Chapitre 93 - Enlèvement I

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1 h 25

Dans l'obscurité de ce moment morbidique, Zahra visionnait sa vie qui défilait en une projection éclair puis ralentit à ce point éminent... Quand tout avait commencé. Une naissance qui se suivit d'imprévus, qui bouleversèrent sa vie et grâce auxquels elle put goûter à l'amour de sa forme la plus pure à celle ardente et brulante.

Là encore, elle goûtait à l'autre face ténébreuse, de cette suite d'incidents imprévisibles. Car dans cet hermétisme, où ses larmes déferlaient sans parvenir à franchir la frontière du bandeau qui lui barrait la vue, et où ses cris se transformaient en gémissements, car ils ne pouvaient transpercer le bâillon qui étouffait sa bouche. Zahra ne savait pas où on l'emmenait ni qui l'avait enlevé. Sa résistance s'était affaiblie et elle avait abandonné de se débattre depuis quelques minutes. À présent, elle savait uniquement, qu'elle était jetée comme un sac sur l'épaule de l'un des ravisseurs, que celui-ci gravissait les marches d'un escalier, et parlait à d'autres hommes dans une langue étrangère.

Quelqu'un déverrouilla une porte, et dès qu'ils la franchirent, on la referma. Par la suite, son transporteur la laissa tomber comme une vulgaire marchandise sur ce qui lui semblait être le matelas d'un lit. Elle était effrayée, elle était terrorisée, et était désespérée. Les hommes qui la protégeaient étaient actuellement loin et ne pouvaient pas la sauver. Mais son instinct de survie refusait de se plier, et malgré ses poignets et pieds ligotés, elle remua et tenta de se redresser. Mais de grandes mains s'affalèrent sur sa poitrine et la reclouèrent au lit. Les mains, d'un pervers, qui comprimèrent ses seins déclarant des intentions des plus viles et déclenchant en elle des spasmes de frayeur de l'sort effroyable qui l'attendait.

Ses plaintes inarticulées atterrissaient dans des oreilles sourdes, insensibles et cruelles. Pendant, qu'elle était perdue dans ses propres geignements, elle n'entendit pas la porte se réouvrir, ni le claquement sec des talons aiguilles sur le sol, jusqu'à ce qu'une voix féminine parla :

- Vedat ! Enlève tes sales pâtes d'elle !

Tout d'abord, elle eut la chair de poule en percevant la voix à la fois douce, ferme et froide, de cette femme. Et qui lui évoqua la douceur venimeuse d'une vipère. Puis une prémisse d'espoir
s'immisça en elle quand elle réalisa qu'elle avait compris ce que cette femme avait dit, que cette dernière avait parlé en anglais.

Les sales pâtes glissèrent loin de son corps, accompagné d'un grognement mécontent de l'homme qui s'exprima toujours dans sa langue étrangère.

Encore une fois, la voix glacial de la femme sonna comme un verdict :

- Le fils du Baba la veut, et était clair quand il avait ordonné que personne ne la touche ! Mais si tu ne peux contrôler ta foutue queue, je te propose de continuer !

Celui, qu'on appelait Vedat émit un gloussement coléreux. Zahra entendit par la suite ses pas pesants s'éloigner et soupira quand la porte claqua bruyamment. Mais son soulagement, ne fit que téméraire. Elle n'était pas pour autant rassurée et toujours effrayée elle tourna la tête à droite puis à gauche consciente de la présence de l'autre femme. L'évocation du Baba lui fit penser aux Özdemirs et l'embrume de l'ignorance se dissipa soudainement quand elle comprit qu'elle était tombée dans les grappins des ennemis de sa famille.

Et n'ayant pour alliés que son olfaction et son ouïe, ses narines captèrent alors le parfum fort et fruité de la femme qui s'était approchée ; et qui ensuite lui susurra à l'oreille :

- Je m'appelle Ivanna, si tu veux t'en sortir, suis mes consignes à la lettre. Sinon tu finiras dans le Çayı(*), tu me comprends ?

Zahra hocha la tête paniquée.

-Je vais t'enlever le bandage des yeux et si reste calme je ferai de même avec celui de ta bouche.

A nouveau, la jeune femme hocha frénétique la tête en signe d'obéissance. En sentant les mains de la femme l'approcher, elle se crispa mais se retint de reculer. Le premier noeud défait, et le bandage tomba pour lui permettre de voir où elle se trouvait mais avant tout, devant qui.

En face d'elle, se clarifia l'image d'une belle femme rousse, d'un certain âge, depassant la cinquantaine. Elle était habillée d’une manière très élegante et sophistiquée dans sa robe noire scintillante, comme si elle venait elle aussi de quitter une soirée arrosée. Cette femme, Ivanna, était aussi maquillée de manière trop exagérée et fixait sur Zahra son regard velouté sous cils longs et faux.

-Je t’avertis, tu cries, je te giffle. Tu gigottes j'appelle les hommes pour te calmer... Et franchement, tu as eu un avant goût de comment ils s’y prennent pour calmer... Alors ? tu seras sage ?

A part des larmes qui coulaient de ses yeux, Zahra tenta de contenir sa panique, de ravaler sa peur. Et acquiesca. Satisfaite la femme lui enleva le baillon de la bouche.

En la considérant, Ivanna arqua un sourcil, toujours en la détaillant :

-Tu me surprends. Trop calme !

-Où suis-je ? S’enquit Zahra d’une voix tremblante.

-Dans une maison appartenant au clan Odzemir !

A suivre...

*** Premier jet ***

Çayı(*) : une rivière à Ankara.

Bébé à l'improviste...Where stories live. Discover now