Chapitre 70

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C'est le cœur lourd que Daphné passa les portes du château d'Avisir. Le corps de Lio, enveloppé dans le drap qu'elle avait fait apparaître, était transporté dans une charrette. Personne ne parlait. Ce silence était étouffant.

Karsten passa devant elle, tenant dans ses bras une Annabelle endormie grâce à la magie. Cela avait été le seul moyen de la calmer. Mais le regard de la mage resta fixé sur Agnar qui n'avait plus dit un seul mot depuis leur départ et dont l'aura était plus sombre que jamais.

Madame Baralot ouvrit en grand la porte d'entrée, le regard à la fois inquiet et rempli d'espoir. Agnar s'arrêta et leva la tête vers elle. Lentement, ses yeux se posèrent sur la charrette et sa main tremblante se posa sur sa poitrine.

« J'ai encore échoué, Edna. Pardonnez-moi. »

Madame Baralot retenait ses larmes ses yeux brillants la trahissaient.

« Vous n'avez rien fait de mal. »

L'air sinistre d'Agnar s'assombrit encore.

« Je n'ai rien fait de bien non plus. »

Il reprit son ascension des marches. En passant près de la gouvernante, il posa une main amicale sur son épaule avant de disparaître dans le hall.

Fosca demanda à ce que la charrette soit emmenée jusque dans la chapelle où le corps de Lio, conservé grâce à la magie, pourrait attendre de rejoindre sa dernière demeure.

Daphné sentit quelqu'un passer tout près d'elle. Rapidement, elle s'empara de son poignet. Tori parut surprise au premier abord mais comprit rapidement que la mage avait une question à lui poser.

« Est-ce que tu saurais retrouver des personnes à partir d'une arme ? Murmura-t-elle de sorte à ce qu'elle soit la seule à entendre. »

Pour appuyer ses propos, Daphné matérialisa dans ses mains une dague au manche particulier, portant des armoiries qu'elle n'avait jamais vues auparavant.

« Il s'agit de la dague qui a tué Lio. Et j'ai eu le temps de parcourir ses derniers souvenirs avant qu'elle ne parte. Ils étaient trois. Trois hommes portant ces armoiries. Es-tu en capacité de retrouver leur trace ? »

Tori fixa longuement l'arme, la prenant dans ses mains et l'observant sous toutes les coutures. Puis elle leva à nouveau les yeux vers Daphné, des yeux remplis de détermination.

« Traquer des gens est mon métier. Peu m'importe le temps que ça me prendra, je ramènerai ces hommes ici. Morts ou vifs ? »

Daphné jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et réfléchit un instant. Agnar n'était pas en capacité de prendre la moindre décision et il valait mieux le laisser seul pour le moment.

« Ramène-les vivants. Le Seigneur décidera lui-même de ce qu'il faudra faire d'eux. »

Tori acquiesça, camoufla la dague dans ses vêtements et s'éclipsa vers la caserne.

Daphné resta plantée devant la fontaine alors que la cours se vidait peu à peu. Les serviteurs et gardes rentraient l'air maussade, les sentinelles avaient descendu les drapeaux portant les armoiries d'Agnar, en hommage à Lio. Avisir tout entier portait le deuil de la jeune fille.

Au fond d'elle, la jeune femme bouillonnait. De toutes les personnes au service d'Agnar, il avait fallu qu'ils s'attaquent à une enfant qui comprenait à peine les enjeux de ce dans quoi elle était embarquée. Mais il y avait autre chose qui la faisait enrager.

« Vous saviez, souffla-t-elle. »

Après un long silence, Bianca soupira.

Je ne pouvais rien te dire, tu le sais.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now