Chapitre 31

377 39 22
                                    

Daphné bougea un doigt. C'était tout ce que son corps endolori parvint à faire. Parce qu'elle tenta de bouger son bras mais une douleur lancinante lui fit lâcher un long râle. Elle avait froid, terriblement froid. Sans doute était-ce à cause de ce sur quoi elle était allongée, quelque chose de gelé. Elle referma lentement ses doigts plusieurs fois et prit quelques secondes pour réaliser qu'il s'agissait de neige.

Tout s'embrouillait dans son esprit. Elle ne savait pas pourquoi elle était allongée dans la neige ni pourquoi il lui était si douloureux de bouger. Quelques minutes plus tôt, elle était dans son salon, chez elle, près du feu à siroter une tisane. Sa mère avait fait chauffer de l'eau pour que son père puisse se laver en rentrant de la forêt où il avait été couper du bois, et tricotait à présent une écharpe devant la fenêtre, à guetter son retour. Et elle avait... rêvé. Ses parents étaient morts, sa maison était en cendres.

Progressivement, les évènements lui revinrent. Leur arrêt à Enceburgh et le cadavre de la mage qui avait été brûlée vive, les rumeurs sur l'empereur et le prince Gaian, les chasseurs de mages, la suite de leur voyage dans les montagnes pour se rapprocher d'Avisir, les hommes cachés dans la forêt, l'attaque. La trahison de Marcus. Le nouveau sort. Le choc. La chute.

Sa poitrine se souleva frénétiquement, répondant à la panique qui s'emparait à présent d'elle. Ils étaient tombés dans le vide, le mercenaire, le Seigneur qui avait voulu l'intercepter et elle. Elle n'avait même pas eu le temps de crier tant la surprise l'avait tétanisée. Elle se souvenait des bras du Seigneur l'enserrant pour la protéger, les quelques mots qu'il lui avait dits mais qu'elle n'avait pas compris à cause du vent sifflant dans ses oreille. Elle se rappelait de la magie hurlant dans ses oreilles et courant dans tout son corps. Elle avait tendu la main alors que le sol se rapprochait. Sa magie avait répondu d'elle-même. Une onde de choc était sortie de ses doigts, elle avait été séparée du Seigneur et avait atterrit dans la neige. Puis elle avait perdu connaissance.

Elle réussit à ouvrir les yeux, malgré que ses paupières lui parussent peser une dizaine de kilos. Elle était entourée d'arbres et de neige, des flocons tombaient en silence depuis un ciel qu'elle ne voyait pas à cause du brouillard. Pas la moindre lumière était visible, ni le moindre feu. Elle se sentait terriblement seule et vulnérable dans ce silence assourdissant.

Elle tourna la tête vers la droite, avec toutes les difficultés du monde, et s'attendait à trouver le Seigneur près d'elle. Personne. Elle regarda à sa gauche et vit, enseveli sous de la neige et une grosse branche cassée, un corps.

Son cœur s'arrêta un instant. Elle ne bougea pas, fixée sur cette silhouette dont elle ne voyait qu'un bras, attendant le moindre mouvement de sa part. Rien. La neige ne se soulevait pas, la branche non plus, les doigts ne tressautaient pas. Et surtout, autour du corps, la neige était devenue écarlate.

Craignant le pire, elle se tourna sur le ventre pour prendre appui sur ses mains et se relever. Ses membres hurlaient de douleur et l'imploraient de rester inerte. Mais si elle ne bougeait pas, elle allait mourir de froid. Mais surtout, elle devait essayer de sauver le Seigneur. Si elle le pouvait...

Une fois sur ses jambes tremblantes dont elle ne sentait plus la moindre sensation, et après avoir laissé échapper des cris de douleurs en se levant, elle fit un pas en avant en grimaçant. Une violente migraine assaillit son crâne et un bourdonnement aigu la martyrisait. Mais elle fit un autre pas peu assuré, et encore un autre.

« Monseigneur ? »

Sa voix était enrouée et désespérée. Si jamais elle tombait sur son cadavre, elle ne se le pardonnerait jamais.

Elle finit par tomber à genoux devant cette main bleuie par le froid, à bout de forces. Elle s'appuya contre la branche pour la faire bouger, mettant ses dernières forces dans ce geste, et déblaya de ses mains pataudes la neige ensanglantée. Et elle priait, priait si fort pour que le Seigneur soit encore en vie et qu'elle puisse utiliser sa magie pour le soigner.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now