Chapitre 83 - Son champion de l'ombre

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Pour la première fois depuis sa toute première rentrée scolaire, Kate arriva à l'avance sur le quai 9 ¾, presque désert, dans les alentours de 10h. Les températures commençaient doucement à redescendre, après cette longue période de canicule. Londres était désormais plus vivable que la dernière fois que Kate s'y était rendue, quand elle avait récupéré sa baguette, plus d'un mois avant la rentrée.
Oui. Un mois avait passé. Mais il lui avait semblé attendre des années cette rentrée de septembre. Confinée chez elle à devoir s'occuper de sa sœur, pendant que son père partait en mission, livrée à sa solitude. Elle ne s'en était pas plainte. Car elle pensait le mériter. De temps à autres, elle assistait aux séances d'Abby avec Mr Patil. Le sorcier continuait ses visites à domicile pour espérer faire de la petite sorcière une chuchoteuse, une personne capable d'envoyer des paroles par la pensée. Don qui pouvait se révéler bien utile dans le cas de sa surdité et de son mutisme.
Phil et Abby avaient accompagné Kate, ce jour-là. La petite regardait avec de grands yeux ébahis l'énorme locomotive rouge.

« On peut monter dans le train ? », demanda-t-elle à son père en langue des signes.
— Non, c'est pour Kate, lui expliqua-t-il. Pour qu'elle parte à Poudlard.
« Donc moi aussi un jour j'irai dans le train ? »
— Eh oui. J'attends ce jour avec grande hâte.

Il ne s'était pas pris la peine de traduire la dernière phrase et cela fit ricaner Kate. Cette réaction attira l'attention d'Abby, qui signa à son attention, le regard plein d'espoir :

« Maman va sortir du train ? »

Kate s'étrangla puis secoua la tête en répondant :

— Non, citrouille. Maman n'est pas dans le train.

La petite sœur tira la moue devant son aînée peinée. Elle ne supportait plus de rester aux côtés d'Abby, aussi impuissante. Pendant deux mois, la petite ne cessait de réclamer la présence de sa mère, partie du jour au lendemain. Kate se souvient d'une nuit particulièrement douloureuse où le nouveau don d'Abby avait pris des proportions démesurées avec sa colère. Elle avait entendu ses hurlements et ses pleurs dans sa tête.

« Maman ! Maman ! »

Kate s'était réfugiée la tête dans l'oreiller, espérant y échapper, mais les hurlements d'Abby, sûrement en proie d'un cauchemar, avaient continué de résonner dans son crâne. Les pouvoirs latents d'Abby firent allumer toutes les ampoules de la maison par intermittence, le téléphone se mit à sonner, la télé s'alluma, de même que la radio, le toaster grésilla. Jusqu'à ce que Phil ne se lève pour calmer la petite.
Ils n'avaient pas osé lui expliquer la vérité, elle était bien trop jeune pour comprendre. Alors, ils lui avaient fait comprendre que Grace était partie pour un long voyage, mais que personne ne savait quand elle reviendrait. Depuis, Abby posait sans cesse la question dès qu'elle voyait un avion, un bus, une voiture, un train... N'importe quel moyen de transport pouvait être la porte de sortie dont Grace jaillirait, de retour de ce fameux voyage qui semblait s'éterniser.

— Quelque part, je suis contente de ne plus avoir d'Auror aux bask' cette année, soupira Kate à l'adresse de son père.

Tous les deux avaient adopté une posture semblable, penchés, les coudes sur les genoux, observant les premiers élèves qui arrivaient en traversant la barrière magique.

— Irina Ivanov ne me manquera pas !
— Cette femme avait un sacré caractère ! se souvint Phil.

Puis il se tourna vers elle avec une expression plus sérieuse.

— Tu feras attention, quand même.
— Avec l'Immatériel ?

Kate hocha la tête.

— Avec ma nouvelle baguette, ça devrait mieux se passer.
— C'est pas une baguette qui résout tous les problèmes.
— Je te trouve particulièrement pessimiste en ce moment.
— Difficile de faire autrement, je t'avoue...

Ludo Mentis AciemWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu