Chapitre 96 - Professeur

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1942.
L'horreur semblait avoir atteint son apogée. Dans le monde comme dans mon cœur. Mais comme l'avait présumé Dumbledore, la colère me permettait de ne pas céder au chagrin, à la pitié. Quand Schwartzmann conta son récit de Nurmengard devant le concile des Silberfalken et Dumbledore, à la suite de ses soins à Tempel Hof, mon impassibilité passa pour de l'inhumanité. Cela m'était égal.

— Vous savez combien de sorciers sont emprisonnés à Nurmengard ? le questionna Mausen.
— Je l'ignore...

Chaque mot qu'il prononçait semblait lui coûter. Ayant posé le pied dans la tour noire, je touchais du doigt les scènes auxquelles il avait pu assister. Cependant, je n'osais imaginer ce qu'il avait pu endurer...

— À peu près ?
— Je n'en ai aucune idée. Il y a beaucoup de cellules, en tout cas, dans le couloir où j'étais. Des dizaines, des centaines peut-être. Ça semble infini. Je ne sais pas si elles sont toutes occupées.
— Vous avez des geôliers ?
— Oui. Tous des sorciers.
— Des détraqueurs, peut-être ? tenta Dumbledore, se référant à Azkaban.
— Non. Comme il y a les gardes et leurs expériences, il ne faudrait pas qu'ils deviennent fous non plus.
— Parlez-nous de leurs... expériences.

Je devinai, à l'expression décomposée de Schwartzmann, que le seul souvenir était l'origine de douleurs insoutenables.

— C'est Grindelwald... C'est lui qui dirige les opérations.
— Des opérations magiques ?
— Il... utilise une magie. Que je n'ai jamais vue ailleurs.
— Décrivez-la, le sollicita Dumbledore avec bienveillance.
— Elle est incontrôlable.
— C'est une créature ?
— Je... ne sais pas.
— Est-elle noire ?
— La magie ?
— La façon dont elle se manifeste.
— Non, elle est blanche. Ou argentée. Et scintillante.

L'expression fermée de Dumbledore ne laissait rien présager de bon. Je commençais à connaître le bonhomme.

— Il n'utilise pas un obscurial.
— Un obscurial ? demanda Mausen.
— C'est un réceptacle. Celui d'un obscurus. Une créature qui grandit dans le cœur des sorciers qui ne peuvent exprimer leur magie. Qui doivent la refouler en eux. Une créature dangereuse et incontrôlable. Grindelwald a cherché à s'en emparer.
— Vous sembliez circonspect, rebondis-je, grave. Quand il a parlé de magie « blanche ». Vous savez de quoi il s'agit.

Ma phrase avait des airs affirmatifs plus qu'interrogatifs.

— J'ai croisé cette magie par le passé. Et cela ne m'étonnerait pas tant que Grindelwald cherche à s'en emparer. Il s'agit d'une magie extrêmement puissante, mais imprévisible, et il le sait.
— Quelle est cette magie ?
— L'Immatériel. C'est ainsi qu'on l'appelle...
— L'Immatériel ?

Dans notre silence, le mot résonna longtemps dans l'esprit de chacun. Comme pour se l'imprimer.

— D'où vient-elle ?
— Si seulement la réponse était en ma possession, soupira Dumbledore. Cependant...

Son regard s'assombrit derrière ses verres en demi-lunes.

— Comment Grindelwald est-il parvenu à utiliser cette magie ?
— Ce n'est pas à la portée de tous ? s'interrogea Mausen.
— L'Immatériel est une magie primitive. Nous la possédons tous en nous... Les enfants peuvent s'en servir naturellement, mais elle évolue dès lors que nous possédons une baguette magique. Et il est fort probable que les obscurus soient de l'Immatériel dégénéré... Rien n'est certain. Mais telles sont mes hypothèses.
— Comment Grindelwald serait parvenu à l'utiliser dans ce cas ?

Avec prudence, et conscient qu'il allait présenter sous nos yeux une confidentialité, il sortit de sa robe de sorcier une pierre violette pendant au bout d'un lacet en cuir. Un disque en agate.

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant