Chapitre 19

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La première chose qu'elle perçut fut une odeur. Des encens. Et alors tout se matérialisa devant elle. Une pièce, sombre. Au centre, une large table basse carrée recouverte d'une nappe rouge. Les murs étaient rouges eux aussi, et les fenêtres étaient recouvertes de rideaux épais qui empêchaient de savoir s'il faisait jour ou nuit. Un paravent avait été laissé dans un coin de la pièce. Quatre braseros brûlaient et réchauffaient la salle tandis que la fumée des encens empêchait l'odeur de brûlé d'être trop présente.

Elle était assise devant cette table, par terre, sur un coussin. Elle portait une robe, rouge et blanche, cintrée à la taille et laissant ses épaules à nu. De larges manches cachaient ses bras et ses mains. À sa gauche, un homme était assis à côté d'elle. Lorsqu'elle regarda dans sa direction, son cœur loupa un battement. Ses longs cheveux bruns et lisses étaient attachés dans une queue de cheval haute et sa tenue, rouge et blanche elle aussi, le rendait terriblement séduisant.

Elle reporta son attention devant elle, sur l'homme installé en face deux. Un peu ventripotent, son crâne commençait à se dégarnir et sa longue moustache était décorée de bijoux dorés.

Sur la table reposaient des mets qui avaient l'air tous plus divins les uns que les autres. Mais leurs trois assiettes étaient vides. Un serviteur, portant un masque doré, vint les servir en vin. L'homme en face d'elle mit un glaçon dans son verre, ce qu'elle trouva étrange, mais ne releva pas.

« Quel honneur que de vous rencontrer, commença l'homme devant elle, enfin. J'ai entendu tellement de bien à propos de vous, un couple de mages qui fait des merveilles. Vous devez savoir pourquoi je vous ai invité ici, n'est-ce pas ?

–Je suppose que vous avez besoin de nos services ? Devina sans grand mal le bel homme à ses côtés.

–Exactement ! S'exclama leur hôte en le pointant du doigt. Vous êtes perspicace messire Tamsir. »

Tamsir... Ce nom lui disait vaguement quelque chose. Il résonnait en elle comme si elle le connaissait depuis toujours, sans arriver à savoir pourquoi. C'était pourtant la première fois qu'elle le voyait.

Elle baissa ses yeux vers ses mains. Sa peau était moins blanche que d'habitude, plus bronzée. Et surtout, elle portait une alliance à sa main gauche. Elle comprit alors qu'une fois de plus, elle se retrouvait dans le corps d'une autre femme.

« Je suis loin d'être un seigneur, répondit Tamsir, ma femme et moi ne possédons aucun titre de noblesse.

–C'est bien dommage, votre épouse est bien trop belle pour ne pas être une dame. Je pourrais peut-être vous trouver un titre de noblesse, si jamais vous répondez à mes attentes. Vous feriez une excellente vicomtesse madame. Ou peut-être pourrais-je vous obtenir un titre encore supérieur. Que diriez-vous de comtesse ? Ou duchesse ? »

Elle se pencha en avant et posa son menton dans sa main, accordant à cet homme un sourire enjôleur.

« Rien qui ne me soit accessible par moi-même, répondit-elle d'un air taquin. Mais dîtes-moi, quelle plus-value nous apporteriez-vous ? »

L'homme se mit à rire, d'un rire gras qui redressa ses cheveux sur sa tête. Elle détestait cet homme, il cachait quelque chose, elle en était certaine. Mais quoi ?

« Une alliance bien sûr ! Riait-il en se tenant le ventre. Madame, voyons, ne savez-vous pas qui je suis ?

–Au contraire, monseigneur, je sais parfaitement bien à qui j'ai affaire et c'est pour cette raison toute particulière que je me méfie. N'ai-je pas raison ?

–Vous êtes intelligente pour une femme. Vous faites bien de vous méfier, tous les deux, bien des gens ont tenté de m'arnaquer sans jamais y arriver.

Comme un pétale de roseWhere stories live. Discover now