Chapitre 75 - Les esprits corrompus

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En quelques minutes, Kate traversa les années. Les scènes défilèrent sous ses yeux, sans s'arrêter. Jusqu'à ce qu'une image commence à se figer. Elle reconnut l'endroit. Ces falaises d'Irlande. Ces étendues d'eau à perte de vue. Deux silhouettes tranchaient sur le paysage vert et cyan. Une cape violette, une autre bleu nuit. Cliodna et Maëva observaient l'horizon, captant les particules que leur renvoyait le vent marin. Cet endroit était devenu leur lieu de retrouvailles, de concessions. Combien de fois s'étaient-elles donné rendez-vous en ces lieux ? Des centaines.

— Cette histoire de chaudron te tracasse. Je me trompe, Maëva ?

La mine grave, Cliodna se tourna et observa le profil de son amie, ses cheveux roux soulevés par la bise comme des fouets flamboyants.

— D'où viennent ces artefacts ? Sont-ils l'objet de la magie ? Je me demande à quels desseins ils ont été créés. Et qui a pu être capable, par le passé, d'une telle prouesse.

— Voici là une drôle d'affirmation, provenant de la meilleure enchanteresse de notre siècle, ricana Cliodna, de sa voix grave et étirée.

— Certes. Mais cela signifie que d'autres l'ont fait avant moi. Penses-tu qu'eux aussi maîtrisaient l'Immatériel ?

— Probable. Nous ignorons tous les origines de notre magie.

— Les Moldus se demandent parfois qui, de l'œuf ou de la poule, est arrivé avant l'autre. Une interrogation qui s'applique aussi dans notre monde. Qui est apparu le premier ? Le sorcier ou la magie ?

— Nous n'aurons jamais la réponse, Maëva.

— Arthur m'a fait prendre conscience de cela.

Alors, elle pivota la tête vers sa consœur druidesse et déclara :

— Je veux retrouver ces reliques du passé. Celles qui me permettront de comprendre nos origines.

— Quelle folie. À quoi cela te mènera-t-il ?

— Je l'ignore. Mais si les hommes, si les sorciers, ont laissé des traces derrière eux, je dois les découvrir. Lever le voile sur le mystère de nos origines. Si j'ai attendu Merlin toutes ces années, c'était pour qu'il me mette sur cette piste.

Puis, Maëva s'approcha de Cliodna et lui attrapa les mains.

— Viendras-tu avec moi ?

La druidesse bleue s'accorda un temps de réflexion.

— Quelqu'un doit rester ici, pour Poudlard. Et le cercle n'accepterait pas l'absence de deux de ses membres.

— Peu importe le cercle ! Et nos quatre apprentis se chargent de Poudlard seuls, désormais. Ils n'ont plus besoin de nous, désormais. Partons, toutes les deux. Comme avant, quand nous parcourions les terres, à la recherche de jeunes sorciers. Souviens-toi de cette époque.

— Je me souviens très bien, sourit Cliodna. Mais je ne peux m'y résoudre. Le temps a passé depuis, Maëva. Nos apparences n'ont peut-être pas tant changé grâce à la magie. Grâce à l'eau de la fontaine de vie... Mais je n'ai plus ma fougue d'antan. L'aventure ne me sied plus. Mais pars. Ne t'en fais pas pour moi. Je sais que tu ne vis que de ces mystères. Que la sédentarité ne te sied pas. Ne t'en prive pas en mon nom.

Comprenant sa décision, Maëva hocha la tête, puis réfléchit un temps à son tour, attentive au bruit des vagues qui éclataient en contrebas. Son geste suivant surprit Cliodna, quand Maëva décrocha le cordon autour de son cou qui soutenait le disque en agate que lui avait offert sa mère, quelques décennies auparavant.

— Maëva, que fais-tu ? hoqueta Cliodna quand son amie passa le bijou autour de son cou sans lui demander son avis.

— Si les hommes sèment des objets dans leur existence pour faire perdurer leur souvenir, je veux que celui-là te revienne.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now