Chapitre VIII

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       Toute la nuit, Isaia cogita. Sa conversation avec son maître-chanteur le fit douter, beaucoup de choses concordaient avec ce que Simon lui avait apprit, notamment le fait que son bourreau se lasse, ou encore qu'il fasse ça par ennui et immoralité. Toutefois, cela restait suspect. 

Comment cet enfoiré connaissait absolument tous les prénoms et détails, alors qu'il n'en avait parlé qu'à Simon ? Est-ce que son ami du collège qu'il affectionnait particulièrement serait assez bête pour commettre une erreur aussi grossière ? Impossible. Simon était quelqu'un d'intelligent, méfiant, posé et réfléchit. Cela ne collait définitivement pas. Et puis dans ce cas, autant soupçonner sa bande d'amis, eux seuls savaient pour le shooting photos, bien qu'ils n'avaient pas connaissances des photos nues.

Soit Simon était de mèche, soit son harceleur pouvait écouter ses conversations téléphoniques et cela en devenait d'autant plus effrayant. En revanche, cela pouvait confirmer le moyen d'obtention des photos et cette option l'arrangeait, car il pourrait écarter ses amis de la piste et chercher un petit génie de la technologie.

Dans tous les cas, il priait pour ne pas que Simon ait un quelconque lien dans cette histoire. Si une personne comme lui le trahissait... alors il ne pourrait plus donner à sa confiance en qui que ce soit.

Le châtain finit par enfin s'endormir, la tête toujours aussi pleine d'interrogations sans réponses.


       Le lendemain matin, Isaia se réveilla - encore - accompagné d'un horrible mal de tête. Lorsqu'il croisa son reflet dans le miroir, il jugea l'ampleur des dégâts. Ses cheveux étaient dans un désordre pas possible et la racine commençait à devenir sale, quant à ses yeux, ils étaient ternes, son bleu océan était sans éclat, le tout cerné de poches creusés en dessous de ses yeux. Son teint était pâle, il puait la fatigue à plein nez. Il se trouvait vraiment repoussant, dans cet état.

Il alla sous la douche sans réel entrain, s'il avait la possibilité de sécher les cours aujourd'hui, il le ferait sans hésitation. Mais il était assez conscient pour savoir qu'ils étaient très importants et qu'ils devaient rester sa priorité, comme le lui avait longuement répéter son père. Il mit ensuite un vieux jean bleu, un col roulé blanc et des converses de la même couleur. Isaia accordait de l'attention à ses vêtements, il aimait bien s'habiller, enfin, le plus important était d'aimer ses vêtements et de ne pas les choisir en rapport avec une mode.

Il prit son sac, enfourna ses cahiers et un paquet de chewing-gum, enfila un manteau long et gris et une grosse écharpe, le temps commençait à se dégrader avec l'arrivée de l'hiver, et n'oublia pas son paquet de cigarettes.

      La première chose qu'il fit en sortant de chez lui, fut de prendre une clope de sa poche et de l'allumer. Il avait besoin de se détendre, craignant la fin de journée comme la peste. Il n'était pas convaincu par l'efficacité anti-stress de la nicotine, mais cela faisait effet de placebo sur son moral alors il continua. Il jeta le mégo dans une poubelle et prit un chewing-gum, il savait à quel point l'haleine post-clope pouvait être extrêmement dérangeante pour certaines personnes.

Isaia monta ensuite dans le bus. Devant lui, deux collégiens parlaient et riaient à outrance, faisant des remarques désobligeantes devant les images qui défilaient sur le téléphone d'un des garçons. Curieux, Isaia plissa les yeux afin de voir quelles personnes étaient victimes d'autant de méchanceté. Il y vit des femmes, qui avaient toujours un petit défaut qui les rendaient " dégueulasses " selon les deux prépubères, alors qu'elles n'étaient... qu'humaines et non photoshopées. 

C'était l'une des raisons qui poussaient Isaia à faire des portraits sombres, dans un sens, c'était aussi pour dénoncer ce genre de comportements violents et sans intérêt. Ces deux gamins avaient une vision totalement erronée du monde et il trouvait cela très triste.

Il préférait mettre ce sujet en stand-by, il en avait ras-le-bol des prises de tête pour le moment. Chaque chose en son temps. 

Soudainement, des petits gémissements firent le chemin jusqu'à son oreille et il pencha de nouveau la tête, curieux de voir ce que les deux collégiens regardaient désormais, toujours en se moquant. Ses yeux s'arrondirent devant... un film pornographique gay ? Son premier reflexe fut de s'éloigner de cette écran et de se rasseoir au fond de son siège. Puis, attiré par un intérêt quelconque, il s'approcha de nouveau et sa bouche se crispa devant la scène. Il y avait un homme à quatre pattes et un autre derrière lui. Celui qui était à terre semblant souffrir et cela lui assura que ce n'était pas une chose à voir. 

A vrai dire, le châtain n'avait jamais regarder ce type de vidéos, il trouvait ça trop intime, trop voyeuriste. Il n'avait jamais ressentit, non plus, le besoin de s'adonner aux activités d'autres garçons ou filles de son âge. Peut-être était-il dépourvu d'envie sexuelle ?  


*Point de vue du harceleur*


Le jeune lycéen s'avança avec nonchalance vers sa première heure de cours. Dans le couloir, un sourire sadique s'afficha sur ses lèvres devenues pâles par le froid de fin d'automne, il vit au loin une silhouette qu'il reconnut aussitôt. Le grand Isaia Gianni, dont le père célébrissime exhibe ses talents de photographe partout dans le monde. Il se demandait ce qu'avaient ses œuvres de si intéressantes, lui les trouvaient d'un banal. Certes, il ne s'y connaissait pas, mais même avec toute la bonne volonté du monde, il n'y trouvait rien d'exceptionnel. Ne parlons même pas de son cher et tendre fils, né avec une cuillère d'or dans la bouche !

Le jeune homme détestait les bobos et comptait bien le montrer à Gianni. Ses photos étaient une véritable aubaine pour le jeune homme.

Le lycéen alla à la rencontre d'Isaia, histoire de le taquiner un peu. Il lui tendit sa main et il vit de la méfiance vainement dissimulée dans les yeux du châtain, auquel le garçon lui répondit d'un grand sourire.

— Salut, mec ! lança-t-il joyeusement.

— Salut. 

Il fut surprit en voyant les cernes énormes de Gianni.  Il devinait aisément que c'était de sa faute et que celui-ci faisait tout pour le démasquer.

Ce rendez-vous après les cours, il allait passer à l'étape supérieure, le jeune homme avait décidé d'inviter les principaux suspects, ainsi que d'autres personnes qui ne figuraient pas sur sa liste. Isaia Gianni allait devoir donner de sa personne. Saura-t-il le reconnaître ?

Le bourreau esquissa un sourire malicieux. Son plan était parfaitement réfléchi. Il avait envie de s'amuser un peu, alors il s'en donnait les moyens. 

Creuse, Isaia, creuse. 


Trompé de numéro.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant