Chapitre 33

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Daphné ne ressentit pas tout de suite la douleur, simplement de la surprise. Elle avait été trop lente et cet homme avait réussi à la poignarder. Elle baissa les yeux vers son ventre, transpercé par la lame. Du sang s'en écoulait abondement. Puis elle leva de nouveau, lentement, la tête vers le chevalier. Elle ne lisait que de la haine dans son regard, et une pointe de fierté. Dans son dos, le Seigneur cria son nom.

L'homme fit un pas en arrière, près à fuir, mais elle agrippa son bras. À la seconde où ses doigts le touchèrent, sa peau prit feu. Le chevalier se mit à crier, secouant son bras pour éteindre les flammes. Mais elles se répandaient à une telle vitesse qu'il ne pouvait lutter. Elle le regarda se rouler dans la neige pour tenter de sauver sa peau, mais c'était inutile. Quelques instants plus tard, il poussa son dernier soupir.

C'est à ce moment-là que la douleur la frappa de plein fouet. Elle tomba à genoux, les mains autour du poignard, respirant trop vite et grognant de douleur. Le Seigneur l'appela de nouveau et elle le vit arriver dans son champ de vision. Il s'était tant précipité qu'il manqua de tomber en la contournant.

Alors qu'il s'agenouillait devant elle, Daphné retira d'un coup sec le poignard et ne se retint pas de crier de douleur. Les larmes aux yeux, elle posa des mains tremblantes sur la blessure béante qui charcutait son ventre et tenta d'invoquer sa magie. En vain. C'était comme si elle s'était tue, endormie au plus profond d'elle-même. Elle avait relâché trop de mana, elle n'en avait plus assez pour se soigner.

Le Seigneur posa une main sur les siennes pour l'aider à retenir le sang et il la retint lorsqu'elle s'effondra un peu plus. Chacun de ses muscles était engourdi et elle sentait le froid la mordre de plus en plus.

« Ne bouge pas. »

Le duc arracha un large pan de sa cape et l'enroula autour de sa taille, dans l'espoir que ce bandage de fortune pourrait aider. Elle le regarda faire. C'était la première fois qu'elle le voyait dans un tel état. Il tremblait lui aussi et semblait anxieux. Elle posa une main ensanglantée sur sa joue.

« Ça va aller, souffla-t-elle, tout ira bien pour moi. Nous ne devons pas rester ici, nous devons retrouver les autres.

–Tu es blessée Daphné, tu dois te soigner.

–Ça attendra que j'aie retrouvé ma magie. »

Elle s'appuya sur son épaule et se releva difficilement. Elle ne put retenir sa grimace, ni tout le sang qui s'échappa de sa blessure.

« Daphné arrête ! »

Elle fit un pas en avant, une main plaquée contre son ventre. Elle baissa les yeux sur le cadavre encore enflammé du soldat.

« Ça va aller, répéta-t-elle, nous devons continuer. »

Elle continua d'avancer, pas après pas, sillonnant entre les cadavres, laissant une trace pourpre sinistre derrière elle. Ses jambes étaient affreusement lourdes et elle avait l'impression de les traîner. Mais elle savait qu'ils ne pouvaient pas rester là, d'autres chevaliers impériaux pouvaient revenir. Ils devaient retrouver les autres. Et alors ils retourneraient à Avisir et Dunlá pourrait s'occuper d'elle.

« C'est de la folie Daphné, arrête-toi ! Je vais te porter jusqu'à un endroit où tu pourras récupérer un peu de magie. Mais je t'en supplie, n'aggrave pas ta blessure ! »

Elle ne l'écoutait plus. Elle avait pour seul objectif d'avancer. Elle fit une trop grande enjambée et la douleur s'intensifia. Elle dû se mordre la langue pour ne pas crier.

« Il faut que tu vives, je t'en supplie, tu ne peux pas me laisser. Edmée je... il y a quelque chose que je devais te dire. Je voulais le faire après ce foutu rendez-vous. Nous sommes des âmes-sœurs mon amour, toi et moi étions destinés à nous rencontrer et à nous aimer. »

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now