Trompé de numéro.

Chapitre I.

     Isaia tirait une énième latte de sa clope avant de la jeter négligemment dans le cendrier en pierre. Il entra une nouvelle fois dans cette luxueuse maison appartenant à l'un de ses amis. La petite fête organisée battait toujours son plein, Nirvana criait dans toute la maison, les garçons sur le sofa, une bière à la main et des restants de pizzas échoués sur la table basse du salon, prise d'assaut par des manettes de jeux ainsi que des CDs abandonnés.

Le lycéen aimait particulièrement ce genre de soirée, avec seulement quelques potes, à boire de la bière et manger fastfood, jouer à la play ou mettre des chaînes de musiques, principalement du rap et du rock. Il fallait l'avouer, c'était très cliché, mais c'était très bon également.

Lorsque ses amis l'aperçurent, l'un d'eux balança précipitamment un objet derrière lui, comme pris en flagrant délit, tandis que les autres arboraient tous un sourire qu'ils tentaient vainement de réprimer.

Le châtain s'assit sur le canapé d'à côté avant d'ouvrir la bouche.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il au petit groupe entassé sur le plus grand sofa.

Tous secouèrent la tête, l'air innocent. Isaia n'avait pas la tête à chercher la raison de leur sourire moqueur. Il avait le cerveau en compote et l'esprit alourdit par des heures de travail, lui ayant coûtées toute son attention.

     Isaia Gianni était un lycéen de dix-sept ans en première économique et sociale dans un lycée général. Il avait une passion qui lui dévorait tout son temps libre : la photographie. Cette passion lui avait été transmise par son père, photographe de renom. Leo Gianni était très célèbre dans le monde entier et avait déjà photographié des milliers de stars ainsi que des paysages et des mises en scène spectaculaires, qui le fit rapidement grimper dans le classement des meilleurs dans son domaine. De par son talent, monsieur Gianni avait réussi à se faire un nom et partait très régulièrement en voyage, abandonnant son tout premier studio de photographie, qui permettait à son fils de s'en servir.

Isaia, lui, aimait beaucoup faire des portraits, de préférence dans une atmosphère sombre et mystérieuse. Pour pouvoir s'exercer, il demandait souvent à ses amis et connaissances de poser pour lui et ils se prêtaient tous au jeu.

      Un beau jour, son père l'avait appelé en lui annonçant une superbe nouvelle. Une jeune femme connue au Japon avait été séduite par son travail, lorsque son père le lui avait montré, et souhaitait que Isaia fasse des portraits d'elle contre une très bonne rémunération.  

Ces trois derniers jours, le châtain les avait passés dans son studio, accompagné d'une riche Japonaise à la peau laiteuse, au corps fin et au visage d'ange. Une beauté sans pareil. Néanmoins, observer cette créature de rêve n'était pas dans ses priorités, il avait bossé nuits et jours, séchant même ses cours pour prendre les meilleures photographies de sa vie et les travailler, cherchant inlassablement l'excellence.

Le dernier jour, la jeune femme, âgée de la vingtaine d'années, avait souhaité faire des photos d'elle nue, chose qu'il n'avait encore jamais faite auparavant. D'abord quelque peu embarrassé, il avait finit par accepter, comblant les attentes de sa toute première et véritable cliente.

Finalement, la séance s'était très bien passée. Les deux étaient restés très professionnels et Isaia n'avait pas vraiment eu de mal à prendre des photos, le magnifique corps de l'asiatique aidant énormément.

     À la fin de ces trois longs et éprouvants jours, il s'était mis d'accord avec la jeune femme pour lui envoyer par message les photographies, afin qu'elle décide lesquelles seront achetées. Ethan, le propriétaire de la maison, l'avait invité le soir même. 

     Au alentour de minuit, le châtain était parti fumer sa cigarette du soir, laissant son téléphone sur la petite table où traînaient les résidus de repas, à la vue de tous.

— Sérieux les gars, vous êtes chiants parfois, finit-il par lâcher, désespéré par l'attitude gamin en faute de ses amis. J'y vais, j'ai encore du travail qui m'attend, annonça-t-il en se levant, se rappelant qu'il devait encore vérifier quelques photos puis les envoyer à sa cliente.

Un objet manquait cependant à l'appel : son téléphone. Il le chercha des yeux un petit moment dans la pièce avant de demander.

— Vous n'avez pas vu mon tél ?

— Il est dans la cuisine je crois, prononça le plus petit de la bande, Mattéo.

Il se rendit dans la grosse cuisine de style américain avant d'entendre, presque aussitôt :

— Isa, ton tél est là !

Il revint alors dans le salon où il vit Ethan lui tendre son smartphone, un sourire en coin que tous avaient. Le châtain fronça les sourcils avant de déguerpir.

     Une fois chez lui, il s'installa directement devant son ordinateur, accompagné d'une canette de soda fraîchement sortie du frigo. Durant une bonne partie de la nuit, il retravailla ses prises, rectifiant une imperfection, jouant avec les couleurs, examinant millimètre par millimètre. Lorsque ce fut au tour des clichés nus, il eut une certaine gêne, ayant l'impression d'être un voyeur à décortiquer ainsi son corps, mais il se ressaisit rapidement en se rappelant que c'était son travail.

Très tôt dans la matinée, il transféra les images sur son téléphone avant de chercher un moment le nom de Misaki Haruka pro. 

« Bonjour madame Haruka, jesuis Isaia Gianni, celui qui vous a récemment photographié. Je viens de finirles dernières retouches pour vos photos, n'hésitez pas à me donner votre avis. Je vous les envoie, dîtes-moilesquelles préfériez-vous. Au plaisir et excusez moi du dérangement.»

Il envoya ensuite les photos qu'il avait sélectionnées puis alla se coucher.

Ne se doutant pas une seule seconde du petit jeu mesquin auquel s'étaient adonnés ses amis et quelle tournure allait prendre cette histoire.