XLV. Échapper au Spleen

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Plongé dans son livre, le jeune homme n'entendit point les pas résonner dans le grand couloir qui menait à l'infirmerie. Les mots comme des bouchons d'oreilles, il fit complètement abstraction de la porte qui claqua. Le Gryffondor sortit de son univers lorsqu'il sentit une présence ; une petite tête rousse dépassait des rideaux blancs installés pour lui laisser de l'intimité.

- Oh, bonjour Maxine ! s'enthousiasma Remus en posant son livre sur ses genoux.

La jeune femme le salua à son tour, et s'installa sur le fauteuil en expliquant sa venue :

- Nous avions cours de Botanique tous les deux aujourd'hui, mais vu que tu étais malade, je me suis dit que je pouvais venir te rendre visite afin de te tenir compagnie.

- C'est très gentil à toi.

Remus fit un sourire timide en direction de la jeune femme, plus il la côtoyait, plus il avait l'impression qu'elle l'intimidait. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de chérir les moments qu'il passait avec Maxine, malgré sa situation qui lui revenait toujours en tête lorsqu'il s'autorisait un peu de bonheur, comme un gong sonnant l'heure fatale. La rouquine qui s'était perdue dans la contemplation du sol, sortit de ses pensées et demanda délicatement :

- Je sais que cela peut paraître un peu indiscret, mais tu es souvent souffrant Remus. As-tu une maladie quelconque ?

Les yeux verts du jeune homme la transperçaient, mais pas de la façon dont elle avait imaginé. Ce n'était pas une colère que ses pupilles reflétaient, mais plutôt une très grande peine, mêlée à une vive douleur. Avant même qu'il ait pu dire quelque chose, Maxine ajouta précipitamment, confuse et ne voulant pas le blesser :

- Je suis désolé Remus ! Je ne voulais pas t'embarrasser, mon père dit toujours que la curiosité est un vilain défaut et il a raison...

- Ne t'inquiète pas Maxine, répondit le garçon aux cicatrices, j'ai toujours au depuis mon enfance, un système immunitaire fragile.

Il se perdit à son tour dans ses réflexions. La rousse qui s'en voulait toujours, accepta sans ronchonner le mensonge de Remus ; n'étant pas dupe, elle avait compris que cela était une simple excuse derrière ce qu'il cachait réellement. Mal placée pour lui en demander davantage, Maxine hocha la tête et esquissa un sourire en voyant le livre posé sur les genoux du jeune homme. Ce dernier suivit son regard, avant de saisir le recueil.

- Il me plaît beaucoup, murmura Remus en parlant du fameux cadeau de Maxine, je redécouvre les poèmes que me récitait ma mère le soir, mais j'aime aussi lire ceux que je ne connaissais pas.

L'adolescente en observant mieux l'infirmerie, eut un sentiment de bien-être. Les fenêtres laissaient entrevoir les derniers rayons du soleil qui se couchait doucement, créant à la fois une ambiance cosy, mais aussi exotique sur la peau de Remus. Pâle à cause de sa santé, le doré des rayons lui donnait meilleure mine et éclairait ses cheveux châtains. Dès lors, ses cicatrices ne semblaient plus qu'un simple détail, car l'imposant vert de son regard dominait tout son visage. La jeune femme, dans un élan de courage et d'audace, se penchant vers le Gryffondor et récupéra le livre.

- Tu veux bien que je te fasse la lecture ?

- Cela serait avec plaisir ! répondit le garçon, heureux d'avoir enfin quelqu'un avec qui partager sa passion pour la littérature.

Maxine passa ses doigts sur la couverture en réfléchissant quelques secondes.

- En revanche, je ne connais aucun de ces poèmes, veux-tu que je t'en lise un en particulier ? demanda la jeune femme.

- Laisse le hasard décider, on le découvrira tous les deux comme ça.

Les pages du livre tournèrent, puis l'adolescente se stoppa sur une page.

- Nuits folles... Cela annonce la couleur, rit doucement la jeune femme en découvrant le titre.

Couleur qui teinta effectivement leurs joues lorsque Maxine se mit à lire le poème :

- Nuits folles ! Nuits folles !

Si j'étais avec toi

Ces folles nuits seraient

Notre luxe à nous !

Ridicules - les vents –

Pour un cœur au port –

Fini le Compas –

Finie la Carte !

Ramant dans l'Éden –

Ah – la Mer !

Et jeter l'ancre – cette nuit

– En Toi !

Remus profita de ce court instant de lecture, qui l'enveloppa dans une autre atmosphère. Il avait l'impression de voyager à travers les paroles de la rousse, sa voix donnait une teinte exotique au poème. Malgré les mots osés des vers, Remus se prit à imaginer une nuit avec Maxine. Non pas torride comme le voulait l'amant avec sa bien-aimée, mais un moment dans la nuit étoilée à parler des choses les plus folles qu'ils désiraient. Un moment d'Idéal voulant échapper au Spleen quotidien que subissait le jeune homme. Par ses propres pensées, Remus rougit et croisa les joues également marquées de l'adolescente qui venait de finir sa lecture. Un silence s'abattit entre les deux amis, à la fois gênés, mais également rassasiés par ce poème.

- Je ne savais pas qu'Emily Dickinson était si...

- Passionnée ? compléta Remus tout en riant afin de détendre l'ambiance. Malgré sa vie recluse et introvertie, cette femme devait cacher un grand cœur derrière sa carapace.

Ils débattirent ainsi tranquillement sur la vie de la poétesse, le soleil faisant place au fil de leur discussion, à la lune argentée. La jeune femme se prit dans la contemplation de cette dernière qui n'était désormais plus pleine, amputée de son rond parfait.

- Je serais intéressée de savoir d'où vient ton surnom ? murmura Maxine. Lunard...

La main de ce dernier se crispa sur le matelas de son lit, mais la rousse ne le vit pas, perdue dans son observation à travers la fenêtre.

- James trouve toujours des idées loufoques.

- Rien avoir avec la lune ?

- Aucune idée, répondit une nouvelle fois le concerné, je ne sais vraiment pas d'où il a sorti cela, mais ce surnom est resté.

La Gryffondor reporta son attention sur Remus et lui sourit, comme pour gagner sa confiance, sentant bien que tout cela commençait à devenir une véritable liste d'indices sur le secret du jeune homme.

- Tu devrais y aller, lui dit ce dernier, il se fait tard et tu vas rater ton repas, et crois-moi celui de l'infirmerie ne fait pas rêver.

Tout en riant, Maxine rassembla ses affaires et salua le garçon aux cicatrices qui par cette après-midi, avait retrouvé meilleure mine. En se glissant dans les rideaux blancs, la jeune femme fut stoppée par les paroles de son ami :

- Merci d'être venue Maxine, et pour la lecture aussi.

- Avec plaisir.

Puis, cette dernière disparut derrière les voiles immaculés qui virevoltaient à cause du courant d'air provoqué par les fenêtres ouvertes, laissant Remus avec un sourire béat sur le visage, repensant à cette magnifique lecture de poème... 

Le Cœur Des MaraudeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant