Chapitre 19 - Une maison de coeur

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— Aidez-moi !

Le cri puissant, qui suivit le craquement caractéristique d’un transplanage, inspira une croissante panique, alors que les personnes patientant dans le hall d’entrée de Ste Mangouste virent s’avancer un homme qui portait dans ses bras une fillette victime de violentes convulsions. Aussitôt, la réceptionniste, qui avait bondit de son siège, appela les brancardiers, qui assaillirent l’arrivant pour prendre en charge la petite malade. Ils eurent du mal à séparer le père et la fille, tandis que les guérisseurs coururent en direction de la salle d’urgences magique la plus proche. Au moment où ils rentrèrent dans la petite pièce confinée, l’un d’eux retint Phil dans le couloir :

— Vous ne pouvez pas entrer, monsieur.

Angoissé au possible, Phil tenta de forcer de passage, il fut cependant repoussé. Sur le lit d’hôpital dans lequel fut transportée Kate, les contorsions neutralisées par les sortilèges des guérisseurs, la fillette avait les yeux révulsés, la peau livide, la bouche entrouverte. Ils tentèrent les philtres et onguents de premiers secours, tandis que le jeune soignant du couloir interrogeait Phil, qui faisait les cents pas, les mains sur la tête, s’arrêtant parfois longuement devant la vitre de la porte, la vue barrée par d’autres guérisseurs :

— A-t-elle subi un sortilège inintentionné ?
— On… on était en train de fêter le nouvel an en famille ! Rien de plus normal !
— Vous pensez qu’elle ait pu être empoisonnée ?
— Empoisonné ?! Non mais vous êtes taré ?! On était à une fête en famille ! C’est elle qui a préparé les toasts !
— Ce sont des questions procédurières, monsieur, ne vous énervez pas !
— Vous insinuez que ma fille ait pu être empoisonnée et vous voudriez que je garde mon calme ?!
— Nous considérons toutes les possibilités, monsieur !
— Ma fille n’a pas été empoisonnée ! Tout allait très bien ! J’aurais pu aller à n’importe quel hôpital moldu de ce nom ! C’est parce que je vous croyais un peu plus compétant que je suis venu ici, alors ne me donnez pas tort !

Face à la colère grandissante de Phil, le guérisseur préféra hocher la tête et s’éclipser dans la salle d’urgence. Kate venait d’être intubée avec une espèce de chose étrange pour éviter qu’elle ne s’étouffe, ses muscles du cou contractés à un tel point qu’elle ne parvenait plus à respirer. La voyant dans un tel état critique, son père s’alarmait tellement qu’il en avait les larmes aux yeux. Que passait-il passé pour que Kate tombe à terre au moment précis du passage au l’an 2000 ? Qu’elle s’écroule et se contorsionne sur le carrelage du salon, devant les yeux choqués de Grace et d’Eliot ? Il avait envie, besoin d’être auprès d’elle, de lui tenir la main, alors que les spasmes, contenus par les guérisseurs, ne cessaient de tordre son petit corps. Impuissant père de famille qu’il était, pensait-il. Il avait laissé derrière lui sa femme et son neveu, préoccupés par l’état de Kate, ne pouvant tous les emmener avec lui à Ste Mangouste. Il s’en sentait presque responsable.
Au bout de quinze minutes, les convulsions de Kate s’estompèrent et elle put réintégrer un sommeil qui paraissait plus tranquille, débarrassée de tous les appareillages magiques. Et Phil eut l’autorisation de pénétrer dans la chambre. Aux côtés de sa fille inanimée, il demeura plusieurs heures. Observant son visage figé, son corps allongé sur ce lit et recouvert du fin drap hospitalier. Au fond, Phil se fichait de savoir de quelle manière Kate avait été victime de ce mal, il voulait simplement avoir l’assurance que sa fille puisse se rétablir. Sous les paupières de cette dernière, ses yeux vacillaient. D’une main tremblante, il caressa les contours de son visage, comme espérant que ce contact parviendrait à la réveiller.

Les guérisseurs se succédèrent à son chevet pour tenter d’autres sortilèges ou potions qui pourraient la ramener à la conscience, hélas sans succès. Aucun ne parvint à trouver une cause à sa crise aussi soudaine qu’impressionnante. La première nuit de l’an 2000 fut interminable. Durant de nombreuses heures, Phil lutta contre le sommeil et veilla sans relâche, assis à côté du lit, se massant les paumes pour éviter de frapper un mur ou un meuble dans un coup de rage. Il ne savait pas vraiment que prier, les sorciers n’étant pas partisan d’une quelconque religion si ce n’était leur propre magie, mais ses implorations n’avaient pas de pause. Qu’importe celui là-haut ou bien bas qui pouvait les recueillir, il suppliait qu’on lui ramène sa fille.

Ce ne fut qu’à l’aube que Kate s’éveilla de sa léthargie. Aussitôt, Phil se précipita vers elle, lui attrapant de ses deux mains ses petits doigts froids et fébriles. Kate remua sur le matelas surélevé, avant d’ouvrir les yeux sur une vision brouillée et désorientée, qu’elle tourna vers son père. Ce dernier se pencha au-dessus d’elle et lui baisa le front, soulagé mais le cœur battant encore à la chamade. Aucun mot ne fut partagé. Kate était vivante. Rien n’aurait pu mieux remplacer le silence appréciateur de ses retrouvailles.

— Tu m’as foutu une de ses trouilles… murmura-t-il quelques minutes plus tard, sa joue toujours plaquée contre son crâne. Ne me fais plus jamais ça, Kate. Je t’aime trop pour que tu recommences un truc pareil…
— Je t’aime aussi, papa, trembla Kate, encore sous le choc des émotions et ce qu’elle venait de subir. J’ai… j’ai eu si peur, papa…

Elle lui raconta alors la vision qu’elle avait eu. Le changement brutal au passage à l’an 2000, comme passant de la réalité au rêve sans passer par le stade du sommeil. Au fur et à mesure qu’elle le lui conta, des larmes d’effroi apparurent à ses yeux. Elle n’avait rien à cacher à Phil, cependant, elle craignait de se dissimuler des choses, à elle-même. Quelque chose d’anormal. Qui s’ajoutait à tout ce qu’il y avait d’autre. Même si jamais elle n’avait raconté ses cauchemars à qui que ce soit, ceux qui la hantaient depuis le mois d’août, elle se doutait que cette imposition fortuite de ce songe pour le moins insoutenable et effrayant, et cette fois-ci plus précis, n’était pas due au hasard. Peut-être même liée à sa maîtrise de l’Immatériel.

— Tu penses que… je peux voir dans l’avenir ?
— Kate, ce n’était qu’un mauvais rêve… tentait de la convaincre Phil, lui-même troublé par le récit de sa fille, particulièrement détaillé et dérangeant.
— Mais ce n’est pas la première fois, papa… Que je vois cette… femme. Elle est toujours là. Depuis le retour d’Eliot. Toutes les semaines, il y a au moins une nuit où elle est là, dans mes rêves.

Phil était déchiré entre l’ennui et le soulagement : Kate n’était plus poursuivie par les horreurs qu’elle avait vécues pendant la guerre. Aujourd’hui, il n’y avait plus que cette femme étrange dans ses rêves, non pas des morts qui pavaient ses pas, des Mangemorts qui les traquaient et des sortilèges de mort qui frôlaient sa tête. Cependant, il s’inquiétait que cela prenne des ampleurs telles qu’elles la plaquaient à l’inconscience et à un lit d’hôpital, comme c’était le cas.

— Et si… si les journaux disaient vrai ? Que l’an 2000 avait déclenché quelque chose en moi ?
— Tu n’es pas prophète, ma chérie… tenta-t-il de la rassurer alors que les yeux de Kate s’humidifiaient de larmes.
— Mais papa ! Le jour de l’éclipse, Eliot s’est réveillé ! A l’an 2000, je m’évanouis ! Tout ce qui se prédit dans les articles se réalise dans notre famille ! Ils ont raison, à chaque fois ! Il y a quelque chose qui…
— Hé, Kate ! Kate !

Phil attrapa le visage froid de sa fille entre ses grandes mains et plongea son regard dans le sien.

— Calme-toi, d’accord ? lui ordonna-t-il d'une voix forte et autoritaire. Tu ne vas tout de même pas croire ces charlatans de mes deux qui te sortent une catastrophe par jour dans leur chapeau ! Ce sont des coïncidences ! Mais ne les laisse pas te manipuler, tu vas y laisser ta peau. 

Il se radoucit en continuant :

— Je suis là, moi. Il y a quelques années, on aurait pu prédire que nous ne retrouverions jamais notre monde sorcier d’antan. J’aurais dû y rester, peut-être toi aussi, ta mère aussi. Mais ce n’est pas le cas. C’est parce que nous nous sommes battus, parce que nous y avons cru, parce que nous avons de l’espoir et que nous étions unis que nous nous sommes arrachés de ces satanés présages distribués par des inconnus ! Alors, tu les envoies se faire voir, ou je m’en chargerai s’il le faut, mais ne les laisse jamais avoir le dessus sur toi, ne les laisse jamais décider à ta place. Pense par toi-même. Et que, même si la vie n’est pas toujours aussi facile qu’on le voudrait, c’est toi qui décides de quoi elle sera faite, pas les autres.

Refoulant ses sanglots, Kate lui adressa un sourire avant de lui réclamer une étreinte. Cependant, elle fut bien vite interrompue par l’arrivée d’un guérisseur.

— Ah, vous êtes réveillée ! C’est une bien bonne nouvelle !

Le soigneur, grand et blond, s’approcha tandis que Phil se releva pour mieux le jauger, lui qui avait si peu foi en ces secouristes et leurs pratiques médicales parfois douteuses.

— J’aimerais poser quelques questions à votre fille, si vous me le permettez.
— Bien sûr, allez-y.
— En privé, précisa-t-il en se raclant la gorge.

Phil se raidit, accordant un regard mauvais au guérisseur. Il allait sûrement l’interroger sur les circonstances de l’accident, pouvant mettre en cause son implication. Mais ne tenant pas à se désigner comme potentiel coupable, Phil acquiesça et sortit, après avoir adressé un dernier clin d’œil à Kate, qui répondit d’un petit geste de la main. Elle eut la drôle de sensation d’être abandonnée, de n’être plus protégée par la présence de son père.

— Miss Whisper, je suis ravi de voir que vous vous portez mieux, lui sourit le guérisseur.
— Merci, monsieur…

Mais cela la mettait mal à l’aise. Ce sourire malin lui semblait presque familier. Et elle osa poser la question qui la torturait :

— J-je vous connais ?

À ces mots, la tignasse blonde se déroula en une volumineuse chevelure bouclée qui s’assombrit. Les traits de sa mâchoire se tordirent et laissèrent apparaître l’ombre d’une barbe naissante. Kate en reste un temps médusée lorsque s’acheva la métamorphose :

— M… Mister Fawley !
— Nos retrouvailles ne s’accordent guère à d’agréables circonstances, j’en conviens, mais je ne pouvais demeurer entre les doux bras de Morphée suite à votre malencontreuse hospitalisation.
— Comment le saviez-vous ?!
— Mes sources sont nombreuses, fiables et d’une efficacité redoutable.

Une peur insidieuse coula dans les entrailles de Kate, crispée, alors qu’Orpheus prit une chaise pour s’installer à côté d’elle. Plus elle le connaissait, plus cet homme lui inspirait de la méfiance. Elle qui pensait au départ se jouer de lui, elle n’était à présent qu’un de ses pantins.

— Alors… qu’est-ce que vous voulez ? demanda-t-elle d’un ton sec pour dissimuler son anxiété.
— Rien de plus que d’apprécier le soulagement de vous savoir saine et sauve, miss Whisper. Il me serait fort préjudiciable que ma petite protégée ait trépassé au passage de l’an 2000, bien que cet événement puisse être à l’origine d’un succès médiatique.
— Faites semblant de vous préoccuper de moi, ça ne vous va pas… !

Puis, après une seconde d’amusement qui traversa son visage, il se pencha vers elle et l’ensorcela de son regard brun.

— Je lis les nombreuses questions qui scintillent dans vos prunelles, Miss Katelyna Whisper. Et si vous privilégiez l’honnêteté à toute autre vertu, qu’il en soit ainsi, c’est tout à votre honneur. Allons alors de but en blanc. Comme je vous l’ai dit lors de notre première rencontre, je désirais que vous incarniez ma voix. Celle qui fera écrire ma plume. Vous êtes désormais une personne ressource pour moi, miss Whisper. Et le fait que vous m’ayez concédé dans ce courrier que j’eus reçu il y a de cela dix jours me prouve que vous portez les mêmes espoirs à mon encontre. Vous représentez pour moi le renouveau. Celle sur laquelle on pourra écrire et parler des années durant. Vous êtes ma chance, en tant que journaliste. Il serait malavisé cependant de pointer le fait que je ne fasse cela que pour servir ma réputation et ma carrière journalistique, mais je vous offre, en retour de cette relation intéressée et non basée sur les affects sociaux sur lesquels misent les individus communs, ma dévotion, ma protection et tout ce que je serai en mesure de vous fournir. Mais rien ne nous empêche d’entretenir néanmoins de bons liens.
— Et donc vous avez eu peur… peur de me perdre. En gros, je suis juste votre poule aux œufs d’or…

Une colère monta en Kate, mais se mêla à sa fierté de représenter tant aux yeux d’un adulte.

— De votre côté, vous n’êtes qu’une poule mouillée, cracha-t-elle.

Un temps, Orpheus garda une figure de marbre, blessé au fond de lui-même. Il se redressa et ajusta sa cravate verte en s’éclaircissant la voix.

— Chacun vit comme il le peut. Si le monde n’était peuplé que de héros, il n’y aurait peut-être que davantage de raisons pour se haïr entre nous et nous déclarer la guerre pour mesurer la précellence du courage de l’un par rapport à l’autre. Appelez-moi lâche ou tout autre terme qui conviendrait selon vous à me définir. Mais sachez, miss, que dans ma condition, ma « couardise » m’a permis de survivre plutôt que de mourir, ou de tuer, pour servir un soi-disant courage que les gens auraient oublié sitôt que mon corps aurait été enseveli. 

Si le journaliste évitait d’aborder tout point de sa vie personnelle, Kate sentit le lourd impact de la guerre sur cet homme, qui lui parut, tout à coup, plus vulnérable. Un sentiment de culpabilité la frôla.

— Mais je ne suis pas venu ici, en toute impunité, vous déballer les bienfaits de mon audace, poursuivit-il sur un tout autre ton, plus détendu, les mains liées sous son menton allongé. Mais savoir comment vous, vous allez. Que s’est-il passé exactement ?
— Rien d’habituel, trancha-t-elle, essayant d’éprouver le moins d’empathie à l’égard de Fawley, comme espérant que cela le ferait sortir plus vite de sa chambre d’hôpital. 
— C’est en rapport à ce que vous me racontiez ? Vis-à-vis de vos amis ? De l’Immatériel, peut-être ?

Il sentit qu’il avait touché là un point sensible en voyant la face de son interlocutrice se décomposer dans des teintes livides. Par les confessions qu’elle lui avait délivré dans sa lettre, Orpheus Fawley était l’un des seuls, avec Maggie, le professeur Wolffhart, et maintenant d’autres enseignants de Poudlard, à connaître son secret de sa maîtrise de l’Immatériel. Même son propre père n’en était pas au courant.

— Peut-être bien, trembla-t-elle. J’ai vu… enfin, j’ai eu une vision avec quelqu’un qui… qui aussi pouvait manipuler l’Immatériel.
— Qu’avez-vous vu, exactement ? creusa-t-il, intéressé par la tournure du récit.
— C’était une femme. Mais je ne voyais pas son visage. Elle était toute habillée en bleu et noir. Près d’elle, il y avait un énorme corbeau. Et c’est là que de sa main est sorti l’Immatériel. Qui m’a attaqué. Je suffoquais quand j’ai entendu mon nom. Je crois qu’elle me cherche.
— Pourquoi pensez-vous qu’elle est réelle ?
— Parce que ce n’est pas la première fois qu’elle m’apparaît. Et que tout le temps, sa voix reste la même. Elle est grave… 

À son simple souvenir, un nouveau frisson la parcourut.

— Et… vous pourriez imaginer un instant qu’il puisse s’agir de la reine Maëva ?
— La reine Maëva ? répéta Kate, interloquée.
— Selon vos recherches, ou celles que je vous ai fournies, et du fait qu’on puisse imaginer qu’elle n’est pas sans rapport avec Papillombre, pourquoi ne chercherait-elle pas à vous contacter ? Pourquoi ne serait-ce pas ça qui vous lierait ? L’Immatériel.
— Maëva est morte, il y a des siècles.
— Dans notre monde de magie, rien n’est impossible, miss Whisper. Les fantômes sont la plus belle preuve d’une vie après le trépas. Pourquoi ne pas fantasmer sur l’idée que la reine vous interpelle depuis l’au-delà, par le biais de vos rêves ?

Même si elle n’appréciait pas forcement les méthodes et les intentions de mister Fawley, Kate devait avouer que les développements qu’il lui fournissait lui permettait de réfléchir sur la question d’une meilleure manière qu’elle n’aurait pu le faire elle-même, seule et sans appui. 

— Dans ce cas, pourquoi elle me chercherait ? Pourquoi elle voudrait me tuer ? Si c’était vraiment Maëva, pourquoi ne pourrait-elle pas m’expliquer ce qu’il se passe ?
— Je ne suis ni dans votre tête, ni dans la sienne, j’en rends grâce à Merlin, ricana Fawley, faisant tressaillir ses grandes boucles noires sur son large front.

Le soupir de Kate trahissait ses doutes et ses questions, de plus en plus nombreuses. Cependant, elle préférait avancer dans ses problématiques, peut-être plus foisonnantes encore, plutôt que de piétiner dans une seule et même impasse.

— Mais que cela vous ait affecté au point de vous faire transporter aux urgences sorcières, cela relève des hauts faits des oracles.
— Je… je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé. C’est comme si j’étais chez moi il y a encore quelques minutes.
— Vous étiez, à ce que j’ai compris, dans un état critique. Les guérisseurs s’inquiétaient à votre propos, car vous ne réagissiez à aucun traitement. Quant à votre père, je pense qu’il est inutile de détailler son état, je l’ai rarement vu ainsi…

Il esquissa un très léger sourire avant de se lever de sa chaise, comme pour clore le sujet, cependant, Kate rebondit dessus :

— Vous connaissez mon père ? s’intéressa-t-elle en fronçant les sourcils.
— Sachez, miss Whisper, que j’ai partagé la même maison que lui durant deux années et que cela suffit pour me laisser un souvenir intact de sa personne, grimaça-t-il. À l’inverse, je doute que l’évocation de mon simple nom puisse lui remémorer quoique ce soit.

Le voyant regarder sa montre magique, qui ne comportait pas moins de sept aiguilles pointant différents événements de la journée à ne pas manquer, Kate le questionna :

— Vous vous en allez ?
— Je crains qu’il ne faille pour moi vous quitte déjà, au risque de manquer l’heure du thé. La température idéale de mon breuvage risque d’être compromise si j’arrive à destination avant 8:05AM, ce qui me laisse quatre minutes pour sortir d’ici et me rendre à domicile.

Aussitôt eut-il terminé sa phrase que ses traits se changèrent de nouveau et reprirent l’aspect du visage du guérisseur blond qui était entré dans la pièce. Cette métamorphose, maîtrisée avec une perfection que Kate se surprit à jalouser, la fascinait tout autant.

— Mais nous aurons l’occasion d’échanger à nouveau quand vous le souhaiterez. Vous avez le contrôle de notre relation se déroulant sur un plan totalement professionnel et dénué d’attachement émotionnel, à bon entendeur, puisque cela semble vous rassurer. Il vous suffira de m’envoyer un hibou, comme vous avez pu le faire à Noël.

Kate se contenta de hocher la tête, avant qu’Orpheus, sous des traits qui ne lui appartenaient que de moitié, n’aille vers la porte et l’ouvrit. Il invita Phil à revenir vers sa fille.

— Tout va pour le mieux, mister Whisper, lui annonça-t-il, cela faisant sourire Kate qui voyait le journaliste dans un rôle tout autre. Rien de grave ou de critique à signaler, juste une grosse frayeur, même si nous n’avons pas pu préciser de cause à cette réaction. Kate pourra sortir dans le courant de la journée, sur approbation de mon supérieur, bien entendu. Mais, restez prudents, si d’autres crises devraient avoir lieu, faites-en-nous part. 
— Merci, lui répondit Phil, sincère et soulagé, tendant une main au guérisseur.

Orpheus esquiva une hésitation avant d’accepter la poigne avec un rictus pincé. Si seulement Phil savait qu’il serrait là la main d’un ancien camarade de maison, de cinq ans son cadet, et qui avait eu l’occasion de subir ses pires blagues à cible indéterminée.

— Il n’y a pas de quoi… ! bredouilla-t-il avant de s’adresser à Kate. Miss Whisper, je vous souhaite un bon rétablissement, prenez soin de vous.

Lorsqu’il les quitta, Phil revint au chevet de sa fille et, fronçant les sourcils :

— Pourquoi tu souris bêtement comme ça ?

Pour toute réponse, Kate haussa les épaules, amusée seule par la situation qui venait de se croiser.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now