Chapitre 65 - La Métamorphose de Maggie

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  Ses quelques heures de sommeil, Kate les devait à la fatigue engendrée par le long voyage en train. Car sans cela, son esprit aurait été trituré de mille manières par la discussion qu'elle avait échangée la veille avec Merrick. Sa migraine était passée, mais ses craintes, peut-être infondées, persistaient.
Les grandes fenêtres gothiques de l'infirmerie laissèrent rentrer la lumière dès l'aube. Kate se réveilla naturellement, encore toute habillée de la veille. Le pas malaisé, elle se dirigea vers la grande porte de sortie. Verrouillée.

— C'est une blague, ricana-t-elle en forçant sur la poignée.

Par précaution, le personnel de l'école avait dû l'y enfermer dans l'attente que Ron revienne, sûrement lui aussi épuisé par cette rentrée. Des résolutions qui déplaisaient fortement à l'adolescente. Cette dernière joua alors la carte de l'impertinence. Sa baguette étant resté dans ses bagages, elle plaqua sa main contre le gros trou de la serrure rouillée et éveilla son Immatériel. Les fumerolles s'insinuèrent dans les mécanismes et en activèrent certains. La porte céda sans difficulté. Satisfaite de son coup, Kate rejoignit le bâtiment principal, se réjouissant d'imaginer la tête de Mrs Pomfresh et de Ron en constatant que la jeune fille s'était volatilisée. Mais personne n'était en droit de la retenir.
Elle rejoignit, non sans soulagement, la salle commune de Papillombre. Les affaires qui traînaient et autres reliques, boîtes de bonbons vides et chapeaux oubliés, témoignaient des festivités de bienvenue qui avaient été réservées aux nouveaux. Kate ne remarqua que tardivement que Shako dormait sur un canapé, sûrement trop paresseux pour rejoindre sa chambre la veille, son écharpe barrant ses yeux, le bras pendant et la bouche entrouverte. Après une courte discussion avec la statue de Cliodna, l'aînée des Papillombre retrouva sa chambre, où avaient été entreposés ses bagages, son chat et son balai. Elle attrapa des habits propres et profita de l'heure bien matinale pour aller s'accorder un bain.
Ses responsabilités de préfète la rattrapèrent et Kate ne put prendre le temps de se prélasser dans les poufs confortables de la salle commune pour attendre le réveil de ses camarades et les accueillir dignement. Elle affronta alors les froides températures pour se présenter devant la Grande Salle. La préfète de Poufsouffle de sixième année qu'elle devait remplacer semblait épuisée et frigorifiée.

— Enfin ! lui sourit-elle en la voyant arriver. Je croyais que j'allais mourir ici ! Plus jamais ! Plus jamais je ne fais les plannings de 6h !

Elle tendit les piles d'emploi du temps à Kate, qui bredouilla des remerciements, puis rentra en toute hâte dans la Grande Salle. Si le rythme de distribution fut supportable au début, le rush de 7h45 était comparable à ces films sur lesquels riait son père, dans lesquels les morts-vivants se ruaient sur leurs pauvres victimes pour les éventrer.

— Annoncez haut et fort votre année de promotion et votre maison ! continuait de s'égosiller Kate au milieu de la foule amassée, alors que trois élèves de deuxième année tentaient de lui arracher des planning qui ne correspondaient même pas à leur niveau d'études.

Quand son homologue de Serpentard prit le relai pour la dernière demi-heure, Kate songea sérieusement à retourner se coucher, réduite à l'état de bouillie mouvante, les cordes vocales douloureuses, ses mains pleines de griffures. Elle inspira malgré tout une bouffée de courage et entra à son tour dans la Grande Salle. Des nuées de hiboux avaient investi l'endroit, apportant les lettres des parents, qui voulaient s'assurer que la rentrée s'était bien passée ou pour s'informer de la répartition de leur progéniture, pour les plus jeunes d'entre eux. D'autres élèves commençaient à débattre autour des plannings que Kate s'était échinée à distribuer, certains se plaignant de voir leurs heures de temps libre être drastiquement réduites. Aussi, la Grande Salle était particulièrement bruyante ce matin-là, ce qui n'aidait pas beaucoup la jeune fille, qui s'écroula sur la table des Papillombre.

— Un p-p-p-petit jus de ci-citrouille ? lui proposa Leeroy, en lui servant un verre, qu'il poussa jusqu'à elle, les bras autour de sa tête avachie sur la table.
— Plus tard... Mais merci Leeroy !
— On a deux heures de sortilèges en plus ! se réjouit Tetsuya à côté, qui étudiait son emploi du temps. On va pouvoir attendre deux fois plus. Mais bon... ma seule hâte, c'est d'être en cinquième année !
— Personne n'a douté oune seule seconde que tou était un masochiste, fit remarquer Eibhlin, en faisant référence aux BUSES.
— C'est quoi un masochiste ? demanda Rose à voix basse à un Nestor impassible, qui remplissait la grille de mots croisés sur la Gazette du Sorcier.
— Si tu avais suivi le moment où ils nous ont annoncé la réforme il y a deux ans, reprit Tetsuya, tu sauras qu'on aura le droit de prendre deux nouvelles options !
— Qu'est-ce que je disaïs...
— L'initiation aux soins magiques ne m'intéresse pas particulièrement, ce n'est pas mon domaine de prédilection, les potions.
— Aye. Tou n'es que le deuxième de la classe dans cette matière.
— Par contre, l'introduction à la société et à la justice sorcière, ça, c'est tout de suite mieux ! Tu vas prendre l'option, Kate ?
— Hors de question... grommela cette dernière, toujours couchée sur la table. Rien que le fait que ce soit Wolffhart qui donne les cours... Puis...non.
— Dommage. Et du coup, comment s'organise tes semaines ?
— Eh bien...

En se redressant, les yeux plissés, les cheveux en pagaille, Kate se rendit compte de sa terrible erreur :

— Je n'ai pas pris mon planning.
— Quel comble, fit remarquer Nestor.
— C'est hors de question que j'y retourne.
— J'y vais !

À la surprise générale, Tetsuya se leva avec un franc sourire. Intuitive, Eibhlin observa les alentours avant de deviner avec un sourire mesquin :

— Il n'a rien d'un brave... il veut jouste aller dragouiller le tas de mouscles blond et poïlou venou du pôle nord !

En effet, indécise, Sigrid, l'étudiante de Durmstrang, venait d'entrer avec un regard dur. Elle devait certainement hésiter sur l'endroit où s'asseoir pour consommer son petit déjeuner, ne connaissant personne dans cet établissement qui lui était étranger. Mais Tetsuya passa outre la remarque de sa camarade et s'élança. Toute la table suivit ses pas et son approche de la belle scandinave, qui s'étonna que quelqu'un ose l'aborder avec un ton chaleureux. Le jeune homme s'inclina pour se présenter et échangea quelques mots avec elle. Il dut attendre au moins une bonne vingtaine de secondes pour parvenir à lui décrocher un sourire, bien vite volatilisé cependant.
Kate se désintéressa un temps de la scène et avala une gorgée de jus de citrouille. Au-dessus de leurs têtes, les fantômes évitaient les hiboux qui fusaient en tous sens. Merrick ne faisait pas partie de leur troupe. Même sous forme spectrale, il demeurait un être solitaire. Pour la première fois en cinq ans, Kate ne reçut pas de lettre de la part de ses parents. Quelque chose dont elle se félicita, y voyant comme une nouvelle marque d'indépendance. Elle serait la première à leur donner le feu vert concernant l'échange de courrier, cela devait venir de son initiative.

— Tu as parlé à ta sœur depuis hier ? s'intéressa Nestor en s'adressant à sa voisine, Teffie, sans décrocher les yeux de son journal.
— Pourquoi cette question ?
— Tu as l'air plus tendue ce matin que les autres. Ou alors tu as changé tes habitudes.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça, d'abord, tronche d'ail ?
— Tu as mis ta serviette en charpie.

En effet, à l'aide de sa baguette magique, Teffie avait malmené machinalement la serviette brodée mise à sa disposition, l'effilant, la brûlant, la découpant, la froissant, la gonflant comme une éponge par endroits.

— Non, je n'ai pas encore parlé à ma sœur, souffla-t-elle excédée. La réponse te convient, « Nessie » ?!

Elle insista fortement sur le surnom trouvé la veille par Leeroy. Ce dernier ricana. Pourtant, Nestor ne réagit pas tout de suite. Au contraire, chose exceptionnelle, il lui sourit et déclara :

— Elle me convient tout à fait. Merci pour cette réponse, Stéphanie.

Aussitôt, le visage de Teffie s'empourpra de rage. S'il existait bien un affront qu'il valait mieux éviter de commettre avec la petite blonde, c'était de l'appeler par son véritable nom. Nestor se réjouissait de cette provocation réussie, comme une juste vengeance.

— Tu le regretteras, fulmina Teffie, écarlate. Tu le sais.
— C'est ça.

Leur dispute fut interrompue par le retour de Tetsuya, qui donna à Kate l'emploi du temps approprié. Mais il était surtout accompagné par l'élève de Durmstrang, qui restait debout, les bras contre son corps.

— Les gens, je vous présente Sigrid, annonça Tetsuya, comme s'il présentait un show télévisé. Comme vous le savez, elle vient de Durmstrang, elle est Suédoise, et je lui ai proposé de nous rejoindre pour le déjeuner !

L'expression fermée de Sigrid n'encouragea personne à se présenter de manière aussi joviale que Tetsuya. Seule Kate, qui tentait de faire bonne figure malgré sa fatigue, lui adressa la parole, courtoise :

— Bienvenue à Poudlard, Sigrid. Je t'en prie, viens t'asseoir !

Elle se poussa sur le banc pour lui faire de la place, décalant son verre de jus de citrouille. Sans un mot, sans un remerciement, Sigrid s'assit et son mutisme froid rappela à Kate une autre vieille élève issue de Durmstrang : Irina Ivanov.
Cependant, elle se rendit compte bien vite qu'elle s'était méprise, car Sigrid se tourna vers elle et lui demanda :

— C'est tö qui t'es évanoïe hier sör ?

Kate écarquilla les yeux et bredouilla :

— Euh, oui, c'est moi... ! Désolée pour le spectacle... Ce n'était pas vraiment voulu.
— Quö t'es arrivé ?
— Ca m'arrive souvent, expliqua Kate, évasive. Des maux de têtes, fréquents.

Sigrid hocha la tête, mais la Papillombre se douta qu'elle avait deviné une part de vérité dissimulée derrière ses dires. Alors, elle décida de changer de sujet.

— Alors comme ça, tu viens de Durmstrang. C'est où exactement ?
— Personne n'a le dröt de le dire. Mais c'est dans le Grand Nord. L'hiver, il fät nuït durant toute la journée. Et l'été, l'inverse. Mais c'est une école très différente de la vôtre.
— Ah ?
— Plus petite. Mäs avec beaucö de nationalités.
— Comme ?
— Suédös, comme mö. Finlandäs. Dannös. Allemands. Polonäs. Autrichäns. Tchèques. Russes. Bulgares. Ukränians. Römäns... Bref. Beaucö.
— Je vois ! Ça doit être super intéressant ! Riche de cultures ! Et vous parlez quelles langues, entre vous ?
— Ca dépend. Parfös la nôtre. Parfös angläs. Je connais un peu de dannös. Car certäns de mes amis sont dannös.

Parler de son école semblait l'ennuyer au plus haut point. Alors Kate tenta un sujet plus palpitant encore, de son point de vue :

— Tu connaissais Wolffhart ? Le professeur qui t'a accompagnée, hier soir.
— Wolffhart ? Qui ne le connäträs pas ?

En constatant les mines interrogatrices de tous les Papillombre autour de la table, Sigrid devina clairement la réponse et hocha la tête avec un rictus. Elle marmonna quelques paroles dans sa langue natale. Ce qui fit réagir Tetsuya, les traits tout à coup plus crispés :

— Euh... nous ne sommes pas stupides... !
— Depuis quand tou parles le souédois, ti ?! s'exclama Eibhlin.

Embarrassée, Sigrid chercha immédiatement à s'expliquer :

— Non, c'est juste que... il est très célèbre chez nös !
— Célèbre ? répéta Nestor, qui n'était pas sûr d'avoir bien entendu. On parle du même type qui métamorphose la moitié de l'école ? Qui crie plus qu'il n'enseigne et dont le hobby est de rabaisser tout le monde ?
— Je sais qu'il a été élève à Durmstrang, ajouta Kate. Il y a très longtemps. Qu'il a beaucoup voyagé et qu'il a été avocat dans la cour magique européenne de justice. Mais je n'en sais pas plus...

Tous fixèrent Sigrid, qui décida de se racheter pour les avoir traité d'idiots de manière détournée :

— Il a eu un grand rôle chez les Silberfalken.
— Les quoi ? demanda Rose.

Tetsuya en avait la bouche bée.

— Vraiment ?!
— C'est q-q-qui les Silb-Silberfalken ?
— Les faucons d'argent ! Un groupe de résistants sorciers pendant la seconde guerre mondiale ! Un peu comme l'Ordre du Phénix il n'y a pas si longtemps. Les Silberfalken possédaient tout un réseau et tentaient de démanteler les toiles magiques autour de la situation moldue. Beaucoup d'événements sont encore flous. On sait que la fin de la guerre concorde avec la défaite de Grindelwald, par Albus Dumbledore. Mais Grindelwald était soutenu par bon nombre de sorciers qui voulaient voir les moldus s'entretuer et ainsi prendre le pouvoir sur eux.
— C'est horrible !
— Pour les combattre, les Silberfalken se sont organisés mais devaient agir en secret. Même sorciers, ils ne faisaient pas le poids à dix-vingt contre tout un peuple moldu prêt à conquérir l'Europe.
— Et donc Wolffhart a été l'un d'entre eux.
— Je me rappelle que quelqu'un avait posé la question en classe, lors de mon premier cours de métamorphose, se souvint Kate. Il avait refusé d'y répondre.
— Aye. Maïs qu'est-ce qu'il a faït de si spécial ?
— Déjà, il a survécu à la guerre. Mais il a détörné beaucoup d'attaques. Dont une sur Durmstrang. Sans lui, mon école serät devenue une usine à sorciers meurtriers, sös le contrôle du Reich. Et là, ça aurät été une catastrophe...
— J'imagine.

Teffie soupira :

— En attendant, l'autre, avant, il n'en était pas loin, avec Poudlard. Je n'ai pas compris pourquoi il n'en a pas plus profité, justement, d'avoir pu contrôler l'école.
— Le directeur temporaire protégeait les élèves, c'était un agent double.
— Mais tu imagines ? Contrôler, même sous Impérium, je m'en fiche, des centaines d'élèves, déjà, ça fait une méga pression sur les parents, mais surtout, c'est super puissant !
— La guerre est derrière nous, maintenant, souffla Kate. Et espérons qu'il n'y en est jamais de nouvelle...

*** *** ***

Le premier cours de la journée de Kate ne fut pas une matière de tronc commun. Car elle allait commencer chaque semaine par son cours hebdomadaire d'Arts et Magie. Grimpant dans la tour, elle entra dans la salle lumineuse, rendue colorée par tous les voiles qui laissaient passer la lumière en la teintant de mille couleurs. Miss Sheencloth, assise sur son haut tabouret, devant sa grande ardoise, lisait un tout petit grimoire et adressait ses salutations aux nouveaux arrivants avec un sourire radieux. Elle portait pour ce jour de rentrée une robe créée à partir d'éventails écarlates et irisés de dentelle. Sa coiffe était agrémentée de roses de même teinte, le bouquet encerclé de lierre qui descendait le long de son cou et de son dos, comme une queue de cheval végétale.
Kate prit place à une table double libre, répondit dans un murmure à son enseignante, et commença à déballer ses affaires. Elle fut rejointe quelques minutes plus tard par son petit ami, qui partageait les mêmes options qu'elle. Cette arrivée la fit sourire, puis ils s'embrassèrent sans chercher de discrétion, avant d'échanger leurs premiers mots :

— Tu vas mieux ? lui demanda Griffin.
— Oui. Ce n'était rien.
— Certaine ?

Les paroles de Mrs Keeper, la psychomage, lui revenait à l'esprit. Elle devait être aussi claire que possible avec lui au risque de l'éloigner et de le perdre.

— L'Immatériel. Ça m'agace. Il débarque à des moments complètement aléatoires. Et je ne voulais pas... Enfin, quand je le retiens, je sens qu'il force. Et ça me fait mal à la tête.
— Tu ne sais pas ce qui cause cela ?
— Aucune idée... Il n'y a pas de facteur. Une fois quand j'étais tranquille, l'autre dans mon bain, puis à Woodswand... et hier.
— À Woodswand ? Quand ?
— Dans la maison hantée.
— Et tu ne m'as rien dit ?
— Je ne voulais pas gâcher notre bon moment. Désolée...

Griffin lui pardonna son silence d'un sourire et Kate attrapa sa main. Puis, lorsque la classe fut quasi-pleine, Griffin lança un autre sujet de conversation :

— Ça va bien changer, cette année. Sans l'intello qui lève le bras à tout bout de champ !
— Arrête de dire du mal d'Emeric, s'il te plaît. Grandis un peu.
— Et arrête de le défendre, je n'aime pas ça.
— Tu n'as rien à craindre, il n'est pas là, le rassura Kate. Et puis même si c'était le cas, il ne serait pas un grand danger pour toi.

Elle se pencha vers lui et murmura à son oreille :

— Parce que c'est toi que j'aime et personne d'autre.

Leur tendre conversation fut interrompue par le début du cours de Mrs Sheencloth, qui n'avait pu s'empêcher de leur dédier un clin d'œil complice en remarquant leur affiliation désormais confirmée.

— Bonjour et bienvenue, mes chers élèves. Je suis tellement heureuse de vous revoir après un si long été ! Un été chaud, mais ô combien inspirant, vous n'avez pas trouvé ? Je me doute que vous avez dû en profiter, faire de beaux voyages, bref, remplir votre esprit de douces images. Mais il est hélas temps de reprendre. Aujourd'hui, un bref cours introductif sur le programme de cette année. Quelqu'un peut-il très vite me récapituler ce que nous avons étudié durant ces deux dernières merveilleuses années passées ensemble ? Oui, miss Hatcher ?
— En troisième année, nous avions vu les portraits. Puis en quatrième, les fresques et les statues.
— Parfait ! Ça commence très bien pour vous ! J'accorde cinq points à Poufsouffle ! Quelqu'un aurait une idée du thème de cette année, alors ? Mr Fittle, à vous.
— Euh, je ne sais pas, les photographies ?
— Hélas non. Oui, je sais que ça vous déçoit, miss Simmons, mais nous réservons cela pour notre septième année. Peut-être que miss Whisper détient la réponse ?

Rabaissant sa main, Kate suggéra :

— La musique ? C'est un art, aussi.
— En effet, mais non plus. Navrée. Hm. Pas d'autre proposition ?

Elle désigna à tous son petit livre en cuir vert et aussitôt, quatre nouvelles mains se levèrent.

— La littérature, professeur ?
— Exactement. La littérature sorcière. Et nous aborderons également les gravures qui les illustrent. Quelqu'un peut me citer un livre célèbre de la littérature sorcière ? Pourquoi pas... allez-y miss Simmons.
— Les contes de Beedle le Barde.
— En effet. Bien que ce soit un livre à destination des enfants, ce recueil a été reconnu comme une œuvre pionnière. Une autre ?
— Miss Dawson ?
— Également.
— Excusez-moi, professeur. Ça raconte quoi, ce livre ?
— Miss Dawson ? C'est un livre qui a été écrit au cours du XIXesiècle. Et qui a essuyé maintes controverses. Car en premier lieu, il a été rédigé par une sorcière, alors que ces choses étaient alors réservées aux hommes, à l'époque. On laissait aux sorcières d'autres spécialisations, comme les potions, l'astrologie, mais comme vous l'aurez remarqué, l'histoire retient sinon assez peu de noms de femmes lorsqu'il s'agit de culture, et ce jusqu'à notre époque. Mais surtout, par le thème qu'il traite. Ce livre raconte l'histoire d'une jeune sorcière, Mary, qui descend d'une lignée de sorciers de Sang-Pur. À l'époque, nombre de critiques attestaient qu'elle parlait de manière détournée de la grande famille des Black. Car il est question de lignage entre cousins et autres insanités pour maintenir la pureté du sang...

Cela dégoûta quelques élèves, étrangers aux coutumes sorcières pour tenter de préserver la magie au sein de leur famille, sans qu'une seule goutte de sang moldu ne les atteigne.

— Les parents de Mary cherchent donc à la marier, elle et ses sœurs. Entre autre, ils veulent lui faire épouser le grand duc du Middle East, Lord Saddler. Mais refusant une telle alliance, Mary s'enfuit du château de ses parents, seulement armée de sa baguette, dans l'espoir de se reconstruire une nouvelle vie. Résidant dans une petite chaumière de campagne, elle se fait connaître comme guérisseuse et vit heureuse, malgré la perte de son rang social. Elle fait entre autres la connaissance d'un herboriste, le jeune Thomas, qui la fournit en herbes. Lui aussi est sorcier. Mais c'est un né-Moldu qui n'a jamais cherché à s'intégrer dans la société des sorciers. Une idylle commence à se construire entre eux. Sauf qu'un jour, Lors Saddler retrouve Mary et décide de la ramener chez elle. Et... je ne vous dévoilerai pas la suite ! Vous lirez pour en savoir plus !

Mrs Sheencloth interrogea alors les autres élèves sur leur culture générale en matière de livres et les survola. À la fin du cours, elle transmit à chacun une liste d'histoires à lire d'ici la fin de l'année scolaire. Ce qui découragea bon nombre d'entre eux. Kate ne s'en plaignit pas. Au contraire, Mrs Sheencloth avait bien choisi le programme, compte tenu de leurs examens de fin d'année. S'accorder une pause lecture entre deux révisions de BUSES lui ferait le plus grand bien.
Puis, ils descendirent de la tour et traversèrent toute l'école pour se rendre en cours de métamorphose, où ils retrouvèrent leur classe en entier. Le même schéma de conversation se reproduisit quand Kate se plaça à côté de Maggie :

— Hé, ça va ? Tout le monde a cru que tu allais encore nous faire une crise hier !
— C'est bon, c'est calmé.
— Je n'aime pas ça du tout.
— Moi non plus, mais que veux-tu qu'on y fasse ? Si jamais je fais un pas de travers, ils me renverront de Poudlard.
— Ils ne pourraient pas.
— Si, ils le peuvent. Ron me l'a dit. Il paraît que les négociations ont déjà été tendues, avant de tourner en ma faveur... Alors je préfère éviter les bêtises.
— En parlant de bêtises, qu'est-ce que tu as fait pour qu'il soit dans cet état ?

Kate se retourna pour suivre le regard de Maggie et recula subitement sur sa chaise en voyant Ron se précipiter vers elle avec un air furieux. Il plaqua ses mains sur la table et se pencha devant elle.

— Je peux savoir à quoi tu joues ?! Ça fait des heures que je te cherche ! Tu n'étais plus à l'infirmerie !
— Il fallait bien que j'aille me laver, puis distribuer les plannings. Aller en cours... ! Je n'allais tout de même pas restée enfermée !
— Je serais venu ! C'était prévu !
— Je ne supporte pas être cloîtrée dans un endroit ! On a dû t'expliquer pourquoi !
— Ça suffit !

Le ton haussé de Ron, qui avait attiré l'attention vers eux, coupa la parole de Kate.

— Je suis là pour te protéger ! C'est mon job ! Si tu me mets des baguettes dans les roues, je te préviens, ça va mal se passer ! Surtout pour toi ! Je te rappelle qu'Hermione a fait des pieds et des mains pour que tu sois ici, aujourd'hui, alors respecte tous les efforts qu'elle a fait pour toi et tiens-toi à carreaux !

Morte de honte de s'être ainsi fait passer un savon devant toute la classe, Kate se contenta de hocher la tête avant que Ron ne s'éloigne, toujours avec un regard énervé, et ne prenne place plus loin. Décidant de lui changer les idées, Maggie sortit de son sac une longue liste.

— Tiens, dis-moi un peu ce que tu en penses !
— Qu'est-ce que c'est ?
— Tous mes plans pour gagner mon pari !
— Mais... il y en a des dizaines !
— Au moins un par jour ! Je dois diversifier mes angles d'attaques !
— « Sortir sans culotte sous la jupe ». Maggie, tu es sérieuse ? Même toi tu n'y arriverais pas ! Tu aurais trop peur de passer dans un courant d'air ! Et puis, c'est pas comme ça que tu arriveras à avoir Terry ! Au contraire, tu risques de le faire fuir ! Et il va le voir gros comme un dragon que tu fais ça uniquement pour le pari. Non, il faut que tu sois plus sournoise. Que ça paraisse naturel.
— Depuis quand tu estimes avoir la science infuse sur le sujet ?
— Peut-être depuis que tu t'es persuadée hier que moi et Griffin on y arriverait avant vous ? Donc qu'on aurait une longueur d'avance sur vous ?
— N'importe quoi, nia Maggie en rangeant le parchemin, la mine renfrognée et le nez bien haut.

Dès que les élèves entendirent des pas dans l'escalier, un silence de plomb retomba dans la classe. Et Wolffhart apparut dans la pièce depuis la porte jouxtant son immense orgue. D'un geste de baguette magique, il fit léviter la craie reposant sur son bureau et la fit voler jusqu'au tableau pour marquer le titre du cours, sans introduction de quelque sorte. Le mot « animagus » apparut alors. Par instinct de survie, plusieurs mains courageuses se levèrent et Wolffhart déclara alors :

— Moi qui allais demander qui avait égaré son cerveau durant ces vacances ou l'avait fait cramer au soleil... Genau. Cela explique tout.

Les braves baissèrent leurs bras, se doutant que Wolffhart n'allait pas commencer l'année scolaire sur quelques encouragements.

— Quelqu'un peut-il me définir un Animagus ?

Les mêmes mains se levèrent et le regard de Wolffhart foudroya la jeune Kate, qui affichait un sourire sournois. Non, il ne lui accorderait pas ce plaisir.

— Miss Miller ?
— Un animagus est un sorcier qui peut prendre la forme d'un animal, indépendamment des facteurs environnementaux, sur libre choix de sa conscience. Un sorcier ne peut adopter qu'une seule forme d'animagus, car cela demande beaucoup de temps pour apprendre à maîtriser ce type de métamorphose.
— Gut. Und...

Wolffhart s'interrompit en entendant de graves ricanements. Toute la classe se retourna, craignant pour la vie du malheureux qui avait osé se faire remarquer. C'est alors que Kate remarqua la présence de Sigrid au fond de la classe.

— Quelque chose à ajouter, Fräulein Söderberg ?
— Excusez-moi, professeur, mäs... les animagus ne sont enseignés qu'en cinquième année, ici, à Pödlard ?

Wolffhart étendit sa colonne vertébrale, le rendant plus grand encore. Et son silence incita Sigrid à poursuivre ses explications :

— À Durmstrang, cela nös est enseigné en trösième année. Et certains d'entre nös mätrisent déjà le sortilège.

Des murmures impressionnés parcoururent la salle de classe. Alors, lentement, Wolffhart descendit de son estrade et avança dans les rangs, pour s'approcher de Sigrid.

— Je ne doute pas une seconde de la réputation de cette école que j'ai moi-même fréquentée par le passé, Fräulein. Les élèves de là-bas possèdent de grandes connaissances dans des domaines bien précis. La métamorphose, la magie noire, la fabrication de potions... Aber, vous savez, il y a une chose que mes élèves connaissent contrairement à vous.

En distinguant son expression glaciale, Sigrid fit aussitôt disparaître son sourire crâne et déglutit de malaise.

— Cette chose, das ist le respect.

Après lui avoir fait comprendre quelle était sa place, Wolffhart s'éloigna, les élèves penchant du côté opposé comme cherchant à éviter sa présence proche de peur de l'effleurer et d'en récolter les représailles. Sigrid restait plantée sur sa chaise, bouche bée, incapable de répliquer.

— Mais puisque vous êtes si prompte à étaler votre science, Fräulein Söderberg, peut-être nous indiquerez-vous la manière dont on apprend à devenir un Animagus. Et si c'est à la portée de chacun. Quelles sont les particularités d'une telle métamorphose.
— La transformation en Animagus est l'une des seules qui n'a pas besön d'un sortilège. D'une formule. Car la préparation consiste en fät à modifier notre programme celluläre.
— Le quoi ?
— Herr Ledger, j'ai soutenu il y a pas moins de deux minutes l'espoir que vous, britanniques, ayez l'once d'une courtoisie, alors faites-en sorte de ne pas me donner tort au risque d'amèrement le regretter. Ist das klar ?

La craie enchaîna les mots inscrits au tableau, tandis que les plus assidus commençaient déjà à prendre des notes.

— Ce que veut dire Fräulein Söderberg, c'est que l'apprentissage pour devenir Animagus modifie ce qu'il y a en nous. Les scientifiques moldus parlent d'ADN, ce terme fait résonner un semblant de souvenir dans vos têtes creuses ? Aussi, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Quelle est la première étape, Fräulein Söderberg ?
— Tröver un animal correspondant.
— Nein. La première priorité, avant toute chose, est de savoir si on en est capable. Même avec des années d'essai, certains sorciers ne parviendront jamais à devenir animagus. C'est une tâche exigeante, qui demande de grandes capacités. Si on a beaucoup de mal à transformer une personne, autre que nous-même, en animal, il est inutile de penser que vous pourrez en faire de même sur votre propre personne, sur le long terme et sans recours à votre baguette magique. Ensuite, tatsächlich, il faut choisir un animal qui puisse nous correspondre. Les sorciers les plus expérimentés peuvent décider de n'importe quelle forme. L'étude de l'animal en question doit être extrêmement minutieuse. Analyser chaque partie de son anatomie pour s'en approcher au maximum.

Sur ses mots, la craie commença à dessiner au tableau un croquis de renard, le décomposant avec son squelette et ses muscles.

— Je vous donne quinze minutes pour me marquer un maximum d'éléments à retenir sur cet animal pour travailler une métamorphose en ce dernier. Celui qui en répertoriera le moins en fera lui-même l'expérience.

Ne prenant pas les menaces de Wolffhart à la légère, tous les élèves se saisirent d'un autre parchemin vierge pour dresser la liste de ce que le renard leur inspirait.

— Est-ce que l'haleine compte ? murmura Maggie à Kate.
— Sûrement !

Elles continuèrent un moment, avant que Kate ne demande à Maggie :

— Vous avez fait quoi, du coup, hier soir ?
— Rien de spécial. J'aurais bien voulu tenter de faire perdre le pari à Diggle, mais il a prétendu devoir aller dans sa salle commune pour la fête de la répartition. La belle affaire.
— Et au dortoir ? Comment ça se passe ?
— Mon matelas a été mis par terre devant la porte. J'ai cru comprendre le message.
— N'importe quoi ! Il faut que Scarlett comprenne que tu n'y es pour rien ! Ce n'est pas toi qui as réclamé à être préfète !
— Je vous dérange, vielleicht ?

Les deux filles se raidirent de frayeur en entendant la voix de leur professeur si proche derrière elle. Il avait dû s'approcher durant leur conversation sans se faire remarquer.

— Montrez-moi votre travail.

Il arracha le parchemin de Maggie, plaqué sous la main de cette dernière, qui hoqueta de surprise, sans parvenir à rétorquer. Wolffhart lut ses recherches avec beaucoup de suspicion.


- Un museau
- Des poils roux (comme Weasley, aha, pauvre renard)
- Une queue (comme Weasley aussi, hélas)
- Des dents un peu pourries
- Des griffes pleines de terre
- Des yeux pour voir dans le noir (ça, ça serait cool !)
- Une haleine dégueulasse (hé, tu crois que Wolffhart pue de la gueule quand il est métamorphosé en chien ?)
- Une bonne dose de couardise
- L'envie de manger des poules
- Taille moyenne
- Des genoux à l'envers... ? Comment on peut dire... Retournés quoi.
- Petites oreilles perfides (comme celles de Rosier)
- Le besoin de se planquer dans des terriers
- Taches blanches
- Ça fait du bruit, un renard ?



Pendant qu'il lisait, Maggie restait statufiée. Pour avoir jeté un œil sur son travail, qu'elle lui avait désigné quelquefois, Kate savait fort bien ce qu'il y était marqué et restait dans une même position. Lentement, sans détacher son regard du parchemin, Wolffhart passa devant leur bureau, puis, après en avoir terminé la lecture, le reposa devant Maggie.

— Gut. Je crois que vous vous êtes désignée volontaire, miss Dawkins, déclara-t-il en sortant sa baguette magique, un sourire vengeur s'étirant sur ses lèvres.

Maggie ferma les yeux et s'attendit à recevoir le châtiment quand :

— Stop, professeur !

Plus loin dans la classe, Terry s'était levé pour s'opposer à cette punition, qu'il estimait injuste, sans pourtant en connaître les griefs. Toute la classe retint son souffle, alors que Wolffhart avait interrompu son geste. Cela allait sûrement lui coûter cher.

— Vous ne pouvez pas faire ça !
— Et pourquoi donc, Herr Diggle ? Je suis le professeur de cette classe, jusqu'à preuve du contraire.
— Selon le règlement, vous n'avez pas le droit de métamorphoser un élève. Surtout pas sans son consentement. C'est inscrit dans la charte commune aux préfets et aux enseignants.

Son intervention intéressa Wolffhart, qui s'éloigna du bureau de Kate et Maggie, un court moment sorties d'affaire.

— Il me faut menacer votre Freundin pour que vous me ressortiez quelque chose que vous avez lu ? Hm. Je devrais tester cela avant chaque évaluation, vérifier que cela ne pourrait pas vous donner enfin des résultats décents.

Terry maintint son regard ferme et déterminé, face à un Wolffhart de plus en plus suspicieux, qui guettait ses réactions. Mais le jeune homme ne cédait pas à la crainte que pouvait lui inspirer son professeur, alors que tous les élèves s'étaient graduellement affaissés sur leurs tables, au cas où un sortilège fuserait. La déclaration de Wolffhart en ébahit plus d'un :

— Rasseyez-vous, Herr Diggle.

Des échanges de regards et de réactions épatées circulèrent mais furent abrogées par la nouvelle prise de parole de Wolffhart :

— Mais pour la peine, pour le prochain cours, vous devrez me faire la démonstration d'un sortilège de métamorphose sur la personne de votre choix. Si vous commettez une erreur, ich versichere Ihnen, vous écoperez d'une retenue dont vous vous souviendrez toute votre vie. Malgré tout, je retire dix points à Gryffondor.

Soulagée de n'avoir été qu'à l'origine d'une perte de points, Maggie souffla, encore tremblante, et leva un regard de gratitude à Terry, qui se rassit sans autre remarque. L'étude du renard poursuivit son cours jusqu'à la fin de l'heure. Mais alors que tous quittèrent la classe, Wolffhart retint le Poufsouffle :

— Herr Diggle, quelques mots, bitte.

Terry soupira pour se redonner du courage et demanda à ses amis de ne pas l'attendre pour manger dans la Grande Salle. Quand ils se retrouvèrent seuls, Wolffhart l'invita à le rejoindre sur l'estrade, s'asseyant dans sa grande chaire de professeur.

— Quel billywig vous a piqué, Herr Diggle ? s'enquit-il, ses doigts osseux liés devant sa bouche.
— Mag-... Miss Dawkins n'était pas en tort. Vous vouliez la punir de manière arbitraire.
— Votre Freundin n'est pas aussi sainte que vous le prétendez, Herr Diggle. Nombre de professeurs n'auraient pas hésité à lui coller une retenue exemplaire pour ce qu'elle a marqué sur ce parchemin que je lui ai subtilisé. Entre autre, une mention concernant mon haleine.

Embarrassé, Terry ouvrit la bouche, mais Wolffhart reprit avant même qu'il n'ait le temps d'objecter quoique ce soit :

— Vous suivez des options ?
— Seulement l'étude des Moldus, professeurs.
— Vous n'en avez pas pris de nouvelle cette année ?
— Non. Je préfère consacrer le peu de temps libre qu'il me reste à réviser les matières principales.
— Oui, compte tenu des cours supplémentaires que vous dispense McGonagall...

Terry hocha la tête, plaquant son sac contre sa cuisse. Il espérait que l'information n'avait pas circulé au-delà du cercle des enseignants. Il était déjà parvenu à s'éclipser la veille, donnant une excuse valable à Maggie, qui y avait cru. Il détestait lui mentir, mais c'était pour la bonne cause.

— Avez-vous une idée de votre orientation, après les BUSES ?
— J'aimerais bien déjà avoir mes BUSES... !
— Vous êtes le seul à en douter, Herr Diggle. Vous avez les capacités d'aller loin.
— Mes résultats sont moyens.
— Vous savez invoquer un patronus depuis que vous avez quatorze ans et ce que vous apprend le professeur McGonagall n'est pas non plus à la portée des sorciers de votre âge. Vous démontrez une certaine force de caractère.

Son compliment inattendu fit bredouiller Terry :

— M-merci, professeur. Mais ça ne change rien à...
— Avez-vous songé à devenir avocat ?
— Devenir... ?

Cette fois, il ricana :

— Je ne pense pas que ça soit à ma portée ! Honnêtement ! C'est trop prestigieux. Et je...
— Dennoch. Vous savez prendre la parole sans ciller. Aujourd'hui n'est pas la première fois que vous en donnez la preuve. Vous savez prendre la défense de vos camarades. Mais aussi les raisonner avec des arguments solides. Votre promotion en tant que préfet n'est pas anodine. Et votre mémoire a l'air efficace quand vous y mettez du cœur. Dans ces moments, vous êtes prêts à affronter n'importe qui. Moi y compris...
— Je ne suis pas certain de tout cela, professeur. Je ne suis pas fait pour être...
— Demain, 16h. Soyez présent.

Après que Wolffhart eut clôt le sujet, l'enseignant se leva et quitta la pièce par la petite porte arrière, sans aucune salutation ou dernier regard. Terry demeura coi un instant, laissé seul dans l'immense salle de classe. Puis, il descendit de l'estrade, un semblant de sourire d'incompréhension fiché sur son visage. Wolffhart venait de planter une graine dans son esprit, une graine qui n'allait pas tarder à germer.

*** *** ***

Le reflet de ses yeux bleu-vert l'hypnotisait. Comme si eux seuls demeureraient immuables, par-delà les âges. Kate lui avait bien fait remarquer la veille : depuis leur première rencontre, Maggie avait bien changé. Et quelque part, cela lui faisait peur.
Un bruit de chasse d'eau résonna et quelques heurts et « aïe ! » plus tard, Kate sortit de sa cabine en étirant les bras.

— Je sens que je vais de plus en plus me réjouir d'aller aux chiottes ! rit-elle. Le seul endroit où Weasley ne peut pas me suivre ! La liberté !

Elle rejoignit Maggie et lava ses mains tandis que la Gryffondor continuait de se dévisager dans le grand miroir.

— Encore un autre Basilic qui traîne dans les toilettes ? se soucia sa meilleure amie.
— Juste que... on va continuer à vieillir, Whisper.
— Euh, oui, Maggie. C'est le principe de la vie, en fait.
— C'est terrible.
— On en est pas encore là, Maggie.
— Peut-être. Mais je ressemble déjà de plus en plus à ma mère !
— En effet. Tu as les mêmes traits qu'elle. Mais bon, tu n'es pas elle pour autant ! En tout cas, si tu veux me prêter un peu de ta vieillesse, j'en veux bien. Parce que si ça continue, à ce rythme, d'ici deux ans, on taxera Griffin de pédophile !

La plaisanterie ne fit pas rire Maggie, qui attrapa son sac de cours à ses pieds. Cette fois, Kate accorda plus d'importance à ses tourments :

— C'est vraiment vieillir qui te fait peur à ce point ?
— Non... Plus savoir si les choses... resteront pareilles. Est-ce qu'on restera amies, toi et moi. Si je continuerai à sortir avec Terry. Est-ce qu'il acceptera que je change, physiquement. Et inversement !
— Évite de te projeter aussi loin et profite du moment présent !

Puis, Kate attrapa ses épaules avec assurance pour la rapprocher d'elle.

— En tout cas, une chose est certaine ! Tu n'es pas prête de te débarrasser de moi !

Cette fois, Maggie en sourit et toutes les deux sortirent des toilettes du premier étage, devant lesquelles patientait Ron.

— Tiens, en profita Kate, tandis qu'ils descendaient à la Grande Salle, raconte-nous le mariage de Harry !
— Déjà, il ne s'est pas marié seul ! Ce n'était pas le « mariage de Harry », il y avait ma sœur dans le lot !
— Ah oui, j'en ai entendu parler, intervint Maggie. Mais les invitations étaient restreintes. Mes parents ont tenté d'obtenir des entrées.
— Euh, Maggie. Aller à un mariage, c'est pas comme aller au cinéma !
— Je ne sais pas ce qu'est un cinéma. Peu importe ! Dans la haute société, les mariages permettent de créer ou de renforcer son réseau. De monter des alliances, des partenariats. Au final, ça n'a plus rien d'un mariage, au sens traditionnel du terme.
— Charmant, commenta Ron. Non, ce n'était pas comme ça. Ils voulaient vraiment que des personnes importantes pour eux. Personne d'autre. Et sûrement pas de la... « haute société » ou des journalistes !
— Il y avait le dragon, finalement ?
— Wolffhart était présent au mariage ? s'indigna Maggie.
— Non, Charlie s'en est abstenu ! Fort heureusement ! Mais c'était bien sympa. Ma mère... oh, ma mère. Encore plus stressée que d'habitude. Mieux valait-il ne pas être dans les parages. Surtout quand ma nièce, Victoire, a renversé la pièce montée, avant de la présenter dans la salle !

Kate enchaîna alors sur une question sournoise :

— Du coup, ça a dû te donner des idées, non ?
— Des idées pour quoi ? s'interrogea-t-il, badaud. De catapultage de gâteau de mariage ?
— Non ! Ton mariage, à toi !

Les joues de Ron rosirent à tel point que ses taches de rousseur disparurent.

— Hermione et moi, on n'en est pas encore là ! On a tous les deux beaucoup de travail. C'est pas du tout dans nos priorités.
— Qu'est-ce que tu en sais ? Tu lui as demandé ?
— Euh... pas explicitement, mais je me doute ! Elle a le nez plongé dans ses parchemins ! Je me vois mal lui présenter une bague pendant qu'elle me pompe l'air en me récitant les lignes du Code Pénal Magique ! Quoique... peut-être que ça l'interromprait !

Se rendant compte que la bêtise qu'il disait là, devant les deux filles qui en ricanaient, Ron secoua la tête.

— Non ! Pour l'instant, non. On va... attendre que l'occasion se présente. C'est tout !

La journée se poursuivit et les élèves de cinquième année entamèrent leur après-midi avec un cours de botanique.

— Dites-moi que c'est un cauchemar, grimaça Maggie en jetant un coup d'œil au gros baquet que Neville avait posé sur la paillasse principale.

Celle-ci grouillait de plantes, entre le ver et la limace, noires et se tortillant en tous sens. Il y en avait là des centaines et elles dégageaient de fortes odeurs rappelant l'essence. Ce parfum ne déplut pas forcément à Kate, à qui ces fragrances mécaniques faisaient remonter en elle les longs périples dans la voiture de son père et de leurs arrêts dans les stations. Ancrée dans ses plaintes, Maggie prit place sur une paillasse différente que celle de Kate. Elles n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble dans cette matière. La partenaire de classe de la Papillombre pointa le bout de son nez quelques minutes plus tard.
À son image, Hygie Smethwyck n'avait pas gagné un nombre impressionnant de centimètres depuis sa première année. Cependant, son visage paraissait déjà bien plus mûr. Comme à son habitude, ses cheveux bruns légèrement frisés étaient assemblés à l'arrière de sa tête avec des baguettes et elle portait dans ses bras son livre fétiche : Mille herbes et champignons Magiques. Le grimoire avait été tellement lu que certaines pages étaient manquantes. La couverture en cuir était abîmée, écornée.

— Salut, Hygie. Hé, dis-moi, ce sont quoi ces trucs-là, dans le chaudron ?
— Ça ? s'enquit la petite Serdaigle de son habituelle voix chuchotée. Des bulbobulbs.
— D'accord. Fais-moi penser que je dois en glisser un dans le cadeau de Noël que je ferai à Maggie !

Hygie observa alors la mine dépitée de Maggie, chouinant auprès de Terry qui venait de la rejoindre.

— Passé de bonnes vacances ? lui demanda Kate en enfilant ses gants en cuir de dragon.
— Oui. J'ai travaillé.
— Ah, ce n'était pas des vraies vacances, alors.
— Travailler à l'hôpital, c'est pas un problème. J'aime beaucoup ça !

L'évolution de leurs conversations plaisait à Kate, qui se remémorait cette Hygie incapable de prononcer plus d'un mot à la fois du fait de sa timidité maladive.

— Du coup, tu dois être ravie de la nouvelle option ! Celle des soins magiques.

Dans les yeux d'Hygie brillèrent des milliers d'étoiles.

— J'ai hâte que ça commence !
— Tu sais qui il y aura, à part toi ?
— J'ai entendu dire que Curtiss était intéressée aussi. Mais... je ne... sais pas vraiment, en fait.
— Ça ne m'étonnerait pas.

Calypso Curtiss était connue pour être la meilleure élève de sa promotion en classe de potions. Mais aux yeux de Kate, elle incarnait surtout la sauveuse de son petit frère, Nestor. Quand ce dernier avait développé une leucémie, cette maladie du sang inconnue des sorciers qui lui avait valu d'être renié par son père, Calypso avait concocté en secret des produits imitant ceux des moldus. Si son père l'avait appris, elle l'aurait certainement regretté. Mais bien heureusement, cette histoire s'était bien terminée et aujourd'hui, Nestor foulait Poudlard comme tous les autres sorciers de son âge. Son intérêt pour les soins magiques allait donc de soi.
Neville avait mis à disposition des élèves de grandes palettes remplies de purin de dragon, dans lesquels ils devaient planter les bulbobulbs, dont il fit un court exposé théorique. Il les prévint entre autre du risque que les plantes, si elles étaient mal manipulées, pouvaient éjecter une sorte de pus qui provoquaient de fortes réactions sur la peau. Cet avertissement fut accompagné d'une remarque, que Kate soupçonna provenir de Maggie, alléguant que cette plante était sûrement la pire chose dans ce monde.

— Tu as des nouvelles d'Emeric ? demanda Kate à Hygie alors qu'elles commençaient à se mettre au travail.
— Pourquoi j'en aurais ? bredouilla Hygie.
— Tu es son amie. Vous êtes dans la même maison.
— Non. J'ai juste reçu une lettre, au début des vacances. Pour m'expliquer... c'est tout.
— Expliquer son départ ?

Hygie se contenta de hocher la tête. Malgré leurs efforts de planter les bulbobulb à la verticale, ces derniers ne cessaient de frétiller, ce qui compliquait leur tâche. Un Poufsouffle, qui n'avait pas pris garde aux giclures, fut la première victime et sa joue doubla de volume, marquée par de grandes plaques rouges. Neville l'envoya aussitôt à l'infirmerie.

— Il t'a expliqué ça comment ?
— Ce n'est... pas pour toi. Qu'il est parti.
— Ouais, c'est ça. Et moi, je suis gardienne des licornes.
— Il en avait besoin. Pour lui.

Cela ne convainquit pas Kate, qui ne rétorqua pas de suite, trop concentrée à ne pas se faire asperger par les bulbobulbs imprévisibles.

— Mais si tu veux savoir, demanda Hygie, pourquoi tu ne lui envoies pas une lettre ?
— Euh. Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, honnêtement ! Je suis certainement la dernière personne à laquelle Emeric aimerait penser, en ce moment.
— Mais ça serait réagir en amie.

Cette allusion, Kate la comprit de suite. Les sentiments d'Emeric à son égard n'étaient sûrement pas passés inaperçus aux yeux de la jeune Serdaigle.

— Tu... penses que je devrais lui envoyer un hibou ?
— Ça ferait du mal ?
— Je... euh... non, je ne pense pas.

Pour toute réponse, Hygie haussa alors les épaules et reprit sa tache sans alimenter davantage la conversation.
Plus loin, Maggie luttait pour ne pas s'enfuir en courant ou s'évanouir à force de retenir sa respiration. Seul le sourire de réconfort que lui lançait Terry de temps à autres avait le pouvoir de la rassurer. Alors, d'une voix timide, elle lui avoua :

— Je voudrais te remercier. Pour tout à l'heure. Avec Wolffhart. Quand tu as pris ma défense.

Quand Terry ricana, Maggie, désabusée, ne posa même pas sa question. Il l'éclaira alors :

— Maggie Dawkins qui me remercie avec des gants recouverts de bouse dragon... ! Je garderai ça en mémoire.
— Hé, dis-moi, tu le veux dans ta face, mon gant recouvert de bouse ?!
— Non merci ! Mais il y a pas de problème, ne me remercie pas. C'était normal. Si ton petit-ami ne prend même pas la peine de te défendre, je ne sais pas à quoi il servirait.
— J'aurais bien une idée, mais tu as un pari à remporter, hélas.

Ils partagèrent un sourire complice, avant que Maggie reprenne :

— Eh puis, quand même, devant Wolffhart ! Qu'est-ce qu'il t'a dit, après le cours ? Quand il t'a gardé dans la classe ?
— Oh... rien ! Il a juste redonné les conditions de sa punition... et puis, tu le connais ! Encore des menaces, tout ça !
— Diggle.
— Oui ?
— Tu mens. Essaie pas de me cacher des choses, tu en es incapable. Dis-moi !

Trahi par son honnêteté apparente, Terry souffla :

— Il voudrait que je suive ses cours optionnels de droit magique.
— Hein ?! s'étonna Maggie. Pour te torturer un peu plus ? C'est ça, sa punition ?
— Non, il pense vraiment que ça pourrait m'être utile. Il m'a demandé... si ça m'intéressait de devenir avocat, plus tard.
— Toi, avocat ?

Avant de se moquer, Maggie réfléchit à cette éventualité en tirant la moue.

— Hm, pourquoi pas. Ça gagne bien. Il faudrait au moins ça pour que mes parents t'acceptent.

Préférant ne pas aborder davantage le sujet de peur de déclencher de nouvelles querelles, Terry ricana puis embraya :

— En attendant, je dois maîtriser le sortilège pour la semaine prochaine.
— Celui de métamorphose ?
— Et je dois trouver un partenaire pour accepter ça.

Ses yeux tout à coup fixes délivrèrent leur message. Dans un premier temps, Maggie ouvrit une bouchée bée, puis leva un doigt pour protester :

— Non ! Non, Diggle ! Je refuse que tu tentes de me métamorphoser pour te remercier d'avoir empêché justement que Wolffhart en arrive à cette issue !
— Tu me dois bien ça ! Allez, Maggie. C'est juste un exercice... ! Si j'échoue... là, par contre, je serai mal !

Mécontente, Maggie s'affaira à sa paillasse avec précipitation. Puis elle grommela une phrase incompréhensible.

— Tu peux répéter ?
— Ouais... je le ferai. Mais c'est vraiment pour toi, Diggle ! Et personne ne doit être au courant de ça ! Compris ?
— Si on n'était pas en cours, sourit Terry, je t'embrasserais !
— Oui, bah tu attendras ! C'est pas le moment !

Ils plantèrent quelques bulbobulb (avec un s) avant que Maggie ne reprenne :

— Mais... quand tu veux qu'on fasse ça, tu commences à avoir un emploi du temps chargé, avec l'option, avec tes responsabilités de préfet...

Terry réfléchissait en rougissant, car elle ne prenait pas en compte d'autres obligations dont il ne l'avait pas prévenu. Ses gestes furent plus précipités.

— Je... euh... mardi ?
— Il y a entraînement de Quidditch. C'est prioritaire. Même sur les repas. Mercredi alors, dans ce cas.
— Euh, je ne peux pas. Je... en fait, Wolffhart veut que l'on parle un peu plus de l'option, donc il a demandé à me voir ce soir-là.

Maggie fronça les sourcils en le dévisageant. Terry connaissait ses piètres compétences de menteur, mais il ne devait rien dévoiler quant à ses cours avec MacGonagall. Car si Maggie l'apprenait, cela signifiait certainement que Kate en serait aussi au courant. Et ça, Terry ne pouvait se le permettre. Kate ne devait se douter de rien. Parce qu'elle lui en aurait beaucoup voulu.
Maggie haussa les épaules et régla alors la question :

— Bon bah jeudi, dernière chance. Ça devrait être bon pour toi !
— Oui, p-parfait ! bafouilla-t-il.
— À la bonne heure.


*** *** ***

Le soir qui conclut cette première journée éreintante, Kate l'accueillit comme une amie bienvenue. Sitôt arrivée dans la salle commune, elle s'écroula sur un pouf et jura de ne pas en sortir à moins d'une urgence vitale. Finalement la pagaille causée par la bataille explosive de trois première année eut raison de son serment et de sa patience. Elle décida alors de s'accorder son deuxième bain de la journée pour la peine.
Quand elle retourna dans sa chambre, cette dernière était vide. Mister Minnows avait dû sortir chasser quelques souris dans le château qui en était bien garni. Elle s'accorda quelques temps pour déballer et ranger ses affaires à leur emplacement habituel. En sortant ses rouleaux de parchemin et ses bouteilles d'encre, elle fut prise d'une soudaine envie, qu'elle réprima pourtant. Cette idée la poursuivait toujours une demi-heure plus tard, alors qu'elle cirait son Fuselune pour le préserver des effets du long voyage qu'il venait de subir. Mais ses yeux revenaient toujours sur les parchemins et sur l'encre, disposés sur son bureau. Elle craqua.
Après avoir trempé sa plume dans l'encre, Kate prit quelques minutes pour réfléchir aux mots à employer. Puis, elle se jeta à l'eau.

Emeric,

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now