que je le rencontrerais à nouveau. Là, j'ai dû sacrifier deux choses. La capacité qu'avait mon premier corps à porter la vie et l'endroit où reposerait mon âme.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now