Chapitre 5 - Une joute

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Les deux se bravèrent visuellement, figés devant l'entrée. Dugan guettait la prochaine réplique de Zahra, alors que cette dernière, n'étant décidément pas préparée à l'idée d'un déjeuner en privé, lui adressait un regard déterminé.

- Il n'en est pas question. Je ne vous accompagnerai pas dans votre chambre ! L'informa-t-elle.

Dugan la lorgna pendant quelques secondes, pensif, cherchant un moyen pour la convaincre sans se trahir ou afficher son agacement. Pourtant, il grouillait d'impatience, en pensant au temps, qui lui restait pour finir sa mission et quitter la France.

Aussi, et bien qu'il comprît les appréhensions de la jeune femme, mais il se considérait au-delà des soupçons. Et il se sentait insulté que la jeune femme se doutât de ses intentions. C'était comme le prendre pour un abruti en manque, prêt à profiter du moindre isolement pour abuser d'une femme.

- Je n'ai pas dit chambre, mais suite. Et vous ne pensez quand même pas que je puisse avoir des intentions indécentes à votre égard, au point de vous sauter dessus et d'abuser de vous ?! Rétorqua-t-il d'un ton acide.

Sa riposte heurta Zahra. Elle l'interpréta à sa manière, et en déduit qu'il la considérait indigne de tout intérêt. Du reste, elle-même, ne pouvait qu'entrevoir ce gouffre qui les séparait, tenant compte de leurs niveaux sociaux ainsi que leurs prestances physiques séparés de quelques années de lumières. De ce fait, elle se confina dans le silence alors que le Demir ajouta d'autres arguments :

- Mademoiselle Kamel, je suis là pour gérer une affaire familiale. Pour une famille qui a sa renommée, vous convenez avec moi que la discrétion est de vigueur. Nous veillons particulièrement à rester à l'abri des rumeurs qui risquent de souiller notre réputation et de faire atteinte à notre honneur ainsi qu'au vôtre. D'autant plus, m'afficher avec vous, risquerait de vous mettre dans une ligne de mire, que je préfère vous éviter. Voilà pourquoi j'ai opté pour ce lieu privé pour que nous entretenions.

"Logique !", s'avoua Zahra. Ses arguments étaient totalement plausibles et elle ne pouvait nier ce fait.

"Il aurait pu le formuler ainsi, dès le début !", se dit-elle, toujours blessée de ses propos précédents.

Puis d'un signe de la tête elle marqua son consentement et avança d'un pas.

- Je vous remercie ! Dit Dugan, toujours aussi courtois ; avant de s'écarter pour la laisser passer.

***

En entrant dans cette suite, Zahra se voyait accéder à un monde ostentatoire. Avec un décor interne qui reflétait la noblesse et l'élégance à la Française. A leur droite, se trouvait le salon, spacieux et meublé d'un beau canapé et de deux fauteuils qui était tous orientés vers une cheminée en marbre. Un bureau style Napoléon était placé au côté opposé, et sur lequel étaient déposés quelques affaires appartenant certainement à Dugan, un dossier fermé, un ordinateur portable et quelques papiers éparpillés.

Au milieu, une table ronde nappée en blanc, était dressée élégamment pour deux personnes. Non loin d'elle, une autre table rectangulaire, était aménagé pour présenter un buffet. Zahra prise de stupeur, lança un regard interrogateur à Dugan.

- Mais comment... ?

- Comment je savais que vous alliez venir ? la coupa-t-il en anticipant sa remarque.

- Oui ! Admit-elle en lui en voulant sa perspicacité, à deviner ses dires avant même qu'elle ne les prononçât.

- Je n'étais pas sûr, mais j'ai pour habitude de me préparer aux différentes éventualités.

- Si j'avais refusé de venir, qu'elle aurait été votre autre approche ? Sa question, était provocatrice, elle le savait et le regard de Dugan le confirmait.

- Je préfère ne pas m'étaler sur les autres possibilités. Vous êtes là, et je vous en remercie. Donnez-moi votre sac s'il vous plait, nous ne possédons pas beaucoup de temps.

Elle obtempéra en lui tendant son sac. Ce dernier atterrit délicatement sur le canapé. Puis Dugan lui tira une chaise, l'invitant à s'asseoir. Il récupéra un menu sur la table buffet qu'il lui tendit :

- C'est un menu personnalisé, je me suis permis d'effectuer une petite sélection variée. J'espère que vous trouverez des mets qui vous plairont.

Zahra n'avait pas d'appétit, elle fixa un moment le menu sous l'œil intimidant de Dugan, puis opta pour une salade, voulant en finir de ce regard qui lui donnait des frissons.

- C'est tout ?

- Oui, Merci !

Il les servit et s'installa en face d'elle.

- Comment va Rose ?

- Elle va bien ! Puis-je savoir pourquoi vous ne vous êtes pas présenté hier ? Lui demanda-t-elle en voulant lui extraire le maximum.

- J'ai mes raisons, je vous les expliquerai plus tard. Mais sachez que je suis venu à Paris spécialement, pour vous rencontrer, m'assurer de la parenté de mon frère avec votre fille et voir ce que nous pouvons faire pour corriger la situation.

Zahra ne pardonnerait jamais au frère, absent, la détresse de Salma. Qui, durant toute la période de sa grossesse, à tenter de le contacter par tous les moyens. À chaque fois qu'elle l'appelait, elle tombait sur sa boite vocale ; Le nombre incalculable de messages qu'elle lui avait envoyé, n'eut jamais été lus, sans compter les fois où elle s'était connectée de son ordinateur pour lui écrire des e-mails, aussi sans réponse de sa part.

- N'est-ce pas à votre frère de venir ? Ou bien est-il trop lâche pour... Lâcha-t-elle d'une voix courroucée qui trahissait son émoi et les frustrations des mois passés.

Les mains de Dugan se crispèrent sur la nappe de la table et son regard devint glacial et terrifiant.

- Je vous interdis de parler ainsi de mon frère. Egan n'a jamais été un lâche. C'est un homme très respectable ! Mais je présume que vous n'aviez pas eu le temps de vous vous appréciez... Vous avez sauté au lit plus vite qu'il ne le fallait.

La réplique acide, empoisonnée de sous-entendus, n'était qu'une manière de châtier la jeune femme d'avoir insulté son frère. Celle-ci, n'était pas prête à se laisser intimider. Elle trouvait là, une occasion pour défendre sa nièce, et vider à sa place, toute sa frustration et sa douleur. Ainsi, elle tint tête à ce Demir en le défiant du regard et sachant pertinemment, que ce qu'elle allait dire n'allaient aucunement l'apaiser, bien au contraire, elle risquait d'attiser sa colère.

- Examinons les faits monsieur Demir : deux personnes ont sauté dans ce lit, comme vous venez de le signaler ! Deux personnes ont participé à concevoir un enfant : ma Rose. Mais une seule personne assume sa responsabilité jusqu'à maintenant ! Alors que l'autre bien qu'il ait été informé a disparu.

Malgré sa colère contre sa propre nièce, Zahra était celle qui avait assisté à sa décadence et à sa tristesse face au silence de cet Egan. Elle souffrait à chaque fois qu'elle l'avait découverte recoquillée sur elle, dans un coin de la maison ou cachée dans les toilettes pour sangloter son sort.

À son grand désarroi, Dugan se surprit à admirer la force de caractère de Zahra. Elle était certainement, une femme avec du caractère et méritait de loin son respect. Il se contint de réagir impulsivement, en méditant ses dires. Puis, proposa plus calmement :

- Je vous en prie de ne pas sauter aux conclusions sans connaitre les circonstances. Je suis ici pour élucider ce conflit et vous informer de ce que vous ignorez concernant mon frère et son état de santé depuis presque un an et demi.

***

Note de l'autrice : Première correction, faite le 24 septembre 2021

Bébé à l'improviste...Where stories live. Discover now