Chapitre 2

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« Ne sors jamais du village, sous aucun prétexte. Là dehors, les gens te voudront du mal à cause de qui tu es. Ici, au village, tu es en sécurité. On te connait, on sait qui tu es, personne ne soupçonnera jamais rien. Alors je t'en supplie, ma douce Daphné, reste toujours au village, le monde est terrifiant et tellement dangereux. »

Les paroles de sa mère résonnaient dans la tête de Daphné alors qu'ils chevauchaient au travers de la forêt. Elle lui avait fait la promesse de ne jamais se mettre en danger en sortant du village et pourtant, cela faisait plusieurs heures qu'elle l'avait quitté. Elle avait failli à sa promesse. Mais était-elle réellement en danger ? C'était de ça dont Marianne Harlet avait peur, le danger que représentait le monde extérieur pour sa fille. Après tout, Daphné était avec le prince Agnar, le Faucheur, et il avait promis de la protéger.

Elle le sentait dans son dos, bougeant au gré des mouvements de la monture, les mains fermement accrochées aux rênes et ses bras entourant la jeune femme pour l'empêcher de basculer. Il semblait plus calme qu'au village, son aura était différente, moins sombre et effrayante. Mais malgré tout, Daphné restait terrorisée car elle savait qu'il y avait toujours une part de vérité dans les rumeurs. De tous ses cruels exploits, lesquels étaient réels ?

Daphné se rappelait parfaitement bien de ce matin d'été où une nouvelle glaçante avait fait le tour du pays et était arrivée jusqu'au village. Il faisait très chaud ce jour-là et la jeune femme avait laissé la porte de sa boutique ouverte pour faire entrer le peu de fraicheur que leur donnait cette matinée. L'une de ses clientes habituelles, madame Yvonne Trouvot, était entrée comme une furie.

« Mademoiselle Daphné ! S'était-elle exclamée. Avez-vous lu le journal de ce matin ? Le prince héritier, Agnar, aurait décapité le frère de l'impératrice et lui aurait ramené sa tête. Il a été dépouillé de son titre de prince héritier et se serait enfui avec ses hommes et ses concubines. Comment peut-on faire ça à un propre membre de sa famille ?

–Sauf votre respect, madame Trouvot, avait calmement répondu Daphné en réarrangeant un bouquet, mais je crois que le prince n'a aucun lien de parenté avec le frère de l'impératrice.

–Quand bien même, le frère de l'impératrice ! On ne parle pas de n'importe qui ! De toute façon, cela fait des années que tout le monde sait que ce garçon est dérangé, ce n'était qu'une question de temps avant qu'une telle chose arrive. Quel horrible personnage tout de même, j'espère sincèrement que sa cavale ne le mènera pas jusqu'à notre village. »

Sa cavale, non, mais le destin l'avait fait. Quelle était la probabilité pour que le duc d'Avisir passe dans les parages et soit à la recherche d'une mage ? Après tout, le duché d'Avisir se trouvait bien loin du petit village dans lequel habitait Daphné et seules quelques semaines s'étaient écoulées entre l'arrestation de la jeune femme et l'arrivée du prince.

Daphné essayait de trouver un sens à tout ceci, une raison logique. Il fallait croire que Dieu avait décidé qu'elle vivrait. Mais dans quel but ? Était-ce vraiment sa destinée d'aider le prince ? Elle qui pensait qu'elle ne ferait rien de plus dans sa vie que tenir la petite boutique de fleurs de ses parents. Elle eut un pincement au cœur. Ce magasin avait été toute la vie de ses parents, ils s'étaient battus pour vivre de cet amour des fleurs qu'ils partageaient. Daphné aurait voulu honorer leur mémoire en faisant davantage prospérer cette affaire familiale. En laissant la boutique derrière elle, elle avait l'impression d'abandonner ses parents, de les trahir.

Elle soupira bruyamment. Elle était certaine que ses parents ne lui en voudraient pas. Si elle était partie, c'était pour sauver sa peau et faire en sorte que toutes ces années qu'ils ont passé dans la peur que les gens découvrent ce qu'était leur fille n'eut pas été vaines. Elle leur devait bien ça.

Comme un pétale de roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant