Chapitre 27 - Un rêve de fondateur

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— Les pulls, c’est bon… Mince ! Où est passée mon autre paire de chaussures ?!

Saisie d’une petite panique, Kate fouilla de nouveau sa chambre, qu’elle avait pourtant passée en revue une dizaine de fois ce matin-là, avant de se pencher pour vérifier sous le lit. Sa trouvaille fut consternante : Mister Minnows ronronnait tout en mâchonnant le coin de l’un de ses souliers. Mais en devinant le courroux grandissant de sa maîtresse, il se pétrifia et fit mine de ne pas être responsable de ce fait, sa queue touffue ratatinée par l’étroitesse de l’endroit.

— Ca suffit tes bêtises, Mister Minnows, rends-moi cette chaussure !

Lorsqu’elle tendit la main pour la récupérer, le félin ne chercha à se défendre et se carapata pour bondir sur le plancher et se jucher à la fenêtre, le poil gonflé. Ce que ce chat pouvait être idiot lorsqu’il se laissait gagner par ses instincts primaires d’animal stupide ! 

— Kate, on va bientôt manger.

L’arrivée impromptue de sa mère la surprit et elle se cogna la tête contre une latte en cherchant à se relever trop précipitamment. Abby en lâcha un gazouillis.

— Tu t’es fait mal ? se soucia Grace en s’approchant de sa fille alors qu’elle se frottait la tête afin de vérifier qu’elle se saignait pas.
— T’inquiète, maman, j’ai l’habitude.

Abby, qui se trouvait dans les bras de sa mère, en profita pour attraper une tresse de sa sœur et commencer à la mettre en bouche tout comme Mister Minnows l’avait fait avec sa chaussure quelques secondes avant.

— Tu as bientôt fini tes bagages ? Tout est bon ? Ou tu as besoin d’aide ?
— Non, non, ne t’inquiète pas, maman, je vais m’en sortir, lui répondit-elle en récupérant discrètement sa tresse, face à l’incompréhension d’Abigail qui venait de la voir s’échapper d’entre ses doigts.
— Sûre ?

Grace jeta un coup d’œil aux affaires chaotiques de sa fille, dans une valise qu’il serait impossible de fermer, à moins d’y faire pression avant le poids d’un éléphant pour compresser le tout.

— Demande un coup de main à ton père, au pire.
— Je ne veux pas, scanda Kate, tout à coup, plus sèche. Je n’ai pas envie de son aide.
— Kate !

La main de sa mère lui avait agrippé le bras avant qu’elle ne se retourne. Même Abby semblait dévisager sa grande sœur avec un regard semblable.

— Qu’est-ce que je t’ai dit… Sois plus gentille avec lui. 
— Je t’ai raconté ce qu’il s’est passé, pourquoi tu dois toujours être de son côté ?! 
— Tu ne vas pas le revoir durant quatre mois.
— Et tant mieux !
— Kate, ça suffit maintenant ! s’éleva-t-elle. Réagis un peu en adulte si tu veux qu’on te considère comme telle !

Les mots de sa mère l’estomaquèrent. Grace n’était pas du genre à hausser le ton, encore moins à s’énerver aussi facilement. Kate ne cilla pas alors que sa mère quitta la pièce en lui rappelant que le repas serait prêt d’ici quelques minutes et qu’elle était attendue pour dresser le couvert. Le monde était décidemment contre elle… !


Le dernier repas en famille se déroula de la même manière que les deux précédentes semaines : dans une ambiance particulièrement tendue où demander le sel engendrait le risque potentiel de déclencher une guerre. Kate refusait d’adresser le moindre mot à Phil et Phil ne parvenait plus à parler comme il le faisait habituellement tant que Kate y répondait d’un soupir désespéré. Entre les deux, Grace commençait à ne plus pouvoir supporter ce fossé qui se creusait, elle-même assez stressée par son travail d’enseignante qui reprenait prochainement et le fait qu’il allait falloir confier Abby à une baby-sitter. Il était normal qu’elle se sente lésée d’être si peu considérée au milieu de cette guerre froide qui n’accordait aucun temps de répit. Il était temps que la rentrée fasse son effet.
Kate faillit accompagner la dégringolade de sa valise dans l’escalier, celle-ci explosant en un grand fracas en bas des marches. Cette fois-là, elle ne put refuser l’aide de son père qui se proposa de régler le problème, mais ne prit pas la peine de le remercier lorsqu’elle sortit les bagages sur les trottoirs. Car il était hors de question pour elle de monter dans la même voiture que lui et de supporter de nouveau un séjour londonien semblable à celui qu’elle avait dû endurer au début du mois. Elle avait goûté à la liberté et à l’indépendance, il était hors de question de lâcher prise maintenant.

Lorsque ce fut fin prêt, elle rejoignit sa mère qui n’était pas sortie, en chaussons sur le paillasson, qui faisait tressauter Abby dans ses bras, qui ne pouvait comprendre ce qu’il se passait.

— Tu n’as rien oublié, ma chérie ? se soucia Grace. 
— Non, maman, soupira Kate en souriant.
— Ta lettre de Poudlard ? Ton nouvel insigne ? Ton autorisation pour Pré-au-Lard que t’a signée ton père ?
— Oui, j’ai tout, arrête de t’inquiéter autant ! Ce sont les premières choses que j’ai mises dans la valise !
— Sûre ? L’année dernière, tu n’avais pas fait la fière quand tu t’es rendue compte que tu avais oublié une bonne moitié de tes chaussettes dans ta chambre, ici… !
— Promis, maman ! Et si jamais j’ai encore oublié un truc, vous me l’envoyez par hibou.
— Je ne m’y habituerai jamais à ce système… T’es sûr qu’ils n’ont pas de boîte aux lettres à Poudlard ? Comment ils font les parents des jeunes sorciers qui sont tous les deux moldus ?
— C’est une excellente question ! Vous devriez fonder une association et échanger vos astuces ensemble !

Mère et fille échangèrent un long regard tout en ricanant avant de s’étreindre, Abby profitant de cette proximité pour subtiliser de nouveau l’une des tresses de sa grande sœur avec une avarice non dissimulée.

— Tu vas me manquer, maman…
— Tu vas me manquer aussi… Mais profite bien de ton année. On se revoit à Noël.

Grace lui caressa la joue lorsqu’elles s’écartèrent l’une de l’autre tout en lui souriant, ce qui rassura Kate, avant que cette dernière ne remarque que ses cheveux avaient été de nouveau pris en otage.

— T’es vraiment une sacrée coquine ! rit-elle en récupérant sa tresse des petites mains d’Abby.

Avant que sa toute jeune sœur ne la boude, Kate se pencha vers elle et frotta son nez contre le sien. Les éclats de rire d’Abby resteraient gravés en elle. Ils n’avaient pas de prix. Et quand elle reviendrait, elle aurait encore grandi. Mais elle avait fait promettre à sa mère de lui envoyer des photos régulièrement afin qu’elle ne rate rien.

Quand Kate se retourna pour rejoindre le trottoir, elle ne fut pas fort aise de devoir rejoindre son père, qui l’attendait. Pourtant, lorsqu’elle arriva à ses côtés, vérifiant d’un dernier coup d’œil que la totalité des bagages était bien présente, la cage de Mister Minnows inclue, Phil ne cilla pas, les poings profondemment enfoncés dans ses poches.

— Bon, tu attends qu’il neige pour l’appeler, le Magicobus ? lui lança-t-elle d’une voix tranchée.
— Hé, t’as une baguette, t’as un bras, t’as un cerveau, t’as treize ans, tu te débrouilles ! répliqua-t-il sans relever une nouvelle fois le ton désagréable qu’elle avait employé à son égard. Je ne vais pas t’assister éternellement !

À la fois fatiguée, stressée et emplie de fierté, Kate déglutit en hochant la tête et sortit sa baguette blanche de la poche de son sweat noir. Cependant, le geste lui manquait. Comment fallait-il faire déjà ?

— Bon, tu attends qu’il neige pour l’appeler, le Magicobus ? répéta Phil sur le ton de la parodie.
— Aha, super drôle.
— Honneur à la créatrice, elle est débordante d’humour en ce moment.

Un temps, il observa sa fille tenter quelque chose, sans jamais l’initier. On aurait pensé que de la fumée sortirait de ses oreilles, tant son visage rougissait à vue d’œil.

— Pas besoin de réfléchir autant, c’est tout bête ! Faut juste lever ta baguette et l’agiter. Pas de formule, rien.
— C’est tout ?!
— Tu peux danser en même temps. J’aimerais bien voir ça. Mais le spectacle que tu viens de m’offrir surpassait déjà mes attentes !

Grommelant dans sa barbe, Kate ne tarda pas à s’exécuter. À peine eut-elle eu le temps de penser rétorquer à Phil que cela ne fonctionnait pas que l’énorme bus violet surgit de nulle part en un claquement de fouet. Son bond de surprise fut tellement violent qu’elle se cogna contre ses valises et fit tomber la cage de Mister Minnows qui en hurla. À sa manière. 

— Désolée, Mister Minnows, désolée ! se confondit-elle auprès de son félin, dont le poil gonflé remplissait la totalité de la cage, alors qu’il crachait à son encontre. 

Sur le seuil du 45 Owlstone road, Grace, qui avait assisté à l’arrivée brusque du bus magique, observait cela la bouche bée, avec laquelle tentait de s’amuser Abby en attrapant sa lèvre avec ses doigts imprécis. La portière s’ouvrit dans un bruit de dépression de vapeur.

— Bonjour ! Bienvenue à bord de… Hé ! Mais c’est Kate Whisper !

Dean Thomas, dans son uniforme, l’avait aussitôt reconnue. 

— Mister Whisper ! le salua-t-il en lui serrant la main, un sourire communicatif affiché sur le visage. Enchanté de vous revoir !
— Salut, euh…
— Dean Thomas.
— Ouais, salut Dean ! Même si c’est simple comme bonjour, je n’arrive jamais à retenir ton nom !
— Vous habitez ici ? se questionna Dean en observant les environs.
— En effet. Beaucoup de moldus, mais au moins c’est calme !
— C’est l’essentiel ! Avant, moi et ma mère, on habitait dans un immeuble entièrement moldu. Je rêvais d’une maison… ! Donc oui, ça a l’air paisible, et tant mieux pour vous !

Kate se redressa, tentant de rattraper sa maladresse, faisant mine que rien ne s’était passé, malgré son air encore un peu fébrile et son cœur battant.

— Prête pour ta rentrée ? l’interrogea Dean, enjoué.
— On va dire ça, oui… ! balbutia-t-elle en lui souriant maladroitement.
— Au moins, je sais où tu vas ! Vas-y, grimpe devant !

Il lui libéra l’accès aux marches pour qu’elle puisse monter dans le bus. Ce qu’elle fit sans réfléchir plus longtemps. À côté, Phil n’osa pas réclamer un dernier geste d’au revoir. Malgré leurs disputes, il savait ce que celui lui coûtait dès que sa fille aînée partait pour l’école des mois durant.

— Vous montez aussi, monsieur ? 
— Oh non, elle est assez grande pour se débrouiller toute seule ! Elle sait comment faire maintenant ! Elle a l’argent, l’autonomie… bref, je ne vais pas refaire la liste.
— Ah d’accord, mais…

Dean lui-même semblait surpris que Kate n’adresse pas le moindre mot de départ alors qu’elle portait la cage de Mister Minnows pour l’installer dans un endroit plus stable où elle ne risquait plus de se renverser.

— T’inquiète, mec. On s’est déjà fait des adieux larmoyants dans la maison, lui mentit Phil en jouant sur son ton de l’humour qui marchait si bien.
— Ah super ! Comme ça, on pourra partir plus vite !

Il s’occupa de charger les derniers bagages alors que Kate s’était installée sur un siège du côté où l’on pouvait apercevoir le perron de sa maison. Elle échangea avec sa mère des derniers gestes de la main. Puis adressa un seul dernier regard à son père, qui la fixait, avant que le Magicobus ne démarre en trombe et que la vision de son chez elle disparaisse en l’espace d’une seconde.

Ludo Mentis AciemOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz