Chapitre 85 - Les manigances des Dawkins

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  Les berges du Lac Noir étaient redevenues un lieu d'apprentissage pour Kate, sur la fin du mois de septembre. Cela lui rappelait sa première année, quand Moira lui apprenait à utiliser sa baguette magique sans faire exploser les choses. Son amie de Gryffondor était toujours là. Les trois autres également : spectatrices assises sur la butte, Maggie, Scarlett et Suzanna, armée de son appareil photo, observaient la scène. La rouquine lisait un petit grimoire vert et levait, de temps en temps, les yeux vers ses deux amies en contrebas. Les circonstances n'avaient pas tant changé. Kate devait aujourd'hui apprendre à utiliser sa nouvelle baguette magique.
Moira fit tourner la sienne d'un mouvement de poignet :

— Aqua traho.

Un filet d'eau jaillit du lac, attiré par l'extrémité lumineuse de sa baguette. Moira la faisait danser autour d'elle, suivi par l'eau, en amas, qui suivait le mouvement, contrôlée par la magie.

— Le tout est d'aller ni trop vite, ni trop lentement, expliqua Moira, concentrée, les yeux rivés sur les lourdes bulles qui lévitaient. Suivre la fluctuation de l'eau. Pas d'à-coups. Tu dois rester constante. Sinon, ça compromet l'équilibre.

Puis elle jeta l'eau au lac. Kate hocha la tête. Elle pensait avoir compris. Elle souffla en secouant ses bras pour les détendre, sa baguette d'amarante au bout de l'un. Sa théorie, elle la connaissait. Il n'y avait aucune raison pour qu'elle échoue. Kate leva sa baguette, dans laquelle elle fit couler de l'Immatériel pour l'activer.

— Aqua traho.

Rien ne se produisit tout de suite. Mais un léger tremblement parcourut la terre, suivi d'un grondement qui ne laissait rien présager de bon. Tout à coup, une grande vague, haute de bien deux ou trois mètres, se leva à la surface du lac. Les deux filles, pâles, échangèrent un regard, avant de se mettre à crier.

— Kate ! Annule le sortilège ! Elle est attirée par ta baguette ! hurlait Moira, tandis qu'elles couraient sur les berges, suivies par la grosse vague.

Sans savoir vraiment que faire, Kate criait des « Finite ! » en secouant sa baguette dans tous les sens. La vague s'affaiblit et retomba plus mollement, fractionnée. Mais cela ne manqua pas de tremper les deux amies de la tête aux pieds. Le rire clair de Maggie résonna dans le parc.

— Encore !
— Ta gueule, Dawkins, grommela Moira. Ou c'est toi qui finis dans le lac !
— En tout cas, je l'ai ! sourit Suzanna, qui désigna son appareil photo, duquel s'envolaient encore quelques fumerolles violettes.
— Ma baguette est trop puissante, déplora Kate. Elle marche, mais... il faut que j'apprenne à la juguler !

Elle la leva pour lancer un sortilège de séchage mais Moira l'arrêta avant qu'elle ne prononce sa formule :

— Hé ! Tout doux ! Tu vas nous dessécher ! Je m'en charge. Sicco.

D'un coup de vent fictif, les vêtements et les cheveux des deux filles redevinrent secs. Ricanant toujours, Maggie se leva et attrapa son sac, enfilant la bandoulière sur son épaule.

— Sur cette magnifique image, je vais vous abandonner !
— Où est-ce que tu vas ? souffla Scarlett.
— Rejoindre son cher et tendre pour aller frétiller dans la bruyère, nasilla Moira, qui revenait vers la butte.
— C'est à peu près le programme... ! Sauf que ça ne sera pas dans la bruyère !
— Non ? Te sentir proche de la nature ne te plait pas ? Des sauterelles dans les cheveux ? Des fourmis sous la jupe ?
— Ces petites choses répugnantes ne devraient pas exister ! Un peu comme toi. Bon. À plus !

Maggie s'éclipsa, reprenant le chemin qui menait à Poudlard. Kate remonta à son tour pour rassembler ses affaires :

— Je ne vais pas tarder non plus. Les Papillombre m'attendent pour un entraînement de Quidditch. On ne doit rien laisser passer. Il faut qu'on gagne la Coupe cette année si on veut espérer quitter cette école entiers !

Les trois filles de Gryffondor échangèrent un regard, une conversation muette. Cela n'échappa pas à Kate :

— Un problème ?
— Tu peux tenir un secret, Kate ? grimaça Scarlett.
— Oui, bien sûr.
— Ça concerne Maggie, poursuivit Suzanna, sérieuse.
— Il y a un problème ?
— Un très gros...

Moira se saisit de son sac et y fouilla, avant d'en sortir une enveloppe décachetée.

— On a trouvé ça dans le dortoir.

Attrapant la lettre que Moira lui tendait, Kate observa dans un premier temps le sceau en cire cassé. Un vivet doré, un sceau de qualité, en or nacré. Aucun doute. Ce message venait des Dawkins. Avaient-ils découvert la liaison de leur fille unique ? Intriguée, elle ouvrit l'enveloppe et déplia le parchemin à l'intérieur :

« Très chère fille,
Nous nous réjouissons de savoir que vous êtes bien arrivée à Poudlard et nous vous souhaitons le meilleur pour cette année. Nous n'avons aucun doute sur le fait que vous saurez briller dans les matières qui vous ont été assignées.
Cependant, cette année charnière de votre vie ne doit pas échapper à votre attention. Votre majorité arrive à grands pas. Le temps passe et les préparatifs du mariage méritent tous vos retours, afin que l'événement soit prêt sitôt serez-vous rentrée en juillet.
Nous avons organisé une rencontre avec mister Egerton pour votre retour, aux vacances de Noël. Henry a exprimé sa grande hâte de vous revoir et de discuter avec vous des arrangements pour célébrer votre union dans les meilleures conditions.
Recevez tout notre amour,
Père et mère »

— Maggie va se marier ?!

L'exclamation de Kate avait retenti dehors et les filles se précipitèrent sur elle pour la faire parler moins fort. Heureusement, Maggie était maintenant bien loin et n'avait rien entendu. Mais Kate ne parvenait pas à se tempérer :

— Elle est fiancée ?!
— On a eu la même réaction...
— Mais... juste. Elle est au courant qu'elle est fiancée ? Connaissant ses parents, ils pourraient avoir arrangé un mariage et...
— La lettre était déjà ouverte quand je l'ai découverte, expliqua Moira. Maggie le sait. Et elle le cache.
— Et Terry ne doit pas être au courant non plus, ajouta Suzanna.
— Donc... Maggie est fiancée, elle va se marier cet été et elle le cache ? À nous et à Terry ?
— Bien résumé.

Kate prit sur elle pour éviter de froisser la lettre. Elle la rendit à Moira, qui se chargea de la replier pour la replacer dans l'enveloppe.

— On ne peut pas rester les bras croisés !
— Que veux-tu qu'on fasse ?
— Il faut que Terry l'apprenne.
— Hors de question que je donne cette lettre à Terry ! s'exclama Moira. Je sais que ça ne lui arrive qu'une fois tous les cinq ans, mais je ne veux pas le voir partir dans une crise de colère ! Tu imagines un peu ? Cela fait deux ans qu'ils sortent ensemble et elle ne lui a jamais dit. Tu crois qu'elle va faire quoi ? Le planter pour courir jusqu'à l'autel ?
— Justement, Terry pourra la raisonner ! Elle ne peut pas lui cacher.

Furibonde de savoir que sa meilleure amie cachait à la vérité à Terry, se jouant ainsi de lui, Kate attrapa son sac d'un geste sec et marcha d'un bon pas vers le terrain de Quidditch.

— J'irai parler à Maggie moi-même ! lança-t-elle sur son départ. Et je ne lui laisserai pas le choix !
— Rappelle-moi pourquoi on a pensé que l'idée d'en parler à Kate était bonne ? entendit-elle de la part de Suzanna.

Quand Kate arriva aux vestiaires, elle jeta son sac, qui déversa son contenu sur le banc. Elle était encore furieuse. Elle se félicita d'arriver légèrement en retard par rapport à ses consœurs : l'endroit était désert, elle pouvait se changer sans craindre les regards sur son corps mutilé. Ses pas se firent entendre quand elle rejoignit les Papillombre, équipés, autour de la table de stratégie, sur laquelle se trouvait la maquette d'un stade.
Tout le monde fit silence. On devinait à son expression que Kate n'était pas d'humeur à plaisanter...

— Euh... ç-ça va, Kate ? bredouilla Leeroy.
— Ça va très bien !
— Pourquoi tu cries ? s'inquiéta Teffie, presque intimidée.
— Je ne crie pas !
— On peut peut-être d'abord aller prendre l'air, pour que tu te calmes, suggéra Tetsuya.
— Je suis tout à fait calme !
— Ok. Lâche tout de souite cette batte..., s'approcha Eibhlin, prudente. Voilà. Tout doux.

Posant sa batte de Quidditch sur la table, Kate souffla un bon coup. Elle n'était pas là pour faire ressortir sa colère sur les pauvres Papillombre qui n'avaient rien demandé de tout ça. Elle se força à sourire.

— Très bien... tout le monde est prêt pour cette nouvelle saison ?
— Est-ce qu'on a vraiment le choix ? marmonna Nestor.
— Cette année, nous devons nous défoncer...
— Euh, au sens propre du terme ? rebondit Rose.
— ... pour décrocher la Coupe de Quidditch !
— Me voilà rassurée !
— On a toutes nos chances.
— C'est ce que tou penses vraiment ou Wolffhart t'a obligée à croïre ça, sous menace de rendre ta ploume d'écritoure carnivore ? demanda Eibhlin, les poings sur les hanches.
— Non, je le pense ! Écoutez...

Kate désigna les trois poursuiveurs :

— Leeroy, Nestor, Teffie. Maintenant, vous avez de véritables stratégies maintenant.
— Ah ? releva Teffie en retroussant son petit nez en trompette. Parce que ce n'était pas le cas avant ?
— Vous avez des coups spéciaux, des combines incroyables ! Vous avez gagné en réflexe et vous marquez de plus en plus ! Vous faites un véritable travail d'équipe. Tetsuya...

Elle se tourna vers son camarade, perplexe de ce qu'elle s'apprêtait à dire à son propos :

— Toi aussi, tu retiens de plus en plus de lancers. Tu ne relâches jamais un seul instant ton attention. Tu es un excellent gardien.

Touché, Tetsuya s'inclina pour l'en remercier.

— Toi, Eibhlin, personne n'a jamais douté de tes compétences d'attrapeuse !
— J'espère bien !
— Et toi, Rose...

La jeune fille, qui avait attaché ses cheveux en deux petites couettes, sa frange coupée au carré tombant sur son front, la regardait avec deux grands yeux bleus par-dessus ses pommettes bombées, roses et remontées, sa batte sur l'épaule.

— ... euh. Reste toi-même. On... forme un bon duo !
— Merci Kate ! lui sourit-elle.
— Cependant...

La jeune fille inspira une large bouffée d'air.

— ... je pense que, pour le bien de notre équipe, il ne faudrait plus que j'en sois la capitaine.
— Quoi ?
— Mais enfin, Kate ! Tu es... tu es Kate Whisper ! La fondatrice de Papillombre !
— Justement ! Je ne veux pas être désignée capitaine, seulement parce que je suis la première élève de la maison. La plus âgée. Je ne suis pas la plus douée en Quidditch.
— Mais tu nous fédères ! Tu nous motives !
— Si nous voulons gagner cette année, nous avons besoin d'un capitaine inflexible. Qui soit au clair avec le rôle de chacun pour chaque match. Nos positions, nos tactiques. Une personne qui sache établir des stratégies éclairées. Qui connaisse les faiblesses de chaque adversaire, pour que nous puissions en tirer le meilleur profit...

Sans concertation préalable, tous les regards se tournèrent vers Nestor. Ce dernier ne réagit pas tout de suite, puis son visage très pâle prit des couleurs en les observant un à un dans la précipitation en comprenant qu'il était désigné par ces critères.

— De quoi ? hoqueta-t-il.
— Br-br-bravo mon ga-gars ! le félicita Leeroy en bousculant son épaule. Tu viens d'av-d'avoir une p-p-p-promotion !
— Moi, capitaine ? Vous êtes sérieux ?
— Tu es un excellent stratège, souligna Tetsuya. Je le sais, tu me démolis aux échecs !
— Et personne n'osera te contredire, ajouta Rose.
— Personne, sauf Teffie.
— Ta gueule, la rousse.

Eibhlin préféra en ricaner, les bras croisés, plus grande de presque une tête par rapport à sa camarade aux boucles dorées.

— Personne ne te l'imposera, Nestor, le rassura Kate. Mais je pense que tu serais l'élément idéal pour permettre à cette équipe de donner le meilleur d'elle-même. Je ne te demande pas de choisir aujourd'hui. On peut toujours faire l'essai. Mais tu devrais y réfléchir...

Nestor, le regard fuyant, se contenta de hocher de la tête. Puis Kate frappa dans ces mains :

— Allez, c'est parti ! L'entraînement nous attend !

Et ce fut l'un des plus costauds que les Papillombre firent. Ils ne renoncèrent pas à leurs coups manqués, à leurs réflexes loupés. Tout devait être parfait. Kate était d'ailleurs particulièrement déchaînée sur sa batte. Un contrecoup certain de sa rage envers le secret de Maggie.
Un ressentiment qui dura jusqu'au soir, quand elle revint dans la Grande Salle, après un bain bien mérité pour se décrasser de l'entraînement.

— Toi !

Elle avait pointé un doigt vers Maggie en tonnant d'une voix forte. La Gryffondor, qui planchait sur un devoir d'arithmancie – étrangement, Maggie et les chiffres faisaient bonne affaire –, écarquilla des yeux en voyant Kate approcher avec un air si menaçant. Terry, en face, lui aussi occupé à quelques devoirs, leva le nez, intrigué.

— Qu'est-ce qui te prend ? On ne pointe pas les gens du doigt ainsi ! C'est très malpoli !
— Il faut qu'on parle !
— Très bien. Assieds-toi. Prends une tisane et détends-toi. Tu parais vraiment stressée, ma pauvre Whisper.
— En privé. C'est urgent.
— Par rapport à quoi ? se questionna Terry.
— Une... affaire de filles, prétexta Kate, qui ne voulait pas l'impliquer.
— Merlin, blanchit Maggie. Tu l'as fait ? Avec Beckett ?
— Quoi ? Mais non ! Non, non ! Bien sûr que non !
— Alors qu'est-ce qui...
— Maggie, arrête de discuter et viens avec moi !
— Olala, c'est bon, pas la peine de le crier dessus !

Kate quitta les lieux, d'un pas rapide, suivi, tant bien que mal, par Maggie, toujours anxieuse vis-à-vis de ce que sa meilleure amie désirait partager avec elle.

— Bon, qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda-t-elle, agacée, quand elles furent enfin seule, dans une petite niche extérieur, sous un arcbouté, à l'écart du passage. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais ce n'était vraiment pas la peine de me parler sur ce ton !
— T'es fiancée ?

La question, presque agressive, coupa la parole de Maggie, tout à coup plus blême.

— Réponds-moi. T'es fiancée ?
— Je... De quoi tu parles ? Je ne vois vraiment pas...
— Ça ne marche pas avec moi ! Les filles ont trouvé la lettre de tes parents !

Maggie rumina et maudit en murmurant que Moira soit à hauteur de terre pour jouer les niffleurs de parchemins. Mais Kate la remit sur les rails de la conversation :

— Ils ne disaient pas n'importe quoi ! Tu es vraiment fiancée !
— Je n'ai pas eu le choix, Kate, d'accord ?

Maggie souffla et croisa les bras, le regard baissé, tandis que Kate se calma, tentant d'être plus compatissante. Au fond, elle savait que ce n'était pas de la faute de sa meilleure amie...

— Mes parents... m'ont promise à Mr Egerton quand j'avais trois ans.
— Trois ans ? Mais... tu ne leur en as jamais voulu ? Comment tu peux accepter une telle situation ? Ils vont te marier de force !
— Tu ne peux pas comprendre ! Dans nos familles... c'est traditionnel. Il y a beaucoup d'argent en jeu. Une entreprise familiale, dont je suis la seule héritière. Je ne peux pas m'y opposer...

Kate soupira : elle ne voulait pas la blâmer pour quelque chose dont elle n'était pas responsable. Au contraire, elle se devait de la soutenir.

— Et ce Mr Egerton ? grimaça-t-elle. Il est comment ?
— Henry ? Il a cinq ans de plus que nous. La dernière fois que je l'ai vue, j'étais petite. Il allait partir pour Poudlard... J'ai vu des photos. Il est plutôt bel homme... Il est cultivé. Il parle bien, d'après ma mère. Beaucoup de prestance...

Maggie mangea ses derniers mots. Cette conversation la mettait très mal à l'aise. Kate afficha un regard plus peiné :

— Et quand comptais-tu l'annoncer à Terry ? Au dernier moment ?
— Je... je ne sais pas. Je ne pensais pas que ça arriverait aussi rapidement. Quelque part, je crois que je n'imaginais pas que ma relation avec Terry irait aussi loin. Que l'on sortirait toujours ensemble, à quelques mois de mes dix-sept ans.
— Mais tu vas bien devoir lui dire, non ? Pour que vous puissiez trouver une solution, tous les deux. Tu ne penses pas sérieusement épouser ce type et laisser tomber Terry !

Le silence de Maggie ne la rassura pas.

— Tu ne peux pas comprendre... lâcha la Gryffondor.
— J'essaie, mais je t'avoue que j'ai beaucoup de mal, sur le coup...

Kate secoua la tête et regard autour d'elle, comme si son environnement allait lui lancer la meilleure réplique pour convaincre sa meilleure amie d'agir.

— Écoute, Maggie. Terry et toi, vous ne pouvez pas rester comme ça, avec cet énorme secret entre vous deux. Il doit en être au courant !
— C'est hors de question !
— Je ne te laisse pas le choix ! Tu te rends compte de ce que tu lui caches ? Je suis désolée, Maggie, mais tu ne me donnes pas le choix. Je te laisse jusqu'à Halloween !
— Quoi ? s'exclama Maggie, outrée.
— Si d'ici Halloween, tu ne dis rien à Terry de tout ça. Je m'en chargerai moi-même.
— Non, tu ne le feras pas !
— Je n'espère pas. Mais s'il le faut, je n'hésiterai pas ! Autant que ce soit toi qui le fasses si tu préfères avoir à lui expliquer toi-même, avec tes arguments. Mais tu dois mettre Terry au courant. Tu ne peux pas garder un truc aussi gros pour toi.

Maggie grimaça en se frottant les bras.

— Mais... comment penses-tu qu'il réagira ?
— Je n'en sais rien. Je ne suis pas Terry. Je ne suis pas sûre qu'il appréciera le fait que tu ne lui aies rien dit. Mais peut-être qu'il aidera pour trouver une solution. Il ne t'abandonnera pas. Il t'aime trop...
— Ça, c'est ce que tu penses ! ricana Maggie.
— Quoi ? Tu te fous de moi ? Tu en doutes ? Terry ferait n'importe quoi pour toi ! Il va tout faire pour arranger ça.

Un sourire éclaira quelques secondes le visage de Maggie.

— Mais si tu crois à votre relation, poursuivit Kate, tu ne peux pas garder ça pour toi. C'est trop important.

La Gryffondor hocha de la tête.

— D'accord, souffla-t-elle. Je lui dirai. Pas tout de suite, mais... Je dois d'abord trouver comment lui dire. Comment lui expliquer...
— Ne prends pas trop de temps, lui conseilla Kate. Plus ça tarde, moins vous aurez de temps pour trouver une solution.

Puis elle s'approcha de sa meilleure amie pour l'étreindre. Cette dernière se crispa dans un premier temps, puis accepta ce contact, peut-être plus facilement qu'à l'habitude.

— Mais je suis là pour toi. On va te sortir de cette merde.

Les bras de Maggie s'enroulèrent à leur tour autour de Kate et elle soupira en réfugiant son visage dans l'épaule de la Papillombre. Car elle n'en était pas si sûre...


***

Si les choses ne changèrent pas en apparence, une étrange dynamique se créa dans le groupe d'amis. Ou, du moins, Kate le voyait d'une autre perspective. Ce fut le cas quand ils fêtèrent le dix-septième anniversaire de Terry. Tous étaient rassemblés à la table des Poufsouffle pour le petit-déjeuner. Terry, ses amis de Poufsouffle, Kate, Maggie, d'autres camarades de classe. Emeric était de ceux-là. Debout, aux côtés de la Papillombre, ils observaient le déballage des cadeaux de bon matin.

— Tue-moi si un jour on m'offre ça, lui chuchota Kate alors que Terry venait de recevoir une statuette de blaireau, fabriquée par les filles de sa maison, mais qui ressemblait actuellement davantage à un rat déformé.
— Techniquement, ça ne sera pas un blaireau, mais un papillon, te concernant.
— Génial. Connaissant l'amour de Rose pour les arts plastiques, j'aurais sûrement le droit à mon propre portrait avec des ailes dans le dos... J'ai hâte.
— Je devine d'ici ton enthousiasme.
— Allez. On t'a jamais offert de cadeau honteux ?

Emeric s'accorda un temps de réflexion, entre deux remerciements.

— Mon père m'a acheté des vêtements, un jour...
— Ils étaient moches ?
— D'un goût discutable. Et taillés pour du 6 ans. J'en avais au moins 8.
— Ça partait d'une bonne intention, ricana Kate.
— Mon père n'a jamais été très doué pour s'occuper des tâches quotidiennes, expliqua Emeric en haussant les épaules. Et je faisais partie de ces tâches quotidiennes. Oh. Il y avait cette fois, il a voulu m'acheter mon sac d'école.
— Tu allais à l'école ?
— À l'école moldue, oui. Ma mère y tenait. Il y avait une marque à la mode, chez les garçons, avec un chien, comme logo. Il s'est trompé. Il m'a acheté le cartable pour fille. Certes il y avait un chien dessus, mais le nœud sur sa tête n'allait pas me permettre de rencontrer un franc succès.

Kate rit doucement, pendant que Terry accepta l'enveloppe qui lui tendit Maggie, avec un regard tendre.

— Ma mère m'en a très vite racheté un. Ce n'était pas celui qui faisait fureur, mais c'était mieux que ça. Avec ma mère, on s'est toujours dit que mon père était aussi myope que nous. Ou alors qu'il n'arriverait jamais à se faire à la vie moldue.
— Ma mère et moi disons la même chose de mon père !

Elle ne releva que quelques secondes plus tard le présent employé dans sa phrase. Cela éveilla un étrange sentiment en elle : mélange de peine et d'amusement.

— Il ne sait pas se servir correctement d'un téléphone !
— Tu me diras, le mien non plus... !
— Les pères sorciers, je te jure...
— Ne m'en parle pas...

Pendant ce temps, Terry ouvrit l'enveloppe cachetée de Maggie, au parchemin doré.

— Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est...

Il ouvrit une bouche béate en découvrant son contenu, sous le regard attendri de sa petite amie, les coudes sur sa table, poing sous le menton.

— Tu n'es pas sérieuse... !
— Terrence, Terrence, qu'est-ce que c'est ? le pressa Penny, curieuse.
— Un bon pour... pour passer le nouvel an tous les deux à Rome !
— Veinard !
— Il y en a qui ont de la chance !
— Pourquoi Rome ? s'intéressa Terry, un large sourire scotché à ses lèvres.
— J'ai des origines italiennes, expliqua Maggie. Ma famille maternelle. J'ai déjà eu l'occasion d'aller à Rome, mais j'aimerais y retourner. Avec toi.

Avouer cela en public la fit rougir.

— Mais il y a des choses pour les sorciers à Rome ? la questionna Jimmy Branstone.
— Bien sûr ! Toutes les grandes villes dignes de ce nom possèdent un quartier sorcier ! Le Chemin de Traverse à Londres, le Pont des Merveilles à Paris, et à Rome, c'est la Via Fantastica.
— Elle est où ?
— Derrière la Bocca della Verità. Si tu mets ta main dedans et que la sculpture devine que tu es un sorcier, elle t'aspire.
— C'est génial !

Kate resta sceptique face à ce présent. Maggie l'avait-elle offert à Terry pour le préparer à l'annonce qu'elle devait lui faire ? Pour faire balancer le jeune homme de son côté ? Ou bien parce qu'elle savait qu'il s'agissait peut-être là du dernier réveillon qu'elle pourrait passer avec lui, avant son mariage ? De toute façon, d'ici le 31 décembre, Terry allait en être au courant... Kate n'avait pas donné le choix à Maggie.

— Ca, ça vient de qui ? demanda Terry, qui attrapa un paquet de taille moyenne.
— Moi ! s'annonça Kate en levant la main.

Intrigué, Terry déballa un petit chaudron, de la taille d'une tête, aux marbrures cuivrées sur l'extérieur.

— Est-ce que... est-ce que c'est ce que je crois ? s'exclama-t-il.
— Il se pourrait, sourit Kate.
— Et c'est quoi, exactement ? l'interrogea Fergus.
— Un chaudron auto-cuiseur. Ou refroidissant. C'est un chaudron de cuisine. Très pratique pour faire des gâteaux, des ragoûts ou même des cocktails.
— « 17 ans, bientôt ton propre appart ? » lut Terry, après avoir déplié le mot laissé dans le chaudron. « Et surtout, la liberté de faire ta propre cuisine, avec tes ustensiles magiques ! Quelque part, j'espère bien en profiter ! Bonnes expériences culinaires et tout le bonheur du monde pour ta nouvelle majorité. Je t'embrasse, Kate ». Et une tonne de smileys animés... ! Merci, Kate ! C'est génial ! Depuis le temps que j'en rêvais !
— Si quelqu'un doute encore que tu es un vrai Poufsouffle, souffla Maggie.
— Ne te plains pas ! Bientôt, c'est moi qui te ferais la cuisine !
— Je ne sais pas si c'est vraiment rassurant... !
— Tu verras ! Je cuisine comme un chef !
— C'est ce que m'indique ton embonpoint, oui.
— Hem. On avait dit qu'on n'abordait pas ce sujet en public.

Quand la petite célébration fut terminée, le groupe se divisa, mais Kate s'assit avec ses deux meilleurs amis.

— Reste avec nous, proposa Kate à Emeric.
— Tu es sûre que...
— Beckett, l'arrêta Maggie. Si Kate te propose, alors oui, elle est sûre.

Un peu embarrassé, Emeric prit place sur le banc, aux côtés de Kate, pendant qu'en face, Terry et Maggie les jugeaient avec un brin d'amusement.

— Quelqu'un t'a prévenue pour ce soir, Kate ? lui demanda Terry.
— Ce soir, quoi ?
— Je crois qu'elle n'est pas au courant, releva Maggie.
— On a rendez-vous avec McGonagall.
— Quand tu dis « nous » ?
— Toi et moi.
— Je n'aime pas ça..., soupira Kate. Je crois savoir de quoi ça va causer.
— C'est-à-dire ? rebondit Emeric, qui n'était pas au courant de tout.
— Eh bien, Terry a passé son permis de transplanage par anticipation. Maintenant qu'il est majeur, il peut le faire.
— Par anticipation ? Il y a une raison particulière ?
— Effectivement.

Kate soupira de nouveau, le deuxième en moins d'une minute. C'était dire à quel point cette situation la mettait mal à l'aise. Mais Terry prit le relais dans les explications :

— Si Kate est en danger ou a besoin de quelqu'un, même à l'extérieur de Poudlard, il faut quelqu'un pour agir vite. Pour intervenir. Et comme je suis le premier à être majeur, j'ai accepté qu'on me confie cette tâche.
— Je trouve ça stupide.
— Ca rassurera beaucoup de monde, Kate.
— Beaucoup de monde, sauf moi. Désolée, Terry, je ne veux pas te froisser en disant ça, mais si un jour, Electra m'attaque, tu ne feras pas le poids contre elle.
— Sûrement. Mais toi et moi contre elle, ça équilibrera la donne !
— Je ne crois pas non plus.
— Ta confiance en mes capacités me touche.
— Ce n'est pas ça ! Electra est folle, elle serait capable de tout.

Elle ne voulait pas lui avouer qu'il deviendrait une faiblesse, sa faiblesse. Si Electra s'en prenait à lui, elle ne se le pardonnerait jamais.

— Au-delà de la Sorcière Bleue, reprit Terry, c'est aussi pour gérer tes possibles crises. Et tu sais que je suis bon pour ça !
— J'en ai fait moins, dernièrement.
— À quand remonte la dernière ? demanda Emeric.
— La Coupe du Monde. Après, ça allait mieux. Pourrait-on arrêter de parler de moi ? C'est l'anniversaire de Terry, quand même !

Le rire de Kate se dispersa parmi ses amis. Elle lança alors la question :

— Maintenant que tu es majeur, quels sont tes projets ?
— Les mêmes qu'avant, je suppose ? Passer mes ASPICS l'an prochain et... et c'est déjà pas mal.
— Tu peux utiliser la magie en dehors de Poudlard, désormais, commenta Emeric. C'est un sacré cap !
— Oui ! Quand je serai de retour chez moi, pour Noël.
— Tu vas rester habiter chez tes parents, d'ailleurs ? demanda Kate.

Terry haussa des épaules ; à côté de lui, Maggie avait la gorge serrée. Kate le devina aux ombres de son cou qui la trahissaient. Mais quand Terry attrapa sa main, elle répondit d'un sourire automatique. Tous ces détails, Kate les relevait désormais et elle comprenait pourquoi.

— L'autre jour, nous en avons parlé, avec Maggie. Je lui ai proposé, éventuellement... qu'on essaie de chercher un appartement ensemble.
— Ce à quoi j'ai répondu que je voulais une maison et que pour cela, il fallait mieux attendre ! répliqua Maggie.
— Madame veut toujours le meilleur.
— Je suis perfectionniste.
— Mais pour cela, intervint Kate, il faudrait que les parents de Maggie soit d'accord.

Les joues de sa meilleure amie virèrent à l'écarlate. La Gryffondor comprenait que Kate tentait de la pousser vers ses limites.

— Qu'ils soient au courant, d'abord, ça serait bien.
— Whisper... susurra Maggie entre ses dents.
— Quoi ? C'est vrai ! Tes parents ne savent pas que tu sors avec Terry.
— Hein ? rebondit Emeric, étonné. Mais... ça fait quoi. Deux ans que vous sortez ensemble !
— À peu près, approuva Terry.
— Et ils ne sont toujours pas au courant ?
— Il faut croire que non.
— Vous avez grandi dans des familles cosmopolites ! se défendit Maggie. Je viens d'une famille uniquement composés de sorciers.
— Moi aussi, techniquement, objecta Terry. Si on veut trouver un Moldu dans notre arbre généalogique, il faut remonter à quatre générations. Tu me diras, toi, c'est trois ! Ton arrière-grand-mère était moldue, non ?
— Oui, mais là n'est pas le problème ! Ma famille est très portée sur...
— ... l'argent, compléta Kate dans un toussotement.
— ... les valeurs traditionnelles, rectifia Maggie, la voix plus acérée.
— On ne va pas s'éterniser là-dessus, la sauva Terry. On a déjà eu cette discussion un nombre incalculable de fois. Maggie en parlera avec ses parents une fois qu'elle sera...
— ... mariée, toussa Kate, plus bas encore.
— ... prête.

Une fois le petit-déjeuner terminé, le groupe se scinda et chaque membre rejoignit son option respective. Terry l'étude des Moldus, Maggie l'arithmancie, Emeric l'étude des runes et Kate, à son grand désespoir, la divination. Ils n'étaient désormais plus que sept à suivre cette option. Les binômes se constituant naturellement par maison et en l'absence d'ami, Kate se retrouvait seule à sa table. Elle devenait ainsi une proie de choix pour Trelawney quand il lui en prenait l'envie. Mais Kate avait appris à ne pas y porter d'importance. Mais ce matin-là, elle ouvrit, avec sa baguette magique, un présentoir, posé sur la petite table basse, au centre de la pièce, recouverte de tapis bariolés.

— Des pendules ! s'exclama Penny Ryan à voix basse, cachant son excitation tant bien que mal.
— Ce sont des vrais, professeur ?
— B-bien sûr, mon enfant, bredouilla Trelawney. Authentiques, très puissants.

Mais Kate n'y voyait là que des morceaux de bois ou de cailloux. Cela ne l'impressionnait pas autant.

— Vous allez devoir choisir le vôtre avec le plus grand soin, expliqua-t-elle avec sa petite voix, se triturant le bout des doigts. Car sinon, vous pourriez... amèrement le regretter.

Elle se tourna brièvement vers le présentoir à pendules et initia un espèce de geste, comme chassant des esprits. Les yeux de Kate roulèrent dans leurs orbites.

— Comme une baguette magique ? fit remarquer d'une voix grave Amy Rosier, une Serpentard que Kate n'appréciait pas.
— Un pendule n'est pas une baguette. C'est vous qui le choisissez en fonction de votre affinité avec lui... Et il ne vous répondra pas.

« Normal, c'est un caillou » pensa Kate.

— Approchez, mes enfants, approchez... Mettez-vous en ligne, voilà.

Elle ajusta la queue formée par ses élèves, mais s'arrêta au niveau de Tobin Taylor, un autre Serpentard, avec une expression fermée qui cachait sa grande réserve, sa main s'agrippant à son avant-bras.

— Je sens en vous... beaucoup de malheur.
— Si... vous le dites.
— Comment vont vos parents ?
— Fidèles à eux-mêmes, je suppose ?
— Je n'en suis pas si sûre. Prenez des nouvelles.

Tobin la laissa partir en fronçant des sourcils. Kate soupira en se levant, se positionnant en dernière dans la file. Et chaque fois qu'un élève passait devant le présentoir, Trelawney les conseillait.

— Le bois est une manière noble, très facilement maniable, dit-elle à Penny, qui hésitait. Essayez. Vous sentez qu'il vibre ?
— Euh, pas vraiment.
— Oh. Prenez l'autre alors.

Quand ce fut au tour de Kate, il restait une quinzaine de pendules accrochés, tous variés. Certains en cristaux bruts, un en turquoise polie, d'autres en bois, ou en métal. Il y en avait de toutes les couleurs, de toutes les tailles.

— Pourquoi ne pas essayer celui-là ? Il vous correspondrait.

Trelawney lui désigna un pendule en pierre noire luisante, dont le sommet était taillé en forme de crâne. Kate grimaça :

— Ne m'en voulez pas, je vais essayer de sortir de mes chemins habituels.

Trelawney accepta l'argument en hochant plusieurs fois de la tête. Mais quand la jeune fille approcha ses doigts d'un premier pendule, en cristal translucide, elle sentit une décharge. Une chaleur qui se diffusait en elle, depuis son sternum. L'étrange sensation disparut quand elle s'écarta.

— Le choix d'un pendule doit être méticuleux, commenta Trelawney qui croyait qu'elle hésitait.

Kate déplia de nouveau son bras, mais le phénomène se reproduisit. Ce fut alors qu'elle comprit : le pendentif de sa mère, l'horcruxe de Maëva, réagissait contre sa peau. Sans grande conviction, elle attrapa vite fait un pendule en pyrite. Le disque en agate ne renonçait pas. Kate sourit en s'imaginant qu'il était peut-être furieux que l'on puisse ainsi le dénier pour une vulgaire pyrite.
Quand Kate fut de nouveau à sa table, elle trouva une liste de questions préparées par le professeur Trelawney et un panneau en bois, semblable à une ouija, dans lequel était gravé les lettres de l'alphabet, disposées de manière circulaire, et les mots « oui » et « non ». Elle attendit que le professeur Trelawney tourne le dos pour sortir son pendentif et délaisser le pendule de pyrite. Elle sentait le cordon vibrer entre ses doigts. L'agate semblait presque lui murmurer et Kate savait qu'il s'agissait du morceau de l'âme de Maëva, qui avait voyagé à travers les siècles grâce à Electra... Puis, elle jeta un œil aux questions.

« Que va-t-il se passer cette semaine dans votre vie ?
Quels esprits sont avec vous ?
Quel sera le temps demain ?
Quelle nouvelle allez-vous apprendre ?
Que ferez-vous comme métier plus tard ?
Aurez-vous des enfants ?
... »

Cela fit sourire Kate, qui murmura alors la première question à son pendentif. Ce dernier réagit immédiatement et pointa tour à tour des lettres que Kate s'empressa de marquer.

« Tu vas encore tomber dans l'escalier du 3ème étage. Sois attentive. »

Malgré son scepticisme envers la divination, Kate savait que Maëva était réelle. Peut-être avaient-elles trouvé leur moyen de communication. Certaines de ses réponses la firent sourire. Et quand Trelawney passa dans les rangs, elle s'attarda quelques instants sur le parchemin de Kate.

« Que va-t-il se passer cette semaine dans votre vie ?
Tu vas encore tomber dans l'escalier du 3ème étage. Sois attentive.

Quels esprits sont avec vous ?
Le mien.

Quel sera le temps demain ?
Je ne fais pas la météo.

Quelle nouvelle allez-vous apprendre ?
Quelque chose que tu redoutes, mais inévitable.

Que ferez-vous comme métier plus tard ?
Celui de tes rêves.

Aurez-vous des enfants ?
Je ne sais pas si je te souhaite d'en avoir... ! »

— Votre... humour est discutable, mon enfant.
— Ce n'est pas moi, c'est le pendule qui parle, avança Kate, courtoise. Les esprits sont parfois de sacrés farceurs.

Trelawney préféra ne rien répliquer et se rendit à la table d'un autre binôme. Cependant, l'idée travailla Kate durant toute l'heure de cours. Et l'après-midi, elle profita d'un temps libre pour fabriquer un tableau de lettres sur un parchemin. Assise à la table de la salle commune des Papillombre, elle entreprit d'avoir une conversation plus élaborée avec Maëva que des questions obscures rédigées par une enseignante aliénée.

— Es-tu vraiment Maëva ? commença-t-elle.
« Oui » répondit le pendentif, qui battait la mesure au-dessus du parchemin.
— Peux-tu voir l'avenir ?
« Ça dépend. »
La réponse était trop courte.
— Que peux-tu voir, dans l'avenir ? précisa Kate.
« Des bribes. Très brèves. »
— Pourquoi chaque maîtresse de l'Immatériel possède des spécificités ?
« Car nous ne réagissons pas tous de la même manière. »
— Pouvais-tu lire dans les souvenirs des gens ?
« Non. »
— Avais-tu une Allégeance suprême ?
« Non. »
— Es-tu encore dans le tombeau ?
« Oui. »
— Quelles sont les reliques pour l'ouvrir ?
« La porte te le dira. »

La réponse fit grimacer Kate : les runes de la porte formaient une énigme, que Maëva tenait que l'on résolve, sans plus donner d'indice.

— Sais-tu où se trouve Electra Byrne ?
« Non. »

Kate soupira : cette conversation ne la mènerait à rien. Pourtant, le pendentif continua de se balancer :

« En revanche, je sais où se trouvent les souvenirs de ta mère. »

La surprise fut telle que Kate lâcha le cordon et l'agate retomba sur le parchemin. Ses mains tremblaient. Et des larmes de joie saillirent à ses yeux. Il existait encore de l'espoir...

— Où sont les souvenirs de ma mère ? demanda-t-elle d'une voix frémissante.

Peu de lettres s'enchaînèrent. Et au fur et à mesure de leur apparition, l'esprit de Kate s'embrouilla. Il n'y eut qu'un seul mot :

« Miroir. »
Kate ne comprenait pas le sens de cette réponse. Elle répéta sa question, mais Maëva lui donna le même mot.
« Miroir. »
— Quel miroir ?
« Oui. »

Se massant la tempe, Kate essaya de recoller les morceaux, mais rien ne correspondait.

— Y a-t-il moyen de les récupérer ?
« Oui. »
— Comment ?
« Je l'ignore. »

Cela ne la faisait guère avancer... Elle changea de sujet.

— Vais-je un jour ouvrir ton tombeau ?
« Le voudrais-tu ? »
— Et si on ne me laisse pas le choix ?
« Tu auras toujours le choix. »
— Qui mourra en ouvrant le tombeau ?
« Celui qui le voudra. »
— Est-ce que...
— Qu'est-ce que tu fais, Kate ?

La question de Tetsuya qui venait de rentrer dans la salle commune, accompagné d'Eibhlin, la fit sursauter. Elle abaissa son pendentif pendant que, trop curieux, son camarade, toujours intéressé par les expériences divinatoires de son aînée, s'approcha.

— Woah ! Tu t'exerces au pendule ! Qu'est-ce que ça donne pour l'instant ?
— Je crois que je vais m'endormir à force de regarder le mouvement de balancier, ricana Kate.
— De toute façon, tout ça, ce ne sont que des counneries, commenta Eibhlin, avec un air dédaigneux. Ce n'est même pas de la vraie magie.

Tetsuya secoua la tête, désespéré par le manque de respect de son amie. Puis il interrogea Kate :

— Au fait, tu as des nouvelles informations concernant la porte ?
— Que voudrais-tu que j'aie de plus ? Et puis, si ça avait été le cas, je te l'aurais dit.
— Faut dire que sa localisation ne nous aide pas.
— Le fait qu'elle soit en sous-sol ?
— Surtout le fait qu'elle soit dans notre salle commune. Elle serait ailleurs dans le château, des professeurs pourraient la voir, l'analyser. Mais ici... personne ne peut rentrer ici, à part les Papillombre ! Souviens-toi ! Même Wolffhart a manqué de se faire atomiser par Cliodna quand il a essayé de venir !
— Je vous répète que mon statut de statue ne me rend pas sourde, entendirent-ils, plus loin.

Mais cette remarque, aussi juste soit-elle, éveilla un terrible pressentiment en Kate. Tetsuya avait raison : seuls les Papillombre avaient accès à la porte. Seul un Papillombre pouvait avoir la possibilité de l'ouvrir.
La personne qui mourrait serait forcément un Papillombre.


***


— Ça va bien se passer !
— Je n'en suis pas si sûre...
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Le fait qu'il s'agisse d'une réunion pour me rappeler que je suis en danger permanent ? Yeah. J'aurais préféré faire une ronde.

Terry rit puis passa un bras autour des épaules de Kate, alors qu'ils se rendaient tous les deux vers le bureau de McGonagall, une fois la nuit tombée. Cela la fit sourire.

— Tu as l'air de particulièrement bonne humeur, dis-moi !
— C'est mon anniversaire ! C'est techniquement MON plus beau jour de l'année !
— Je n'ai jamais aimé mon anniversaire.
— Je ne l'ai pas aimé non plus, à une époque.
— Vraiment ?

L'expression de Terry se ferma, mais il continua d'avancer, gardant son bras autour de Kate.

— Mon onzième anniversaire, je l'ai fêté seul. À l'appart. On venait d'emménager, notre maison avait brûlé, quelques mois auparavant et Hestia Jones, qui travaillait aussi pour l'Ordre, ne pouvait plus nous garder chez elle, c'était trop dangereux. Mon père était tout le temps en mission, pour protéger un maximum de Nés-Moldus et ma mère était à Ste Mangouste, travaillant parfois dans la clandestinité... L'appartement était protégé par des sortilèges, mais j'étais tout seul.
— Tes parents sont des héros, Terry.
— Je sais. Et je le savais déjà, à l'époque. Mais ce jour-là, j'ai eu l'impression qu'on m'avait privé de mon enfance. Onze ans... C'est notre dernier anniversaire avant Poudlard. Mais je me suis dit « mon vieux, où est-ce que l'on sera dans un an ? À Poudlard ? Ici ? Où serai-je... mort ? ». Pour cela, ça a été un anniversaire douloureux...

Il balaya son air contrait d'un large sourire.

— Mais aujourd'hui, je suis à Poudlard ! Je suis entourée des meilleures personnes au monde et je sors avec la fille la plus belle et la plus merveilleuse de toute l'école ! Qui a, certes, un sacré caractère, mais qui sait me rendre heureux comme personne n'aurait pu le faire.

Puis, il dévisagea un temps Kate, avant de lui passer une main frénétique sur les cheveux, la décoiffant au passage.

— Je te souhaite de connaître tout ça !
— Bien joué ! Maintenant, je suis prête à paraître devant McGonagall avec cette tête !

Ils montèrent dans l'office des directeurs après avoir donné le mot de passe à la statue de griffon, qui leur libéra le passage. Un sourire éclaircit les traits de Kate quand elle croisa le regard d'Hermione, occupée à converser avec le professeur McGonagall, toutes deux assises sur de grands sièges verts. L'un des objets étranges des vitrines se mit à cliqueter en même temps.

— Professeur McGonagall, salua Kate. Miss... Granger ?
— Tu sais que tu peux m'appeler par mon nom !
— D'accord... Hermione, articula Kate, en jetant un œil à la directrice, qui ne devait peut-être pas apprécier cette familiarité.
— Je vous remercie d'être à l'heure, miss Whisper, mister Diggle. S'il vous plaît, asseyez-vous.

Aussitôt, deux sièges identiques rejoignirent le cercle, marchant d'eux-mêmes sur leurs pieds de bois, avant de s'immobiliser près de Kate et de Terry.

— Bien. Ne faisons pas traîner cet entretien, voulez-vous. Vous savez pourquoi vous êtes là, miss Whisper.

Kate hocha de la tête, peu convaincue cependant.

— Mister Diggle a obtenu son permis de transplanage par anticipation et ce dernier rentre en application à partir de ce jour, pour tout déplacement en dehors de Poudlard.

Les yeux aiguisés de McGonagall, raide et les mains liées sur ses jambes, se dirigèrent vers Hermione, elle aussi sérieuse.

— Pour votre protection, nous pensons que sa présence, du moins, son intervention, pourrait vous être utile.
— Pour m'en servir comme bouclier humain ? lança Kate, sarcastique. Sans façon. Terry est l'un de mes meilleurs amis, je ne veux pas qu'il prenne des risques pour moi. En tout cas, plus qu'il n'en prend déjà aujourd'hui ! Je sais que je parle dans le vent. Et que vous mettrez quand même ça en application. Mais je tenais à vous donner mon avis.
— J'entends ton opinion, Kate, intervint Hermione, prudente. Mais il ne sera pas là pour se battre. Terry a pour ordre de contacter des sorciers si la situation le nécessite. Il intervient en cas de problème et délègue s'il sent que cela dépasse ses compétences. Tu comprends ?

Cela n'influença pas l'avis de la jeune fille, qui croisa les bras. Elle crut entendre McGonagall marmonner « Aussi têtue que son père... ». Puis, Hermione sortit une petite bourse, dans laquelle elle piocha deux pièces en or.

— Ce sont des gallions enchantés, expliqua-t-elle. Ils sont liés l'un à l'autre par un sortilège.
— Qu'est-ce qu'ils ont de spécial, exactement ?
— Tu peux modifier la tranche. Il te suffit de lancer un sortilège dessus, pour, par exemple, graver l'endroit où tu te trouves. Au même moment, le gallion de Terry se mettra à chauffer et les modifications que tu auras apporté sur le tien apparaîtront sur le sien.
— On ne peut transplaner qu'à un endroit que l'on connaît. Terry ne connaît pas tous les endroits du monde !
— Je sais où tu habites, les endroits que tu peux fréquenter. Et autrement, si je ne connais pas, je ne prendrai pas de risques et je préviendrai tout de suite des sorciers compétents pour te retrouver et intervenir rapidement.
— Il faut que vous compreniez que c'est la seule solution que nous avons à portée, miss Whisper, ajouta la directrice. Autrement, vous subiriez, comme l'année dernière, la présence d'un Auror toute la journée durant. Est-ce que ce que vous voulez ?
— Certainement pas ! Je préfère encore le gallion.

Kate tut le fait qu'elle pouvait se passer d'utiliser le gallion. Si elle estimait que la situation était trop dangereuse pour Terry, elle pouvait choisir de ne pas l'appeler. Cela paraissait être un bon compromis.
Un grand courant d'air glacial interrompit leur conversation, quand des fantômes firent irruption dans le bureau de McGonagall. Kate crut un court moment être plongée dans de l'eau froide quand l'un d'eux la traversa. À la tête de ce cortège fantômatique, composé de plus d'une dizaine de spectres, Nick-Quasi-Sans-Tête leva un doigt et proclama :

— Professeur ! Nous exigeons un entretien exceptionnel avec votre noble personne !
— Sir Nicholas, pensez-vous que c'est le meilleur moment ? répliqua McGonagall, à la fois sèche et courtoise, sûrement agacée que cette discussion soit coupée de cette manière.
— Absolument ! Cette situation, au sein de cet honorable établissement qu'est Poudlard, ne peut plus durer ! Elle doit être résolue sur-le-champ !

Ses dires furent soutenus par une majorité des fantômes, qui hochèrent de la tête. Pour ceux qui n'en possédaient plus, un signe de la main fit l'affaire. Terry et Kate échangèrent un regard hébété. Ce fut alors que la Papillombre remarqua la discrète présence de Merrick, dans un coin, les bras contre lui et la tête baissée.

— Bien, toussota McGonagall. Expliquez-vous. Et soyez concis, Sir Nicholas.
— Des rumeurs circulent dans l'école, comme quoi la cinquième maison aurait désormais son fantôme officiel ! Nous convenons que cette situation est assez exceptionnelle. Ce n'est pas tous les jours qu'une nouvelle maison s'ouvre. Mais nous n'avons pas été consultés sur ce choix ! Il semblerait que le fantôme désigné l'ait été de manière non conventionnelle ! C'est honteux ! Il y a ici, à Poudlard, des âmes fort respectables qui hantent ces lieux depuis des siècles ! Mais qui se font ravir cette place prestigieuse par un fantôme opportuniste qui vient d'arriver ! Comprenez notre mécontentement !

Des remontrances s'élevèrent de la foule et McGonagall dut se lever pour exiger que chacun calme ses ardeurs. Elle ordonna à Peeves, qui en avait profité pour grimper à la mezzanine histoire de grappiller quelques objets de valeur à balancer sur les élèves, de redescendre. L'esprit frappeur ne se fit pas prier.

— Il existe une convention, chez les fantômes ? s'intéressa Hermione. Eh bien... c'est bien l'une des rares choses que j'ignorais jusqu'à présent !
— Il faut être un fantôme pour la connaître, miss Granger !
— Bien, Sir Nicholas. Rappelez-moi comment vous êtes devenu le fantôme de Gryffondor.

Nick-Quasi-Sans-Tête, fier, bomba le torse, mais dut réajuster sa tête qui manqua de tomber.

— Quand je suis revenu à Poudlard, Gryffondor n'avait pas encore de fantôme. Il y avait bien des fantômes, mais aucun ne provenait de notre maison. Nous avons débattu longtemps, trois lunes, pour être précis, et le titre m'est revenu. La Dame Grise, étant la noble fille de Rowena Serdaigle, a hérité de ce rôle de manière naturelle. Et le Moine Gras...
— Donc, si je vous suis, vous m'expliquez qu'il faut que le fantôme d'une maison ait été, de son vivant, élève sous cette même bannière ?
— C'est exact, professeur !
— Or, celui-là vient de chez moi, attesta le Baron Sanglant, sa hallebarde en main. C'était un Serpentard. Il n'a aucun droit sur Papillombre.
— Car l'un d'entre vous l'a ?

La réplique de McGonagall leur coupa l'herbe sous le pied. Ils eurent une réflexion commune et Nick-Quasi-Sans-Tête reprit, les doigts tendus liés par leurs extrémités.

— Votre argument est implacable, professeur. Néanmoins, comme je vous l'ai précisé, beaucoup de fantômes, certains ayant accompli de hauts faits d'armes de leur vivant, mériteraient davantage de...
— Ont-ils été des Papillombre de leur vivant ?

Un silence gêné traversa l'assemblée des fantômes, qui échangèrent des regards embêtés.

— Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense, mister MacNair ? invita McGonagall à se prononcer.

Merrick releva la tête et ses joues, plus brillantes, laissèrent entendre qu'il rougissait. Il voyait bien tous ces regards acrimonieux sur lui. Mais celui, plus conciliant de Kate, l'encouragea à répondre :

— Je... j'erre beaucoup autour de la table des Papillombre. Je me reconnais dans leurs élèves.
— Il veut influencer le vote ! se gendarma un autre fantôme.
— Je n'ai jamais eu l'intention de devenir le fantôme de Papillombre, commença-t-il à se hausser.
— C'est moi qui ai lancé cette rumeur.

Tous les regards convergèrent vers Kate, qui venait de se lever pour mieux se faire entendre.

— Mais je ne pensais pas que cela prendrait autant d'ampleur ! Une nouvelle élève a juste posé la question si Merrick était notre fantôme, pendant que je parlais avec lui à la table.
— Vous pensez vraiment qu'il pourrait répondre au titre de fantôme de maison ? C'est grotesque, miss Whisper !
— Merrick est... quelqu'un de différent. Il est passé par beaucoup d'épreuves très difficiles dans sa vie, qui l'ont transformé en quelqu'un qu'il ne voulait pas être. Mais il avait des rêves. Il avait peut-être d'être rejeté à cause d'eux, à cause de qui il était. Je pense que personne ne pourrait mieux illustrer l'esprit de Papillombre. Et qui sait. Si la maison avait existé à son époque, il aurait peut-être été réparti là-bas.

Son discours toucha Merrick, dont le visage se rasséréna.

— Et il a été mon parrain. J'ai confiance en lui...

Aussitôt, tous les fantômes pivotèrent vers McGonagall.

— Il y a favoritisme !
— On ne peut pas la laisser choisir à notre place !
— Le rôle de fantôme de maison est une illustre mission, qui dure des siècles !
— Oui ! Pourquoi une mortelle aurait-elle son mot à dire là-dedans ?
— Cessez vos enfantillages !

L'ordre de McGonagall les fit taire.

— Vous avez peut-être quelques siècles derrière vous, mais vous vous comportez toujours comme des enfants !

Elle se racla la gorge en avançant de quelques pas.

— Je ne vois pas de solution miracle à ce jour pour dénouer le problème. Il n'existe pas de fantôme ayant été à Papillombre.
— Nous savons ! Mais dans ce cas, nous exigeons que le fantôme qui occupera cette place réponde à ce critère !
— Hm, vous pouvez attendre longtemps que l'un d'entre nous devienne un fantôme... ! marmonna Kate.
— Voici ce que je vous propose. Mister MacNair restera le fantôme provisoire de Papillombre, mais !

McGonagall avait anticipé les semonces et leva un doigt pour garder le silence.

— Le jour où un fantôme venant de Papillombre arrivera, il laissera sa place sans tergiverser.
— Vos paroles sont louables, mais qui nous dit que cela sera respecté. Et si aucun fantôme n'arrive avant plusieurs siècles ? Les futurs directeurs en auront-ils été avertis ?
— Je vous charge de le rappeler à mes successeurs. Je sais que vous vous en souviendrez et que vous ne manquerez pas de lui éclaircir la situation. Mais je garderai parole, Sir Nicholas. Un jour, Papillombre aura son fantôme officiel.

***

Les jours passèrent et le décompte jusqu'à Halloween toucha à sa fin. Maggie le redoutait. Elle gardait en mémoire les paroles de Kate. Elle savait que sa meilleure amie serait capable de tout dire à Terry si elle ne lui avouait pas qu'elle était déjà fiancée. Maggie devait faire honneur à sa maison : attraper une certaine dose de courage et de jeter à l'eau. Mais comment réagirait Terry, là résidaient ses plus grandes peurs... Il pouvait la comprendre comme la rejeter. Mais elle préférait croire en sa mansuétude.
Maggie ferma les yeux et un instant, elle s'imagina vivre dans un monde où ses parents n'étaient pas autant attachés à la réputation et à l'argent. Elle aurait été élevée avec amour, dans un monde où les étreintes sont permises. Elle leur aurait tout avoué dans une lettre, dès son premier baiser. Elle aurait adoré parler de Terry à sa mère, lui répéter à quel point c'était un gars formidable. Rêver de l'avenir, plus ou moins lointain. De cet appartement dont Terry rêvait, qu'ils auraient aménagés tous les deux, avec leurs goûts respectifs. Peut-être, cinq ou dix ans plus tard, prévoir le mariage qu'elle avait désiré, pas celui qu'on lui avait imposé. Rester avec lui, aussi longtemps qu'il lui serait possible.
Puis, quand elle rouvrit les yeux, elle se persuada que tout ceci restait possible. Peut-être pas la complicité avec sa mère, la fierté de son père, mais l'amour qu'elle éprouvait pour Terry pouvait persister. Et elle voulait y croire. Elle attrapa son jeu du pendu magique dans le tiroir de sa table de chevet et quitta le dortoir. Elle descendit les escaliers, traversa la salle commune de Gryffondor, où certains élèves se rassemblaient autour de la cheminée, sur les canapés en velours rouge, et sortit dans le couloir. Le pendu sous le bras, elle garda de vue son objectif. Elle devait trouver Terry et tout lui dire, quoi qu'il en coûte.
Comme à son habitude, à cette heure-là de la semaine, Terry planchait. Assis à la table des Poufsouffle, il relisait pour une énième fois son cours de juridiction magique, picorant des raisins qu'il piochait dans la grande coupelle d'argent devant lui. Maggie inspira une profonde bouffée d'air avant de s'avancer vers lui. Elle n'osa pas lui parler : elle lui tapota sur l'épaule pour détourner son attention.

— Hé ! Je ne t'avais pas vu venir !

Le sourire de Terry s'évanouit quand il remarqua que le visage de Maggie était pâle.

— Tout va bien ? s'inquiéta-t-il.
— Pourrait-on... parler un moment ? Seuls ?

Il releva qu'elle portait son plateau de pendu sous le bras. Cela devait être important.

— Oui, bien sûr. Laisse-moi juste une minute pour ranger mes affaires.

Il remballa ses parchemins, ses grimoires et sa plume et suivit Maggie dans la nef de la Grande Salle. Elle le mena dans une petite pièce désaffectée, où étaient entreposées de vieux bancs, des tables abîmées et des piles de chaises. Le même endroit où Kate avait rencontré Orpheus Fawley pour la première fois, quatre ans auparavant. Maggie installa le nécessaire : une table, deux chaises, face à face, puis ouvrit la boîte du pendu. Le bonhomme en boîte s'éveilla de sa léthargie et commença à faire le compte des pièces pour monter son échafaud. Terry prit place en face de Maggie, un peu fébrile. Des centaines des questions tournaient dans sa tête. Il en laissa échapper une :

— Ne me dis pas que tu es enceinte... !

Maggie secoua la tête ; Terry lâcha un soupir de soulagement. Puis, la jeune fille tira quatre traits sur un parchemin et les lui présenta.

— Hm. E ?

La lettre fut inscrite à deux endroits : E _ _ _ _ E _
Cela rendit Terry encore plus suspicieux.

— I ?

Le pendu magique monta le pied de son échafaud.

— A ?

E _ _ A _ E _

— D ?

E _ _ A _ E D

— L ?

Le bonhomme ajouta la base de la poutre verticale.

— G... ?

E _ G A G E D

Il n'en fallut pas plus à Terry pour deviner le mot.

— « Engaged » ? Je... Maggie ? Je ne comprends pas...

Terry avait l'air si confus que cela fit perdre ses moyens à Maggie, qui hésita à remballer son jeu pour partir en courant. Mais le jeune homme releva son envie de fuite et attrapa son poignet sur la table.

— Maggie, insista-t-il. Qu'est-ce que ça veut dire ?

Des larmes commençaient à embuer les yeux bleu-vert de Maggie.

— Ça veut dire ce que ça veut dire, Terry... Je suis... je suis déjà fiancée à quelqu'un d'autre.

Le cœur de Terry manqua un battement et le Poufsouffle retomba sur le dossier de sa chaise, qui menaça de craquer.

— De-depuis quand ? bredouilla-t-il, blême.

Maggie remarqua qu'il retira sa main de son avant-bras et qu'elle se refermait progressivement en un poing.

— Depuis douze ans. J'ai été promise à un homme, Henry Egerton. Il est juste un peu plus vieux que nous, de quelques années. Ce sont mes parents qui...

Mais Terry ne la regardait plus : les paupières closes, il contenait une colère que Maggie devina grandissante. Elle devait aller au bout des choses.

— Notre mariage est prévu pour cet été.

Cette fois, la situation explosa. La table fut saisie par les pieds et fut éjectée avec une violence inouïe contre une pile de chaises, qui s'écroula, éparpillant le jeu de pendu. Maggie poussa un cri en reculant. Terry, lui, restait assis sur sa chaise, le dos arrondi, les poings sur ses genoux. Ses doigts étaient si serrés que leurs jointures blanchissaient à vue d'œil. Les colères de Terry étaient si rares. Elles ne survenaient qu'une fois, tous les trois ou quatre ans. Mais mieux valait-il ne pas être dans les parages quand elles arrivaient...

— Et tu m'as caché ça... ?

Il releva vers elle un regard à la fois fou et dévasté.

— Tu m'as caché ça pendant tout ce temps ?!
— Je ne pouvais pas...
— Non, Maggie, l'arrêta-t-il avec un sourire enragé. Non ! Je ne t'en veux pas parce que tu as cette... obligation. Je t'en veux... je t'en veux parce que tu ne m'as rien dit !

Il se leva, furibond, et Maggie redouta qu'il ne s'en prenne à un autre meuble.

— Je suis ton petit ami, mais tu n'avais pas confiance en moi ?! Tu me l'as caché... parce que tu pensais que je te jugerais ?! Que je te rejetterais ? Après tout ce qu'on a vécu ensemble... En fait... tu te comportes avec moi comme tu te comportes avec tes parents ! Tu leur caches la vérité pour te permettre d'avoir du répit... Mais tu es lâche ! Et égoïste !
— Comment voulais-tu que je te le dise ? hurla Maggie, en larmes.
— Simplement ! Tout comme tu me dis d'autres choses !
— Ce n'est pas une chose « simple », comme tu dis !
— Et donc quoi ? Tu étais prêt à me lâcher au pied de l'autel ? Tu... tu me fais passer pour le gigolo de service ! Je...

Ses mots moururent dans sa gorge, éraillés, mais il les reformula :

— Je ne représente rien pour toi ?
— Si, Terry... ! Je t'aime ! Mais je ne peux le dire à mes parents ! Je ne peux pas !

Elle se mit à larmoyer, terrifiée et coupable.

— J'ai envie... de continuer d'être avec toi !
— Comment veux-tu qu'on le soit dans ces conditions...
— T-Terry ?
— Je t'aime aussi et... je veux rester avec toi ! Mais le choix t'appartient désormais.

Il se mordit la joue et se passa les paumes sur son visage, sur ses paupières, qui commençaient elles aussi à devenir humides. Il détestait devoir lui imposer un dilemme.

— Soit tu le dis à tes parents. Maintenant. Et on trouvera une solution... Soit...

La seconde possibilité resta nouée sur sa langue. Mais Maggie la devinait fort bien. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à annoncer cela à ses parents. Elle risquait trop gros... Elle se sentit tiraillée. Et incomprise. Pourquoi personne n'essayait de se mettre à sa place ? De voir qu'elle détestait cette situation et qu'elle n'attendait qu'une seule chose : que quelqu'un l'en extirpe.
Elle tenta de formuler une réponse. Mais elle n'y parvint pas. Le silence. C'était tout ce qu'il lui restait. Elle se recroquevilla, contrite. Un silence que Terry interpréta. Son cœur se brisa dans sa poitrine. Elle le faisait passer après tout le reste... Elle était prête à accepter ce mariage, quelles qu'en soient les conséquences. Il ne pouvait plus rien pour elle.

— Je... vois.

Lentement, il se dirigea vers la sortie de la pièce. Puis, sans prévenir, abattit son poing sur une autre table. Le plateau se brisa en deux sous sa force colossale. Maggie sursauta de nouveau, épouvantée, les larmes coulant à flots sur son visage, repliée au fond de la salle. Et Terry, le poing rougi, les phalanges douloureuses, sortit de la pièce, enragé, mais cachant au mieux ses propres larmes.
Maggie s'écroula au sol, dénuée de toute énergie. Si ce n'était celle de pleurer, les bras ramenés vers elle. Terry avait raison. Elle n'était qu'une lâche... Et maintenant, elle allait regretter ce silence. Elle méritait cette peine. Celle d'avoir perdu Terry.  

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NOTE D'AUTEUR (oui, à partir de maintenant, je partagerai aussi mes notes d'auteur sur Wattpad. Je le fais toujours sur HPF et FF.net, mais allez, pourquoi pas sur Wattpad maintenant)

Et c'est ainsi que se termina le Maggerry. Ou du moins, fini pour le moment... Parce que Kate est bien parti pour jouer les cupidons réconciliateurs, entre ses parents et entre ses meilleurs amis. Go go go, Kate ! On compte sur toi !

Quand je vous dis que j'adore la Kate de la 6ème partie, c'est pour tout ça. Ce n'est pas tant le côté dépression. Mais ce qui peut sortir d'elle quand ses proches vont mal. Ou qu'elle leur botte le cul. Elle commence à savoir ce qu'elle veut, la petite. Vous verrez dans le prochain chapitre, elle est géniale. En plus, elle a hérité du sarcasme et du sens de la réplique de son père, alors ça donne un mélange incroyable, ahaha ! Puis c'est une battante. Pardon, mais je suis en total in love avec cette Kate-là, depuis le temps que je l'attends, que je la prépare !

Ce chapitre est aussi très spécial car... LMA a officiellement franchi la barre des 1M de mots ! C'est un sacré cap ! POOOOH. (ça fait l'équivalent de... 20 NaNoWriMo. AHAHAHAHA. Chut. Je suis spéciale, ma maman m'a dit.) Merciiiiiii à vous d'avoir eu l'élan masochiste de lire ces 1M de mots ! (et de continuer encore. Mais qu'est-ce que vous faites encore là ?)

Bref. Je pars mardi pour les Etats-Unis, jusqu'au 2 août. D'ici là, il est peu probable qu'un chapitre de LMA sorte, en revanche, peut-être un chapitre de TPF (l'histoire parallèle de LMA VI sur Phil et Grace. Si tu ne l'as pas encore commencée, fonce sur mon profil). Mais je reviendrai sûrement avec un ou deux chapitres (13h d'avion avec un ordinateur, croyez pas un instant que je ne vais faire que dormir... ! + l'attente dans les aéroports, tout ça). Bref, j'me casse à Hollywood. Je n'ai pas eu mes tickets pour le Comic-Con de San Diego (pas faute d'avoir tout fait et d'avoir fait la fameuse page avec le rond bleu... mais non) (pas de Jensen cette année, ma vie n'a plus aucun sens). Mais je vais visiter Los Angeles, Las Vegas et puis surtout... 2 jours au parc Harry Potter à Hollywood, BABY ! Je serai sûrement déboussolée de ne rien voir en rapport avec Papillombre (cette fanfiction a changé ma vision d'Harry Potter, mais du coup, je ne me fais plus au canon, ahahaha !). Non mais DE TOUTE FACON, un jour, Rowling lira LMA et officialisera Papillombre (et reniera enfin the Cursed Child). ... ... ... Comment ça, "dans mes rêves" ?

A très bientôôôôôôôt !

Poster une review ralentit la repousse du poil.

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant