Chapitre 64

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L'empereur Theresius Hemmingsen était un homme grand et ventripotent à cause de l'alcool, mais qui avait gardé une carrure imposante, vestige de ses jeunes années. Ses cheveux noirs de jais étaient parsemés de mèches grises, tout comme son épaisse barbe, et descendaient jusqu'à sa mâchoire. Une fine cicatrice décorait son front et coupait en partie l'un de ses sourcils. Sa couronne dorée ceignait sa tête et lui donnait un air sévère.

Installé au fond de son siège au dossier plus haut que ceux qui l'entouraient, le souverain les observait attentivement en tapant ses doigts remplis de bagues et autres chevalières sur son accoudoir. Mais ce qui perturba encore davantage Daphné fut le regard qu'il posa sur elle. Des yeux d'un gris profond qu'Agnar avait hérité.

Il était entouré de l'impératrice, qui avait revêtu une robe sévère remontant jusqu'en haut de son cou et ne montrant pas un centimètre de sa peau, mis à part son visage et ses mains elles aussi serties de bijoux, et du prince Gaian à qui on avait fait porter sa tenue officielle.

Agnar planta son regard dans celui de son père et se laissa nonchalamment tomber dans son propre siège, posant une cheville sur son genou et callant son menton dans la paume de sa main. Ainsi, il avait tout d'un prince insolent.

On avait assigné un siège à Daphné, à la gauche d'Agnar, en face de l'impératrice. Elle s'y assit à son tour et observa les rangs ennemis en faisant étinceler ses yeux. Mais son attention fut soudainement attirée par le soldat qui se tenait derrière l'impératrice. Marcus.

Leurs regards se croisèrent et, en signe de défi, Daphné lui sourit avec arrogance, tâchant d'imiter Bianca. Le torse du chevalier se levait trop rapidement pour quelqu'un de calme et la mage jeta un coup d'œil à son aura. Il était paniqué. Mais ce que Daphné trouva plus intéressant encore fut la présence d'une femme à ses côtés. Son épouse.

« Agnar, commença l'empereur après un long silence repli de tension. Voilà bien des années que nous ne nous étions pas vus.

–Je le déplore, répondit le duc. Vous savez à quel point j'aime parader devant vous. »

Ignacia agrippa les accoudoirs de son siège, trahissant sa colère. Daphné observa plus attentivement les visages qui se trouvaient en face d'elle. Le vicomte de Belness, Geoffroy de Gaifort, qui leur avait transmis l'invitation du prince Gaian quelques mois plus tôt, avait aussi répondu présent, tout comme le baron Velieu.

Le regard de l'empereur se posa sur les deux chevaliers qui entouraient Agnar et sourit faiblement.

« Karsten et Cale, les salua-t-il. Vous ne quittez jamais mon fils, n'est-ce pas ?

–Tout comme vous ne quittez jamais votre vin, rétorqua Agnar pour recentrer l'attention de son père sur lui. »

L'empereur s'esclaffa.

« Ha ! Tu as bien raison. Je commence d'ailleurs à m'assécher. »

Il claqua des doigts et une jeune femme, qu'il dévora du regard, vin lui servir une coupe de vin. Il devait s'agir de l'une de ses maîtresses. Ignacia lança un regard mauvais à la concubine tandis qu'elle lui servait un verre.

« Ignacia, reprit Agnar, je suis ravi de constater que la vie à la cour ne vous a pas fait perdre la tête. »

Le regard froid de l'impératrice se porta sur lui.

« Rien de plus normal puisque vous n'y étiez pas.

–Oh mais je ne suis pas la seule personne qui ne vous porte pas dans son cœur.

–Oui, je sais. »

L'impératrice tourna la tête vers Nour, assise à la gauche de Daphné.

« Allons, allons, temporisa l'empereur. Attendez le début des négociations pour vous disputer. »

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now