Chapitre 51 - Au royaume des prisonniers, le fou est roi

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Terry repartit pour Londres une fois qu'ils eurent consommé leur petit-déjeuner le lendemain, profitant d'une matinée sans cours. Kate assista à son départ alors qu'il appela le Magicobus devant le 45 Owlstone Road.

— Viens quand tu veux à l'appartement, lui avait-il dit avant qu'ils ne se quittent. Tu sais que tu seras toujours la bienvenue.

Durant quelques minutes, Kate demeura immobile dans la rue déserte et recouverte d'un épais manteau de neige. Il n'y eut au loin que le bruit d'une poubelle qui était tombée. Certainement l'œuvre d'un chat à la recherche de quelques restes. Elle sentit alors comme un grand vide en elle. Ces quatre mois n'avaient pas été les plus évidents à vivre, mais elle avait toujours été entourée. Aujourd'hui, elle devait faire face à la solitude de sa mère et à la surdité de sa sœur.

Quand elle rentra dans la maison, elle décida alors de prêter main forte à Grace, qui s'affairait à la vaisselle de la veille. Le regard de Kate s'arrêta sur Abby quand elle passa devant la porte du salon, cette dernière interloquée par les images qui défilaient sur l'écran de télévision qui diffusait une émission où quelques dames rafistolées vendaient les soi-disant bienfaits de la chirurgie esthétique. Icarus, confiné dans son panier jouxtant le parc, remua la queue en voyant apparaître cette adolescente qu'il ne connaissait encore que très peu mais qui n'était qu'une personne supplémentaire aux pieds de laquelle il pourrait quémander quelques morceaux de gras lors des repas de fêtes.

— Euh... je ne suis pas sûre que ça soit adapté pour toi, fit remarquer la grande sœur qui s'empara de la télécommande pour changer de chaîne.

Cependant, au moment où elle trouva un dessin animé plus adéquat, la voix de sa mère la héla :

— Éteins la télé, tout simplement, s'il te plaît, Kate. Abby peut s'occuper avec ses jouets.

Approuvant du chef, Kate appuya sur le bouton et les pixels se vidèrent de lumière, laissant une Abby à la moue boudeuse devant l'écran noir. Quand sa fille la rejoignit en cuisine, Grace pivota la tête et lui adressa un sourire.

— Je peux t'aider ? s'informa Kate.

— Oui. Tu peux essuyer les plats. C'est gentil de me filer un coup de main.

— De rien, c'est normal, maman. Tu fais déjà beaucoup.

Puis, le silence pesant et caractéristique revint. Grace tenta de briser la glace :

— Donc... Terry. Il sort avec Maggie ?

— Oui, c'est ça. Ça ne fait pas longtemps. Mais ils sont amoureux depuis belle lurette !

— C'est drôle, je n'aurais pas imaginé, comme ça. Je les connais tous les deux. Pas beaucoup, certes, mais assez pour affirmer qu'ils sont très différents l'un et l'autre.

— Sans blague ! ricana Kate.

Son rire s'évanouit bien vite.

— Tu me diras, marmonna-t-elle alors que Grace venait de lui tendre un couvercle de casserole, toi et papa, vous êtes aussi très différents.

— De parfaits opposés ! soutint Grace dans un sourire qui cachait cependant bien de la tristesse.

La place des assiettes ensorcelées occupa Kate un temps, qui hésitait à poser sa prochaine interrogation. Elle se jeta à l'eau en se persuadant qu'elle n'avait rien à perdre, si ce n'était alimenter la conversation qui tournait vite au silence.

— Tu as déjà été amoureuse avant de rencontrer papa ?

Grace haussa les sourcils sans se détourner de sa tâche et lâcha un autre sourire, cette fois plus amusé.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now