Chapitre 44

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Le château était encore plus impressionnant vu de près. Il devait au moins faire le double de la taille de celui d'Avisir, voire peut-être même le triple. Daphné se sentait minuscule à côté de ce géant de pierre.

Ils avaient traversé la ville non sans peine, les habitants semblaient tous reconnaître le Seigneur et certains de ses soldats et concubines. Ils avaient été accueillis par des bénédictions et des acclamations, beaucoup souhaitaient voir le duc d'Avisir reprendre son titre et s'asseoir sur le trône. Le nom de Madalena ressortait, personne n'avait oublié la fille du duc qui était partie pour la capitale et qui n'en était pas revenue. Dès que sa mère était évoquée, Daphné notait un léger changement dans l'aura du Seigneur.

Un pont, passant au-dessus de douves profondes, séparait la ville du château, qui s'élevait tout en hauteur sur sa colline. Les imposantes tours donnaient à la bâtisse une élégance qu'elle n'avait jamais vu auparavant sur un bâtiment, et la pierre blanche des murs, parfaitement entretenus, lui donnait l'impression de se trouver devant une toile.

Le pont-levis était abaissé et la grille relevée. Dans la cour, tout aussi démesurée que l'endroit dont elle était l'entrée, des soldats les attendaient, droits comme des piquets, portant l'emblème de la famille Kleven, trois clés dorées sur un fond bleu roi. Sur les marches menant au château patientaient deux hommes, avec quelques serviteurs. Daphné supposa qu'il s'agissait de Rodwan et Adalard Kleven, l'oncle et le cousin du Seigneur, au vu de la légère ressemblance entre les trois hommes. Il n'y avait cependant aucune trace du duc d'Orlimar, de l'épouse de Rodwan ou encore de leur fille.

Le Seigneur stoppa sa monture au milieu de la cour, le reste du cortège l'imita, et il mit pied à terre. Adalard, un jeune homme aux cheveux châtains et aux yeux noisette, descendit les marches et s'arrêta à quelques mètres du Seigneur, l'air grave. Le cœur de Daphné s'affola alors. N'étaient-ils pas censés bien s'entendre ? Que s'était-il passé ?

« Agnar Hemmingsen, duc d'Avisir, le salua-t-il froidement.

–Adalard Kleven, répondit le Seigneur sur le même ton, seigneur de rien du tout pour le moment. »

Le silence s'installa alors, l'assemblée retenait son souffle. Puis, sans crier gare, les deux hommes éclatèrent de rire et se prirent dans les bras. Daphné n'en revenait pas.

« Ne fais pas cette tête, lui glissa Dunlá, c'est toujours le même cirque. »

Ils échangèrent quelques bourrades amicales en riant.

« Combien d'années se sont écoulées depuis que nous nous sommes vus ? Lança Adalard.

–Beaucoup trop, il faut rattraper tout ça autour d'une bonne bouteille.

–C'est parfait, grand-père a refait son stock peu de temps avant votre arrivée. De quoi tenir plusieurs jours sans décuver. N'est-ce pas Cale ? »

Le chevalier, qui était lui aussi descendu de selle, balaya ses paroles d'un revers de la main.

« Tu peux prendre cet air satisfait, fit-il, cette fois c'est moi qui te ferais ramper ! »

Daphné fronça les sourcils. Cale se permettait de tutoyer Adalard mais pas le Seigneur, alors qu'il devait certainement avoir passé plus de temps avec ce dernier. Il y avait encore beaucoup de choses qu'elle ne comprenait pas à propos de la relation qu'ils partageaient.

« Tu peux toujours essayer ! Rétorqua Adalard. Mais nous savons tous que Karsten sera le premier à tomber. Lauren sera heureuse de nous montrer ses talents d'actrice en feignant être ennuyée de te ramener dans ta chambre. »

Karsten leva les yeux au ciel. Le Seigneur posa sa main sur l'épaule de son cousin et tourna la tête vers l'entrée d'où son oncle les observait d'un air amusé.

Comme un pétale de roseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant