Comme un pétale de rose

Chapitre 71

La voix de Fosca mourut lentement, son écho se répercutant sur les murs de la chapelle. Les yeux rivés sur le cercueil, Daphné avait épuisé toutes ses larmes.

Après un long silence de recueillement, Fosca entama un nouveau chant, supposé aider l'âme du défunt à monter vers les cieux. C'était la troisième fois qu'elle entendait ce chant. La première fois, elle était trop jeune pour comprendre la signification des paroles. Elle avait simplement tenu la main de son père tout le long, sans vraiment réaliser que s'il pleurait c'était parce que sa mère ne reviendrait pas. La seconde fois, elle s'était retrouvée seule sur son banc à contenir ses larmes. Elle ne pouvait tenir la main à personne. Et même si la petite église du village était remplie ce jour-là pour rendre hommage à son père, elle ne s'était jamais sentie plus seule. Et cette fois-ci, la fatalité des paroles de ce chant l'avait frappée de plein fouet.

Elle s'était préparée à l'entendre à nouveau et elle se souvenait des paroles comme si on les lui avait chantées chaque jour de sa vie. Mais aujourd'hui, elle n'était pas seule à porter le poids de ces mots.

Le chant s'intensifia et Daphné serra la petite poupée dans sa main. Sans trop savoir pourquoi, elle avait voulu emmener avec elle la figurine que Lio avait fabriquée à son effigie. Une poupée aux cheveux blancs et aux yeux violets. Elle avait même rajouté quelques pétales séchés en guise de robe. Des pétales de rose.

Le chant terminé, Fosca se tut et baissa la tête pour prier une nouvelle fois, tournée vers le cercueil. Daphné avait composé de ses mains des couronnes de fleurs et des bouquets, en se servant dans la serre du domaine. Toucher à nouveau à de véritables fleurs lui avait laissé une sensation étrange sur les doigts, mais très agréable. Et en des temps aussi tristes, elle s'était permise de penser à nouveau à ses parents.

Daphné sortit de ses pensées lorsqu'elle vit Agnar s'avancer et se tourner vers la foule, l'air grave. Madame Baralot n'avait de cesse d'essuyer son visage avec un mouchoir en tissu, réconfortée par une servante qui lui frottait doucement le bras. Annabelle avait attaché ses cheveux d'une façon particulière, ne laissant aucune mèche dépasser, et gardait sa main calée dans celle de Maxine. Nour portait le voile que sortaient les femmes de l'empire lors de tragiques évènements et Laurel avait caché ses cheveux sous un châle fin, se tenant aux côtés du prince Taahir. Dunlá avait décidé de rester auprès de Cale qui restait impassible, luttant contre les larmes. Karsten et Harden étaient juste à côté, ayant délaissé leur armure contre un costume plus simple, comme tous les autres chevaliers. Et enfin, Tori avait décidé de rester en retrait, au fond de la chapelle, appuyée contre une colonne. Elle avait, pour seule arme sur elle, la dague qui avait tué Lio.

Agnar s'éclaircit la gorge et prit une grande inspiration, luttant pour paraître fort. Mais Daphné savait ce qu'il en était. Lio était partie depuis deux jours et deux nuits. Nuits durant lesquelles Agnar n'avait eu de cesse de se réveiller, enchaînant les cauchemars.

« Merci à tous d'avoir répondu présent pour ce dernier au revoir à Lio, commença-t-il. »

Il balaya la foule du regard et ses yeux s'arrêtèrent sur Daphné. Elle lui sourit tendrement pour lui redonner du courage. Ne parvenant pas à se rendormir la nuit dernière après un cauchemar, il s'était mis à écrire son discours pour la cérémonie, jusqu'à ce qu'il décide qu'il préférait improviser, pour que ses mots soient le plus sincère possible.

« Lio est apparue si soudainement dans nos vies, reprit-il. Je me souviens encore de ce jour où elle est venue me trouver, moi, parfait inconnu, pour me demander si j'étais capable de l'épouser. Lorsque je lui ai répondu que non, elle m'a alors supplié de l'emmener. J'ai été plus que surpris mais aujourd'hui, quand j'y repense, je me dis que cette première rencontre était à son image. Imprévisible, étrange mais attachante. »