Chapitre 30 - Le récit de Cliodna

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Dans les jours qui suivirent, une drôle d'habitude s'instaura chez les Papillombres, qui prenaient place à leur nouvelle table de manière régulière. Jamais elle ne restait vide lors des repas et des petits déjeuners. Ils avaient désormais plaisir à se rassembler, à discuter, pour mieux se connaître. Parler cours, professeurs, prévoir les entraînements de Quidditch. Même Stéphanie Simmons, alias Teffie, la sœur de Suzanna, les avaient rejoints après s'être fait radiée de son groupe d'amies pour avoir traité l'une d'elle de « conasse au cerveau aussi mou que du vomi de troll des marais ». Il fallait avouer que Teffie avait en effet un goût unique en matière de jurons. Peu de personnes s'attendaient à entendre de tels mots surgir de la bouche d'une petite fille à la bouille angélique et à première vue aussi innocente qu'un doxy blanc aux grandes prunelles bleues.

— Alors, c'est sûr, c'est définitif, c'est tout bon ? se demanda Tetsuya, toujours débordant de bonne humeur. On commence les entraînements samedi ?
— Il faut que j'aille demander l'autorisation, pour réserver le stade et le matériel. Mais oui, en espérant aussi que personne ne l'ait encore pris pour ce jour-là !
— T-t-tu vas de-de-devoir demander à W-W-Wolff-Wolffhart ? s'inquiéta Leeroy, qui connaissait désormais l'enseignant pour avoir suivi ses premiers cours et qui était terrifié par ce dernier, qui avait souvent tendance à le fixer trop longtemps avec ses yeux noirs et perçants lorsqu'il parlait en allemand. Tu-tu n'as pas p-peur qu'il te méta-métamorphose en raton-la-laveur ?
— Oune raton-lalaveour ? répéta Eibhlin, à la fois agacée et amusée par le défaut d'élocution de son camarade. Qu'ist-ce que c'est qu'ceytte bestioule ?
— Ta mère... lâcha Teffie, dans un murmure qui, heureusement, fut imperceptible, sauvant ainsi son salut.
— Je n'ai pas peur de Wolffhart, le rassura Kate, en se mentant à moitié. Et oui, c'est à lui que j'irai demander, vu que c'est notre directeur de maison. Je suis même déjà montée dans son bureau, il y a deux ans.
— Ça doit être l'un des endroits dans lesquels je n'aimerais pas me retrouver ! frémit Rose, elle-même impressionnée par le personnage. Avec Azkaban et une cage remplie de Scroutts à Pétards !

Ils s'échangèrent un rapide sourire avant de tous enfourner leur fourchette exactement au même moment, dans une parfaite synchronisation. Les Papillombres étaient tous des cas uniques qui se ressemblaient. Et c'est de cette singularité qu'ils semblaient tirer leur force.

— Et donc, toi, tu serais la gardienne dans l'équipe ? poursuivit Tetsuya, curieux, en pointant Kate avec sa fourchette.
— Oui, je pense que c'est mieux... !

Mais elle dut se trouver une meilleure excuse pour justifier cela que le fait qu'elle accomplissait cela pour se mettre en valeur aux yeux du beau Griffin :

— Vous comprenez, comme je suis la plus âgée, je suis la plus grande, donc moins de chance que ça franchisse les anneaux !
— Hmm, tou n'as pas tort, appuya Eibhlin en hochant la tête. On auraït fait oune bourde monoumentale en mettant Tetsouya en gardienne...
— En gardien, s'il te plaît, rectifia-t-il en levant le doigt, ton accent ne te permet pas encore de me faire changer de genre !
— Les japonais ne sont pas répoutés pour être les plus roboustes ! Et oune gardienne, ça doit être roboustes !
— Et les irlandais ne sont pas très doués pour parler la langue qu'il devrait savoir maîtriser, vu que quatre-vingt-dix pourcents des leurs parlent l'anglais couramment !
— Tou ne seraïs même pas parler l'irlandais ! pouffa Eibhlin.

Aussitôt eut-elle terminé sa phrase que Tetsuya se redressa sur sa chaise, se racla la gorge, se tapotant la poitrine avec le poing, avant de parler dans une langue qu'aucun d'entre eux ne comprit. Il afficha alors un air triomphant face à une Eibhlin pour le moins ébahie.

— Eh oui, miss, je ne suis pas seulement japonais parce que je n'ai pas vos grands yeux ahuris, je suis aussi bilingue, j'ai grandi au Japon. Sauf que moi, contrairement, à toi, je parle parfaitement l'anglais et sans aucun accent ! Alors, pouet ! Tu n'as aucune excuse ! À la tienne !

Il leva alors son gobelet de jus de citrouille pour parfaire sa réplique. L'expression déconfite d'Eibhlin ne manqua pas de faire sourire Kate, avant qu'elle ne remarque que Rose regardait derrière elle, vers la table des Serpentards.

— Qu'est-ce qu'il y a, Rose ?
— Juste que... ça me chagrine qu'on soit tous là, ici, avec nos uniformes violet. Sauf Curtiss ! Pourquoi il ne vient jamais avec nous ? C'est un Papillombre, pourtant !

Le jeune Nestor Curtiss, aussi pâle que d'habitude, mangeait seul à l'un des coins de la table. Sa grande sœur Calypso ne devait pas encore être arrivée.

— On pourrait aller lui parler ! proposa Tetsuya, plus enjoué.
— On-on ne de-de-devrait pas l'obliger ! raisonna le petit Leeroy.
— Moi, je vais y aller.

Tous se retournèrent vers Teffie, qui venait de prononcer ses mots avec une voix fluette, ses mains sous la table, droite et affichant un sourire très discret aux coins des lèvres.

— Tou veux y aller loui parler, ti ? s'étonna Eibhlin. Tou vas le faire fouir !
— Je suis gentille, quand je veux, j'ai appris ! objecta Teffie en papillonnant des paupières sur ses grands yeux auxquels personne ne pouvait résister.
— Après tout, on n'a rien à perdre, soupira Kate, qui devait s'avouer qu'assister à cette scène éveillait son intérêt. Vas-y, Teffie, ramène-le-nous !
— Si tu y arrives, je t'offre un chocogrenouille !
— Tetsuya, je te déconseille les paris, j'en ai déjà suffisamment dans mon entourage proche !
— Un innocent chocogrenouille, Kate !

Après avoir fait craqué ses phalanges sous la table, Teffie se leva alors, les mains liées et s'élançant avec la grâce de l'innocence de la jeunesse.

— C'est qu'on y croïrait... ! chuchota Eibhlin alors que Teffie s'éloignait en effectuant de petits pas bondissants vers la table des Serpentards.

La petite blonde parvint rapidement jusqu'à Nestor. Quelques autres regards s'étaient tournés vers eux en remarquant l'intérêt de la scène pour les Papillombre, qui fixaient attentivement, à l'affût de chaque réaction malgré la trop grande distance pour entendre les mots qui allaient s'échanger. En voyant l'ombre de Teffie se dessiner devant lui, sur la table, Nestor détourna son attention de son assiette et leva vers elle des yeux froids.

— Bonjour, Nestor, je m'appelle Teffie, minauda cette dernière en alignant toutes ses syllabes à la suite des autres sans les détacher. On n'a pas eu l'occasion de se parler et c'est vraiment dommage, on est dans la même classe en plus. Comme toi, j'ai été répartie à Papillombre et si tu savais, c'est vraiment génial, nous sommes des gens gentils ! Donc je suis venue te voir, pour te demander si tu voulais nous rejoindre, venir avec nous pour discuter un petit peu de tout et de rien...

Il s'apprêtait à répondre, certainement sous forme d'un refus, pourtant, Teffie ne lui en laissa pas le temps :

— En vrai, moi, je ne vais pas te demander. C'est une obligation. Tu vas bouger ton petit cul blanc de ce banc, avant que je te t'enfonce ta cuillère dans ta narine droite le plus profond que je peux et à la tourner aussi rapidement que possible jusqu'à ce que ton cerveau commence à me supplier d'arrêter d'une petite voix aiguë, mais ceci, avant que tu ne meures dans d'atroces souffrances devant tout le monde avec un bout de métal sanguinolent qui dépasse de ton nez que j'aurais défoncé. Maintenant !

Aussitôt, Nestor se releva d'un bond, terrorisé, attrapa son assiette et quitta pour suivre Teffie qui commençait déjà à s'éloigner pour rejoindre les Papillombres, hilares. Le jeune garçon, qui avait quitté sa mine sinistre pour une expression de crainte profonde, prit alors la dernière place restante, entre Rose et Tetsuya. Ce dernier ne manqua pas de lui glisser une première remarque à l'exclamative :

— Alors quand je te propose gentiment, tu me flanques un vent, mais quand c'est une petite blondinette qui te menace de mort, c'est bon !
— Bonjour, Nestor, et bienvenue, lui souhaita Kate, plus conciliante.

Nestor grommela de brèves salutations, impressionné par la situation. Il donnait l'air d'être un petit chaton noir et farouche qui n'attendait que d'être apprivoisé. Mais gare à ses griffes !

— Je connais ta sœur, poursuivit Kate qui tentait de briser la glace. C'est... une chouette fille !

Etonné qu'on puisque lui accorder un tel qualificatif, Nestor fronça des sourcils, ce qui, chez lui, pouvait se traduire par un sourire d'amusement, pourtant absent de son visage.

— On était en train de parler de l'équipe de Quidditch qu'on va former ! tergiversa Tetsuya. Et il faut qu'on soit sept, alors tu dois participer avec nous !
— Je... ne sais pas jouer au Quidditch, avoua-t-il en soufflant. Ça... ne m'intéresse... pas.
— Ça tombe bien, personne ne sait jouer au Quidditch parmi nous ! fit remarquer Rose. Sauf peut-être Eibhlin ! On va apprendre, tous ensemble ! Et on était en train de se répartir les postes ! Moi, j'ai dit que je voulais être poursuiveuse !
— On va essayer, ça ne veut rien dire... ! la tempéra Kate, qui ne voulait pas non leur donner de faux espoirs. En tout cas, Nestor, il te resterait une place de poursuiveur, justement. Ça te conviendrait ?

Ce dernier ne répondit rien, muré dans un silence mécontent. Quel qu'aurait été le poste qu'on lui aurait proposé, la simple idée de devoir jouer à ce jeu l'irritait.

— Vous êtes sûrs que je suis faite pour devenir batteuse ? s'interrogea Teffie d'une petite voix.
— Tou es faite pour ça, à mi avis ! ricana Eibhlin, qui elle, était parvenue à obtenir le poste de ses rêves, attrapeuse.
— Non, je ne comprends pas. Je suis toute petite, toute frêle, que me dit ma mère. Et batteur, c'est un poste de... brute dégénérée !
— Pas vraiment, tu verras, tu apprendras, lui sourit Kate, qui commençait à s'agacer que les batteurs soient toujours traités de grossiers personnages. C'est plus technique qu'il n'y paraît.

Lorsqu'elle eut terminé son assiette, elle soupira et déclara en se levant :

— Bien, puisqu'il me reste un peu de temps avant mon cours, je vais aller demander l'autorisation à Wolffhart, pour le terrain. Souhaitez-moi bonne chance !
— Adieu.
— Nous étions très heureux de te connaître.
— Oui, on t'ai-t'ai-t'aimais bien quand m-m-même !
— La mort n'est qu'oune étape de plous.
— Merci pour le soutien...

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now