Chapitre 54

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Daphné se réveilla en sursaut, la bouche grande ouverte pour prendre une grande goulée d'air. Puis elle se mit à tousser tandis qu'une affreuse migraine martelait son crâne.

« C'est un miracle... »

Un haut-le-cœur souleva sa poitrine et elle tendit la main. L'instant d'après, elle attrapait un large bol qui avait volé jusqu'à elle et vomit toutes ses tripes. Elle sentit une main frotter son dos et une autre tenir ses cheveux. Elle voyait du coin de l'œil qu'on s'activait tout autour d'elle mais elle n'arrivait pas à se concentrer.

Tous ses souvenirs se mélangeaient à ceux de ces autres vies. Elle se voyait parfois dans une bibliothèque, parfois sur un champ de bataille remplie de sang. Elle vomit à nouveau.

« Là, doucement. Respire Daphné. »

La gorge serrée, elle sentait les larmes lui monter. Dans une autre vie elle avait bouleversé l'humanité entière pour un seul homme, qui devait certainement se trouver non loin d'elle. Elle s'accrocha au bol et prit de grandes inspirations en fermant les yeux. Elle n'osait pas lever la tête, de peur de croiser son regard. Et si le fait que Bianca était à présent ancrée dans son corps allait changer la perception qu'elle avait de lui ? Et si en le regardant toutes les histoires d'amour qu'elle avait vécu avec lui au fil des siècles revenaient ?

Un autre haut-le-cœur et elle vomit.

« Allez chercher un autre récipient ! S'écria une voix féminine à côté d'elle. Dépêchez-vous ! »

Elle ne put contenir ses larmes plus longtemps. Des bras l'encerclèrent et quelqu'un caressa doucement ses cheveux. Daphné revenait lentement à elle, réussissant à séparer ses propres souvenirs de ceux qui n'appartenaient pas à ce corps. Dunlá. C'était elle qui la prenait dans ses bras. Et ce pantalon noir près d'elle devait appartenir à Agnar. Elle ne voulait toujours pas le regarder.

Une main masculine lui tendit un autre récipient juste à temps pour qu'elle vomisse à nouveau. Dunlá continua de lui frotter le dos et lui parlant d'une voix maternelle.

« Vas-y, lâche-toi. Ça te fera du bien. »

Les larmes ne cessaient de couler le long de ses joues. Elle devait être terriblement affreuse.

Elle mit une bonne dizaine de minutes avant de se calmer. Dunlá l'incita à boire un verre d'eau et essuya ses larmes avec un mouchoir.

« Je suis désolée, murmura-t-elle d'une voix enrouée.

–Tout va bien, ne t'inquiète pas. »

Dunlá replaça ses cheveux derrière ses oreilles et reprit son verre vide. Elle gardait le regard rivé sur le sol.

« Est-ce que tu m'autorises à t'ausculter ? »

Daphné acquiesça et leva finalement la tête vers la guérisseuse. Son amie se figea un instant en plongeant son regard dans le sien, les yeux grands ouverts.

« Tes yeux... ils sont... » Elle se racla la gorge pour se reprendre. « Il ont drastiquement changé de couleur, c'est... spécial. Est-ce que tu sais pourquoi ? »

Daphné eut un mouvement de recul lorsque Dunlá s'approcha pour l'examiner. Bien sûr qu'elle savait pourquoi. Elle était la réincarnation de l'une des plus grandes menaces pour l'humanité.

On frappa à la porte et la jeune femme comprit vaguement qu'il s'agissait des gardes du duc d'Orlimar souhaitant lui poser des questions. Karsten les renvoya d'où ils venaient avant de leur claquer la porte au nez.

Annabelle prit toutes les précautions du monde pour s'asseoir à côté de la mage et poser sa main sur son épaule en signe de soutien. Daphné laissait Dunlá l'ausculter, le regard perdu dans le vide, toujours en train de faire le tri dans ses souvenirs.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now