Chapitre 3 - La fille de vert et de gris

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Les matins à la grande salle étaient généralement peu bruyants. Les élèves, encore tout ensommeillés, peinaient à garder les yeux ouverts devant leur assiette. Quelques rares audacieux discutaient avec entrain de la journée à venir.

— Fais moins de bruit quand tu manges !

Maggie, qui mâchait son œuf au plat d'un air léthargique, adressa un regard indifférent à Suzanna, la nouvelle Gryffondor à la peau pâle et aux longs cheveux blonds et bouclés. Provocatrice, sa camarade s'appliqua à faire davantage de bruit.

— Je mange... maugréa-t-elle. Et comme je veux, en plus...

Kate, qui accompagnait les deux filles ce matin-là, eut un rictus aux coins des lèvres avant de consulter le parchemin sur lequel était marqué leur emploi du temps.

— Mercredi, lit-elle à voix haute. Sortilèges, de 9h à 10h30. Métamorphose, de 10h30 à midi. Et l'après-midi, soins aux créatures magiques.
— Yahou... soupira longuement Maggie. On commence par un cours avec court-sur-pattes... Aïe !

Un livre venait de lui frapper le dos.

— Je t'ai entendue, grogna la petite Moira qui grimpa sur le banc de la table pour s'installer.

Deux tresses rassemblaient les mèches qui cernaient son visage, et s'emberlificotaient dans un chignon plat et complexe, comme une couronne à l'arrière de sa tête. La coiffure agrémentait joliment son visage aplati.

— Fais gaffe, t'as un dessous-de-plat collé dans tes cheveux, répliqua Maggie.

Moira força un sourire et outrepassa la remarque outrecuidante de sa voisine, versant du jus de citrouille dans son verre à bras tendus.
Une nuée de hiboux envahit la grande Salle, portant lettres et colis, contenant des présents pour les nouveaux élèves de cette rentrée de la part de leurs parents. Si un hibou grand-duc à l'allure hiératique se présenta devant Maggie, une enveloppe dans le bec, ce fut une chouette minuscule qui virevolta autour de la tête de Kate.

— Littleclaws ! s'exclama-t-elle en tendant la main afin que le petit rapace se juche dessus.

Il battit plusieurs fois de ses petites ailes, penchant son cou pour lui remettre la petite lettre froissée qu'il tenait. Et lui accorda un bref regard de salutations avant de reprendre son envol aussi vite qu'il était arrivé. Littleclaws n'avait jamais été un oiseau très porté sur l'affection entre maître et animal. Il se contentait seulement de remplir ses missions.
Kate déplia la lettre et y reconnut la calligraphie chaotique de son père.

« Ma chipie,
J'ose espérer que tout se passe pour le mieux pour toi. J'ai eu vent de ta rentrée mouvementée, le professeur McGonagall m'a envoyé un hibou pour m'expliquer ta situation particulière. Je n'en aurais pas pensé mieux de toi, unique comme tu es. Il te fallait une maison pour toi toute seule ! Ne t'inquiète pas, tout finira par s'arranger. Je te l'ai déjà tant dit, l'important, ce n'est pas ta maison, mais la vie que tu vas mener à Poudlard, avec les amis que tu t'y feras. Je suis fier de toi.
Prends soin de toi. Je t'enverrai une autre lettre la semaine prochaine.
Papa »

Poursuivaient à la suite des propos peu littéraires de son père quelques mots déliés et joliment calligraphiés.

« À défaut d'avoir un téléphone pour t'appeler, nous pensons fort à toi et t'embrassons de tout notre cœur. J'espère que mon collier te portera chance. Plein de courage ma chérie. Maman. »

Les doigts fébriles de la petite Kate frôlèrent le disque de pierre qui pendait autour de son cou, chaud contre sa peau.




Le premier cours de sortilèges s'avéra bien plus épineux que ce qu'aurait imaginé Kate. Si la théorie ne lui posa pas le moindre problème, partie qu'elle suivit avec application, la pratique fut un doux moment de désillusions. Au programme des premières années, pour le premier trimestre : la manipulation et l'influence sur les petits objets à proximité. Pour leur première heure, chaque élève reçut une tasse cassée en deux gros morceaux, qu'il leur fallait recoller à l'aide de la magie. Peu y arrivèrent d'un seul coup, et les plus doués se virent attribuer une épreuve plus compliquée, avec une tasse à trois, quatre, voire cinq morceaux. Mais quand Kate souleva sa baguette et entonna un « Reparo » résolu, la tasse se désintégra en miettes de porcelaines fumantes. Causant l'hilarité de ses voisins alors que le professeur Flitwick s'empressa de lui faire essayer un autre récipient qui subit le même sort.

— Je suis nullissime... déclara-t-elle, peine perdue, en sortant de la salle, à l'issue du cours.
— Mais non, lui souffla d'une voix fluette la petite Scarlett Hodgson, la dernière Gryffondor aux cheveux acajou. On a tous fait des erreurs !
— Surtout Maggie ! railla Moira qui tentait tant bien que mal de suivre leur rythme.

En effet, la fille de riches avait éprouvé elle-même quelques difficultés, mais s'était contentée de scinder les débris de sa tasse en d'autres morceaux.

— Ca va, ça va, maugréa la concernée en ramenant son sac de livres en bandoulière contre sa cuisse, ce n'était que le premier cours !

Il fallait traverser le bâtiment et la cour de pelouse, ponctuée d'arbres aux feuilles d'un vert sombre. Un petit cloître agréable pour y passer ses récréations. Le préau donnait sur une rangée de portes, dont l'une d'elle, centrale et plus impressionnante par sa taille, était celle de la classe de métamorphose. Le groupe des filles de Gryffondor furt le premier à entrer. Et s'il y avait bien une chose qui les estomaquèrent dans cette salle au haut plafond de style gothique, ce fut l'orgue immense qui avait été installé au fond de la pièce, sur l'estrade du professeur. Si large fut-il qu'il couvrait une bonne partie du mur en demi-circulaire ! Assis à son bureau, le professeur Wolffhart griffonnait avec une grande plume filiforme de faisan. Il avait l'air tellement concentré que ses épais sourcils gris et froncés retombaient sur ses paupières. Relevant la tête, il n'accorda pas un sourire aux nouvelles arrivantes et demeura stoïque.

— Willkommen, Fraülein. Je vous en prie, asseyez-vous.

Sa voix était si grave qu'elle en devenait caverneuse, doublée par son accent allemand prononcé qui crachait ses mots. Intimidées, elles s'installèrent au premier rang alors que d'autres élèves pénétrèrent à leur tour dans la salle. Kate, qui s'était installée à la table au premier rang tout à gauche, attenante au mur, sortit de son sac plume, livre, parchemin et bouteille d'encre, quand elle sentit la chaleur d'un regard dans son dos. Et effectuant un volte-face contrôlé, se retrouva nez à nez avec les yeux d'acier de la fille qui s'était assise à la table de derrière, sa cravate verte soigneusement nouée sous son menton rond. Morgana McNair ne la quitta pas du regard alors que mortifiée, Kate pivota lentement le tronc vers sa table, le visage pétrifié dans une expression de stupeur à peine camouflée. Cette fille, bien qu'elle eut le minois affriolant s'il était pas rehaussé de cet aspect lugubre, ne lui inspirait aucune confiance. On aurait aisément pu la comparer aux petites filles dans les films d'horreur que regardait son père, les seuls qu'il se permettait de regarder sur la machine des Moldus nommée télévision, sans les railler pour leur manque cruel de réalisme.
Avant qu'elle n'eut pu chuchoter quoi que ce soit à l'adresse de Maggie, à sa droite, le professeur Wolffhart se leva de son bureau en frappant de ses mains contre le bois pour se donner de l'élan. Le bruit fut tel que tous sursautèrent et se turent, les yeux rivés vers leur nouvel enseignant. Ce dernier s'avança à pas lents, arrangeant son foulard d'un rouge criard et son col en feutre noir, avant de ranger ses mains derrière son dos. Il n'était pas forcément d'une carrure imposante, mais sa grande taille, affinée par son long manteau, surmontée par son visage inexpressif au teint crayeux, forçait au silence et au respect.

— Gut, appuya-t-il quelques secondes de sa voix rocailleuse. Maintenant que tout le monde semble présent et silencieux, je pense que nous pouvons commencer.

Il rejoignit à grandes enjambées le petit tableau en ardoise sur deux pieds et s'empara de la craie. Son écriture était frénétique et il appuyait tellement fort que la craie se brésilla en plusieurs morceaux qui tombèrent par terre.

— Pour ceux d'entre vous qui sont des taupes ou qui ne possèdent pas les capacités cognitives pour déchiffrer des mots, je m'appelle Wilhem Wolffhart, scanda-t-il d'une voix tonitruante après avoir griffonné sur le tableau. Et vous aurez la chance et l'honneur de me supporter en tant que professeur de métamorphose pour les sept années à venir, si Merlin le veut.

Maggie et Kate échangèrent un regard peu rassuré.

— Gut. Avant de débuter ce premier cours, j'aimerais établir avec vous quelques règles. Au nombre de trois.

Le regard à la fois menaçant et amusé, il dégaina sa main de derrière son dos, illustrant le « trois » avec l'index, le majeur et l'annulaire, tendus devant son large menton.

— Zunächts, je n'accepterai aucun retard supérieur à une marge de clepsydre. A défaut de quoi, les élèves concernés suivront le cours métamorphosés en crapauds. Réactions ?

En effet, sur le bureau lévitaient deux cônes entre lesquels coulaient un léger filet de liquide couleur d'or. Lorsque l'un des deux était vide, ils batifolaient dans une valse des airs avant d'inverser leur place. Au vu des petites marques que Kate pouvait apercevoir grâce à son excellente vue, une marge devait bien valoir au plus trente secondes. Un délai plutôt court ! Ca ne rigolait pas... bien s'ils ne surent s'il s'agissait d'une plaisanterie ou d'une véritable menace.

— Zweitens, vous l'aurez remarqué, mon Allemagne natale ressort fortement dans votre langage barbare. Je n'accepterai aucun commentaire sur ce fait. Questions ?

Une main se leva au milieu de la salle. Wolffhart baissa le menton pour autoriser que le garçon concerné parle :

— Vous avez combattu avec les Silberfalken ?

La ligue des Silberfalken était un regroupement de sorciers allemands qui s'étaient chargés de protéger les Moldus de leur pays il y avait plus de cinquante ans, lors de la deuxième guerre mondiale et de l'avènement d'Adolf Hitler. Certains d'entre eux avaient même tentés de s'en prendre au Führer lui-même, si seulement d'autres sorciers, aux intentions malveillantes, profitaient de l'ombre du chancelier auto-proclamé pour gagner leur gloire. Et ces derniers, lassés du train de vie monotone et secret de la communauté des sorciers, étaient prêts à tout pour gagner leur légitimité à la tête du Régime. Ces sorciers que l'on dénommait sous l'appellation Schafen. Les moutons, les traîtres.
Le professeur Wolffhart eut un regard grondeur :

— Zweitens bis, je n'accepterai aucun commentaire sur ce fait et les interrogations touchant à mon passé strictement personnel.

Un souffle de déceptions traversa la salle. Bien que le sujet était très peu évoqué dans le monde des sorciers moderne, l'histoire des Silberfalken n'avaient eu de cesse de fasciner les plus jeunes, tout comme l'Ordre du Phénix suscitaient le respect de tous à ce jour. Il en était toujours ainsi dès lors qu'un groupe qui s'opposait à un tyran était au centre des discussions. Même si celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom était bien loin du Führer !

— Und dritten, je serai intransigeant face à votre apprentissage, jeunes novices...

Il effectua un pivot sur sa jambe tout en ramenant le pan de son grand manteau vers lui.

— Car la métamorphose est plus que de la magie. C'est de l'art. La manipulation de l'être. Mieux encore, la manipulation de la vie et de l'inerte. La métamorphose est la plus grande et la plus phénoménale des magies qui soient.

Sa baguette glissa de sa manche et se plaça d'elle-même entre ses doigts noueux. Et d'un geste leste renvoyé vers son épaule opposée, un trait blanc fut tiré et frappa la gargouille qui ornait l'une des colonnes. Cette dernière remua, secoua sa tête cornue avant que ses paupières ne se fissurent pour dévoiler deux éclats flamboyants, comme deux charbons ignés, fixant tour à tour les élèves, interloqués par la fascination.

— Mais elle est également la plus dangereuse et la plus difficile à dompter...

Les serres de la gargouille se crispèrent autour de la pierre, ouvrant de petites failles dans le pilier. La roche brésillée tombait en morceaux. Et la bête grise sauta de son piédestal, atterrissant avec fracas sur le carrelage. Certains élèves ne purent s'empêcher de crier et Maggie s'était reculée d'un bond, terrifiée. Kate demeurait pétrifiée de peur, alors que la chimère approchait d'elle dans une posture d'attaque, jusqu'à venir agripper la table double de ses griffes acérées, comme le fauve accosterait sa proie. Ses yeux étaient plongés de ceux de la créature effroyable, aussi ardents que la braise.

— La métamorphose est une magie qui nécessite de l'humilité, de la volonté, de l'ambition, un goût du risque probant, de l'inventivité. Mais surtout du courage...

Le professeur Wolffhart effectua d'un tour de poignet, substituant dans un tourbillon grisâtre la monstrueuse gargouille en une colombe immaculée, qui voleta dans la salle, sous les rires ébahis et les applaudissements rassurés des enfants. L'enseignant ne cilla pas face à cette gaiété, tandis qu'il tendit la main vers l'oiseau, qui se jucha sur son index. Son regard se fit plus sombre et les élèves ravalèrent leurs émotions.

— À votre niveau, vous n'êtes que des cafards, siffla-t-il. Mon enseignement consiste à faire de vous des maîtres. Sept années pour vous apprendre à devenir votre propre maître... La matière que je vous enseignerai ne sera pas là pour battre le mal, pour vous épargner la fatigue ou la souffrance, pour vous faciliter la vie. Elle vous permet de construire votre réalité, votre monde, votre personne, comme vous le souhaitez.

Puis, son visage se tourna sur celui, livide, de Kate. Et c'est à ce moment qu'un imperceptible rictus vint poindre au bord de ses lèvres.

— Gut, je pense que vous avez compris l'essentiel... souffla-t-il.

Aussitôt, la colombe changea de nouveau de forme et prit l'aspect d'une vénérable canne anglaise, sombre et vernie, sur laquelle le professeur s'appuya après l'avoir laissé glissé dans la main et toucher le sol. Un court silence craintif traversa l'assemblée avant qu'il ne reprenne :

— Quelqu'un dans cette salle a-t-il assez de jugeote pour m'énumérer le nombre de niveaux de maîtrise dans le domaine de la métamorphose ?

Les élèves se concertèrent d'un regard, se rabattant sur leurs tables, espérant fuir l'attention de leur professeur dans le cas où il en viendrait aux interrogations.

— Niemand ? Personne ? relanca le professeur, d'une voix plus puissante.

Lorsque les bustes se tournèrent petit à petit, Kate suivit le mouvement de ses camarades, apercevant une petite main levée parmi toutes au fond de la salle.

— Je t'écoute, jüng Mann, l'invita Wolffhart en baissant le menton. Comment t'appelles-tu ?
— Beckett, professeur. Emeric Beckett.
— Gut, nous vous écoutons, Herr Beckett.

Depuis sa place, Kate parvenait à peine à discerner le visage discret, rehaussé de lunettes carrées, du jeune Emeric, ce même garçon qu'elle avait croisé dans la boutique de Madame Guipure. Ce dernier blêmit en voyant autant de regards tournés vers lui, puis, il bégaya :

— Trois, professeur. Il y a trois niveaux.
— Gut ! lança Wolffhart en commençant à griffonner sur la grande ardoise, tout en s'appuyant sur sa canne. Et savez-vous à quoi ils correspondent ?
— Le niveau un, c'est la métamorphose des objets. Le deux, celle des animaux. Et enfin, le trois... pour se transformer ou changer la forme d'un autre humain.
— Ja, das ist sehr gut !

Malgré sa phrase porteuse d'une valeur de satisfaction, l'enseignement ne le laissait paraître ni dans son ton, ni dans son expression, alors qu'il poursuivait l'écriture au tableau, sa craie diminuant de taille dangereusement tant il appuyait dessus.

— Quelle est votre maison, herr Beckett ?
— Serdaigle, balbutia ce dernier.
— Cinq points pour Serdaigle, alors !

Il se frotta ses grandes mains l'une contre l'autre, laissant échapper de la poussière de craie, qui ne s'attacha pourtant pas à son grand manteau de feutre, de la couleur du jais. Certains élèves de la maison de Rowena exprimèrent leur joie modérée face aux tout premiers points que leur promotion se voyait apporter.
Tandis que le cours se poursuivait, Kate écoutant d'une oreille attentive, elle ne put s'empêcher de considérer le regard de sa voisine de derrière ; Morgana McNair dégageait une présence certaine. Intrusive et désagréable... Elle se sentit libérée lorsqu'un répit lui fut accordée, lui permettant de suivre la voix puissante du professeur Wolffhart qui se renseignait sur les bases de ses nouveaux élèves. Ce sursis prit fin lorsqu'un petit bout de parchemin vola vers elle et se coucha sous son nez, alangui sur le bureau. À côté d'elle, Maggie fronça les sourcils, la questionnant en silence. Kate souleva les épaules d'interrogation et déplia le message clandestin. Les quelques mots calligraphiés la médusèrent :

« Je sais qui tu es, car je connais ton père. J'aimerais bien qu'on en parle. Rejoins-moi sous le préau après le cours. »

Désarçonnée, Kate fourra le parchemin dans l'une des poches de son manteau et gratifia un léger sourire à Maggie, pour la dissuader de s'inquiéter. Après un regard significatif de déception, son amie détourna la tête et se concentra de nouveau sur le cours.

Lorsque la cloche sonna, Kate persuada ses nouvelles amies qu'elle les rejoindrait plus tard, dans la grande salle où allait se tenir le repas du midi. Celles-ci ne cachèrent ni leur surprise, ni leur suspicion. Cependant, après quelques questions infructueuses, elles consentirent à partir prendre l'air sans Kate :

— Soit... grogna Maggie, presque vexée. Reste donc là, seule !
— Oh, laisse-la, après tout, elle fait ce qu'elle veut ! la défendit Scarlett, la fille aux longs cheveux roux, un grand sourire ourlé à ses lèvres.
— À toute à l'heure alors !

Le petit groupe traversa la cour verdoyante, déjà remplie de leurs aînés qui profitaient de leur pause pour discuter. Dans un coin, des quatrième années discutaient à propos des boursouflets, juchés sur les épaules de chacune. Les petites boules de poil, aussi douces qu'attendrissantes, étaient toutes de couleur différentes et entonnaient quelques fois une petite note aiguë en se frottant contre le cou de leur propriétaire. Plus loin, un élève de première année, arborant les couleurs de Poufsouffle, semblait vendre des confiseries à des garçons plus âgés, assez rustauds.

— Kate Whisper ?

En entendant son nom, la jeune fille fit volteface, serrant sa sacoche contre sa poitrine. La voyant ainsi réagir, Morgana MacNair esquissa un sourire gêné :

— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur... !

Une fois sa facette froide abaissée, Morgana donnait l'impression d'une petite fille fragile, son visage livide encadré par ses cheveux luisants et peignés avec une grande minutie.

— Tu ne m'as pas fait peur ! mentit Kate, un sourire tremblant aux coins de ses lèvres.
— J'ai l'habitude d'effrayer les gens, soupira Morgana. Et j'avais peur que tu ne m'attendes pas.
— Pourquoi je ne t'aurais pas attendue ?
— Oh tu sais, les Gryffondors, les Serpentards... Toutes ces histoires de maisons, comme quoi nous sommes de grands méchants...
— Mon père était un Serpentard, je n'ai pas ce genre de préjugés, la rassura Kate, plus détendue.
— Je sais...

D'un geste de la tête, Morgana l'invita à marcher un peu dans la cour ensoleillée. Elle avançait, les yeux rivés sur ses chaussures noires d'écolière.

— Comment tu connais mon père ? la questionna Kate en la rattrapant.
— Mes parents étaient eux-mêmes à Serpentard, ils y étaient en même temps que ton père. Ton nom ne m'est donc pas étranger...
— Il me parle rarement de sa vie d'avant, à Poudlard... Nos parents étaient amis ?
— Camarades, plus qu'amis. Mon père me disait que le tien était très solitaire.
— Tu as l'air d'en connaître, des choses !

Morgana ralentit ses pas et se planta devant Kate, plongeant son regard dans le sien. Leurs yeux partageaient une teinte si semblable que l'on aurait pu les qualifier de familiaux. Mais si les iris de Morgana paraissaient aussi acérés que l'acier, ceux de Kate rappelaient davantage la couleur des nuages hivernaux.

— C'est plutôt toi qui n'a pas l'air de savoir grand chose à propos de ton père...
— Que veux-tu dire ? bredouilla Kate, apeurée par la tournure de la discussion.

Un instant, Morgana la dévisagea. Et Kate se sentit terriblement naïve d'en savoir si peu à propos de son propre père, comparée à cette fille qu'elle connaissait à peine. Lui cachait-il quelque chose ?

— Dans ma famille, on parle de tout entre nous. Des choses bien, des choses moins bien. Qu'importe. Nous sommes une famille de sorciers, nous devons être au courant de tout.
— Je n'ai pas de frères et soeurs, ma mère est moldue et mon père très pris par son travail et les récents événements, objecta Kate, plus sèche. Je n'ai pas l'occasion de parler souvent de magie.
— Je vois... C'est regrettable. Tu ne connais donc personne ici ?
— De nom, tu veux dire ?

Morgana hocha de la tête.

— Non, pas vraiment, grimaça Kate.
— Passe le midi avec moi, alors... Je te raconterai un peu !



Constater la présence d'une élève de Gryffondor, bien que sans couleur, assise à la table des Serpentards pour partager la collation, éveillait de multiples surprises. Kate était pourtant peu sujette aux remarques d'autrui et aux jugements de valeur. Après tout, elle n'était pas une vraie Gryffondor... Le choixpeau l'y aurait envoyé plutôt que de fabuler à propos d'une maison inexistante si cela avait été le cas. Au fond de son coeur, elle se sentait pleinement Serpentard. Après tout, le sang qui coulait dans ses veines était passé par cette maison, cela lui paraissait normal d'y revendiquer sa place en tant qu'élève.

— Et donc ? Tu en connais, des gens de notre classe ?

Morgana désigna une direction du menton tout en mâchant son bout de poulet. Suivant le mouvement, Kate tourna discrètement la tête. Deux jeunes filles de Serpentard discutaient en dégustant leur assiette. L'une était mince, ses cheveux longs et platinés atteignant sa chute de reins, tirés en arrière sur le sommet de son crâne par un serre-tête en velours. L'autre avait de larges pommettes et des yeux félins, sa chevelure d'ébène en queue de cheval. Toutes deux affichaient un air crâne sur leurs visages inexpressifs, témoignant d'une suffisance digne de filles d'aristocrates.

— Elles, ce sont Amy Rosier et Lawrence Prince... La première fait partie d'une des vingt-huit lignées dites « sacrées » de Sangs-Purs. Son oncle a été tué par Maugrey Fol-Oeil, l'ancien Auror, mais en contrepartie, il lui a mutilé le visage. Tu sais, son oeil magique... C'est à cause de ça ! Quant à Lawrence, elle est aussi une Sang-Pur, une cousine éloignée de l'ancien directeur... Ne t'approche pas d'elles... elles sont... particulières...

La fillette poursuivit en voyant en revue les autres tables.

— Les jumeaux Ledger ont fui en Australie pendant le règne de Tu-Sais-Qui. Ce matin, Marvin, le garçon, a reçu une lettre de ses parents. Il paraît qu'ils sont furieux de le savoir à Serpentard...

Ce dernier, assis à côté de sa jumelle à la table des Serdaigles, remuait sa viande du bout de sa fourchette, avachi sur son bras. Il semblait avoir perdu toute sa fougue et sa malice de la veille. À côté de lui, un jeune Serdaigle mangeait goulûment.

— Lui, c'est Dexter Doxmornt. Son père travaille au ministère, il est chargé d'enquêter sur les lieux de meurtres magiques... Là-bas, c'est Joris Juffbiggles. Son père a été envoyé à Azkaban quand il était plus jeune pour trafics de sortilèges potentiellement dangereux et d'objets maléfiques. Et si tu veux mon avis, le fils suit la voie... !

En effet, plus loin, l'élève que Kate avait remarqué tout à l'heure continuait d'échanger des Néansangs, sortis d'on ne sait où, en toute impunité et discrétion, ceci contre des cartes Chocogrenouilles. Le jeune Poufsouffle avait des cheveux bruns, gras, qui retombaient sur son visage anguleux, percé par ses deux yeux à moitié-clos et léthargiques. Au même moment, un garçon s'avança dans la nef et s'assit à la table des Gryffondors. Déjà grand pour son âge, l'air résolu, le port fier, le sourire séduisant, bien qu'il ne soit encore qu'un jeune garçon. Kate le reconnut pour l'avoir remarqué lors de la cérémonie de répartition par le Choixpeau :

— Et lui ? C'est Griffin... ?
— Griffin Gale, termina Morgana dans un sourire volatile. Son grand frère est le nouveau capitaine de Quidditch de Gryffondor. Un tas de muscles, des cheveux blonds et un sourire de prince charmant. Toutes les cinquièmes années s'arrachent les cheveux pour passer du temps avec lui, encore plus depuis qu'il a participé à la bataille de Poudlard et que les filles le voient comme un héros ! Je pense que Griffin est un peu pareil ! Comme quoi, la famille... !
— Comment peux-tu savoir autant de choses ? s'émerveilla Kate.
— J'ai des yeux et des oreilles partout... C'est sûrement cela qui m'a envoyée à Serpentard ! C'est aussi quelque chose de famille ! La seule chose dont j'aie vraiment hérité... !

Elles partagèrent un moment de rires, quand Kate remarqua que la cruche en argile avec laquelle elle désirait remplir son verre était vide.

— Je vais aller chercher du jus de citrouille, je reviens... !

Quittant le banc en sautillant, elle se mit à la recherche d'une carafe pleine, vérifiant quelque fois le contenu sous le nez de ses aînés. Kate ne s'attardait jamais longtemps, assez embarrassée par leurs regards trop inquisiteurs. Lorsqu'elle trouva enfin un broc plein et abandonné, elle retourna, fière, vers la table des Serpentards. Mais sa maladresse maladive lui joua de nouveau un tour, lorsqu'elle marcha sur sa robe, qu'elle s'empêtra dans ses propres jambes et qu'elle s'étala de tout son long sur le carrelage, sous le rire moqueur de ses camarades. Et Kate observa, impuissante, le jus de citrouille se déverser sur le sol.

— Kate ! Ca va ? Tu n'as rien ?

Terry s'était précipité vers elle pour l'aider à se relever.

— Non, ça va, ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude ! lui sourit-elle en frottant son genou douloureux.
— Je ne savais pas que tu étais aussi maladroite !
— Maintenant, oui !

Ils partagèrent un sourire, avant que Terry ne lance un Recurvite, le jus de citrouille s'évaporant dans un filet orange. Décidément, ils savaient tous lancer un sort. Tous, sauf elle...

— Je peux en profiter pour te dire quelque chose ? lui souffla-t-il à voix basse alors qu'il la raccompagnait vers la table des Serpentards.
— Oui ?
— Je n'ai pas confiance en cette MacNair... Ne lui parle pas trop...
— Pourquoi donc ? s'étonna Kate.

Terry lui adressa un regard grave sous ses épais sourcils châtains.

— Tu as vu la réaction d'Hagrid à la répartition ?! Il a carrément bondi de sa chaise ! Je suis certain que cette fille n'est pas nette...
— Comment peux-tu dire ça, tu ne la connais même pas !
— Si je demande à mon père de chercher dans ses registres, je suis sûr qu'il me dira que ses parents étaient des Mangemorts ! J'en mettrai ma baguette à scier !
— Et alors ?! s'énerva Kate. Même si c'était le cas, elle, elle ne l'est pas !
— Qu'en sais-tu... soupira Terry, comme si la réaction de son amie le désespérait.
— Elle est gentille avec moi ! Contrairement à tous les gens qui me regardent de travers depuis hier soir... !

Le jeune homme se pinça les lèvres et ralentit le pas, constatant l'avis infrangible de sa camarade. Il considéra un instant la jeune Morgana, seule devant son assiette, silencieuse et timide.

— Bien, d'accord. Après tout, tu as peut-être raison. Peut-être que je m'emporte pour rien et que je me trompe à propos de cette fille. Mais reste prudente. Même si la guerre est terminée, le monde des sorciers reste fragile. Certes, je ne te connais pas encore très bien. Mais je sais que tu es un peu seule, dans ta situation.
— Ça veut dire quoi ? Que je te parais trop faible ?
— Je n'irai pas jusqu'à là, sourit-il. Mais j'ai l'impression que tu... euh... débarques ?

Kate ne parvint à rétorquer quoi que ce soit : Terry n'avait pas tout à fait tort. Poudlard et ses arcanes regorgeaient de mystères qui pouvaient se révéler devenir des dangers potentiels... Elle devait faire preuve de prudence, d'autant plus que sa situation familiale l'obligeait. Si elle n'avait été qu'une simple petite sorcière comme les autres, peut-être aurait-elle outrepassé l'avertissement de Terry. Cependant, elle se souvint des prémunitions de ses parents et de ces derniers mois cauchemardesques. Poudlard avait beau être l'endroit le plus sécuritaire qui soit, certaines failles persistaient, dans lesquelles s'engouffraient des menaces terribles, attendant son moindre moment d'inattention. Tout ça n'était qu'une constitution nébuleuse de « peut-être », mais la moindre erreur pouvait lui coûter, Kate en avait conscience. Et pour l'instant, elle n'était qu'une fillette vulnérable de onze ans, incapable de se servir correctement d'une baguette, si ce n'était pour crever les yeux d'un voisin par inadvertance !

— Oui, je débarque, avoua-t-elle à demi-mot. J'essaie de me rattacher à qui je peux... Regarde, je n'ai même pas de maison... !

Terry balança la tête et corrigea ses propos :

— Non, Kate, tu te trompes ! Tu es dans toutes les maisons à la fois ! C'est encore mieux !
— Je... je n'avais pas vu les choses comme ça.
— Ta famille ne se réduit pas à une maison. Ta famille, c'est Poudlard...

Les premiers jours de cours passèrent, durant lesquels Kate connut tour à tour ses professeurs et fut introduite aux matières qu'elles suivraient peut-être tout au long de sa scolarité. Mais à ses yeux, ce ne fut qu'une succession d'échecs : elle manqua de faire flamber sa cape lorsqu'elle fut chargée par un scrout à pétard ; elle explosa son chaudron dans la simple conception d'une onction anti-verrues ; elle tomba de son balai alors qu'elle volait à un mètre du sol à petite vitesse ; elle tua le germe de dictame en confondant le pot d'acide et l'arrosoir. À son insu et son grand dam, Kate était devenue l'attraction de sa promotion. Seul le professeur Londubat se montrait conciliant envers elle :

« Tu me rappelles moi à ton âge ! »

Le professeur Londubat avait tout de suite capté l'attention de ses élèves dès les premières minutes de son cours. Non pas pour l'intérêt de ces derniers pour la botanique, mais pour ses récits palpitants à propos de son combat contre Voldemort lors de la bataille de Poudlard. Et afin de parfaire leur fascination, Neville avait déballé sous leurs yeux ébahis le faux gallion magique que chaque membre de l'Armée de Dumbledore possédait. Une véritable relique à ce jour.
Le mystère de l'identité du professeur contre les forces du Mal restait entier, le cours n'ayant lieu que le lundi. Et chaque élève de première année dut prendre son mal en patience, tout le week-end durant. Certains se prononçaient en faveur d'un héros de guerre. D'autres, plus utopistes, soutenaient qu'Harry Potter lui-même assurerait ce cours.


Le samedi après-midi, un vent frais nimbé d'une pluie légère dissuadèrent les élèves de se promener à l'extérieur. La plupart se barricadaient dans leurs chambres, s'occupant à des jeux ou à de la lecture. C'était le cas de Kate, qui rêvassait sur son lit, tandis que Mister Minnows somnolait au bout du sommier, sa queue pendue dans le vide imitant le mouvement d'un balancier. Sur le lit d'à côté, Scarlett et Suzanna, assises en tailleur, étaient concentrées sur une carte de cartes magiques, où les gravures animées se battaient en duel à l'épée miniature en papier cartonné et se lançaient des carreaux tranchants ou des trèfles explosifs. Quant à Moira et Maggie, la première travaillait dans la salle commune, agacée par les cris de guerre aigus que les cartes magiques lançaient à chaque assaut, la seconde ayant tout simplement quitté la pièce sans informer ses camarades d'où elle se rendait. Depuis le cours de métamorphose, Kate avait commencé à se détacher de Maggie pour lui privilégier la présence de Morgana en tant que voisine de cours. Et blessée dans son orgueil, Maggie évitait tout contact avec Kate, si ce n'étaient pour les conventions verbales.
Lorsqu'un léger battement d'aile détourna son attention : un petit papillon de papier s'était infiltré sous la porte et voleta en sa direction, avant de tomber entre ses mains. Curieuse de l'identité de l'expéditeur, Kate déplia le petit parchemin à la hâte, persuadée qu'il ne pouvait pas s'agir là de l'oeuvre d'un première année, encore trop impécunieux de cours pour parvenir à un tel niveau d'ensorcellement.

« Je suis à la bibliothèque. Rejoins-moi dès que tu peux, je suis à la table du fond.
Hermione Granger »

Aussi surprise qu'enjouée, Kate bondit sur son matelas, réveillant par sursaut son chat qui miaula de stupeur avant de cracher, mécontent. La jeune fille se leva avec précipitation, manquant de trébucher en marchant sur son propre pied, attrapa sa cape et son écharpe sans couleur à la volée, avant de quitter la pièce en trombe, sans adresser le moindre mot à Scarlett et Suzanna, accaparée par une épique bataille de piques électriques. Kate préféra descendre les grands escaliers avec prudence pour éviter de s'étaler de nouveau sur les marches, cependant, elle perdit bien vite son orientation, perdue dans le dédale de sa propre école. Sur le chemin, elle croisa Peaves, occupé à envoyer des boulettes enflammées dans la fente d'un sac entrouvert d'une élève, trop affairée à la discussion pour remarquer que sa besace cramait. Kate profita de cet instant de loisir pour se faire discrète et éviter que l'esprit frappeur ne reporte son attention sur elle.

La bibliothèque était quasi-déserte : à une semaine de la rentrée, les élèves préféraient encore profiter de leurs maigres devoirs pour s'amuser plutôt que de se plonger dans quelques lectures absconses, telles que celles de l'Arithmancie en s'amusant, Sortilèges tordus pour sorciers aliénés ou encore Desperates HouseWitches – sortilèges de ménage à l'intention des sorcières maniaco-dépressives. Kate traversa la grande bibliothèque sombre, sous le regard scrutateur de Madame Pince, la vieille bibliothécaire aigrie qui prenait bien plus soin de ses livres que de sa réputation de vautour. Les plus jeunes sorciers étaient toujours mal vus, ceci à cause de leur sale manie d'utiliser les livres comme oreillers, pour cacher leurs manigances et leur intérêt peu probant pour leur contenu, sur lesquels ils gribouillaient des bonshommes animés. L'attraction des élèves demeurant le célèbre dessin de Severus Rogue se métamorphosant en limace à cornes roses dans le manuel des créatures magiques, sur la page du chapitre à propos du mode de reproduction des Licheurs.
Hermione était bien présente, affairée à une table, croulant sous les grimoires. Kate dut tousser à plusieurs reprises avant que la jeune femme ne la remarque.

— Ah, Kate ! s'exclama-t-elle à voix basse, arrachée à sa lecture. Viens, assieds-toi...

Elle tapota sur la chaise à côté d'elle et la fillette obtempéra, impressionnée d'être si près d'une grande héroïne.

— J'ai fait beaucoup de recherches concernant ta maison... Papillombre...
— Tout ça... ce sont des recherches ?! s'étrangla Kate en estimant le nombre de manuels empilés sur la table. Des recherches sur moi ?
— Tu penses... J'ai été naïve de croire que je trouverai ma réponse dans l'Histoire de Poudlard. Je l'aurais su. Je l'ai lu quatorze fois.
— En entier ?!

Hermione passa outre sa remarque et poursuivit son rapport :

— Je n'ai trouvé aucune référence à Papillombre. Ce mot n'est mentionné nul part. Alors, j'ai fouillé dans les archives, vérifier qu'il n'y avait pas eu de cas similaire au tien auparavant. Il n'a jamais été rapporté qu'un élève a été envoyé dans une cinquième maison. Là, j'essaie de trouver une piste en remontant sur les écrits qui parlent des fondateurs. Tout devrait partir de là... Si maison il y a, il existe forcément un fondateur derrière. Un sorcier qui a programmé cela depuis le Moyen-Âge.
— Et on ne peut juste pas penser que le Choixpeau est tellement vieux qu'il dit n'importe quoi ?
— Il est magique, il répond à un ensorcellement très puissant, l'éclaira Hermione, sérieuse. Même s'il est pourvu d'une quasi-conscience, le Choixpeau ne peut pas devenir fou... C'est tout bonnement impossible. Non, je préfère admettre qu'il y a un mystère derrière tout cela.

Kate hocha la tête avant de saisir le premier livre qui lui passait sous la main, sobrement intitulé Fondateurs & Fondatrices et prit l'initiative d'épauler son aînée dans les recherches. Elle relut l'histoire des quatre fondateurs, celle que le professeur Binns avait raconté lors de son cours introductif, hypnotisant à cette occasion une bonne moitié de la salle de classe. Pourtant, aucune trace ne permettait de poser l'hypothèse qu'un cinquième fondateur avait bel et bien existé. Rien, pas la moindre piste exploitable. Peu à peu démotivée, Kate se replongea dans ses pensées et ses soucis actuels. C'est alors qu'elle décida de faire appel aux très vastes connaissances d'Hermione :

— Hermione ?
— Oui, qu'y a-t-il ?
— Tu connais une certaine... Morgana MacNair ?

Aussitôt, la jeune femme se raidit et pivota vers la gamine, comme choquée qu'elle puisse poser une telle question aussi innocemment.

— Elle, je ne la connais pas...
— Mais ?

Kate avait relevé l'effet particulier que provoquait l'évocation du nom de sa nouvelle amie. Et elle désirait en connaître la cause.

— En revanche, je connais son père. Je l'ai déjà vu...
— Qui est-il ?
— Walden MacNair, déglutit Hermione. C'était... un Mangemort.

Un tremblement incoercible parcourut l'échine de la petite Kate.

— Qu'est-il devenu après la mort de... Voldemort ?
— Je n'en sais rien... Walden MacNair travaillait au Ministère de la Magie, en tant que bourreau à la commission d'examen des créatures dangereuses. Je l'ai empêché de tuer Buck, l'hippogriffe d'Hagrid...
— C'est pour ça qu'Hagrid a réagi comme ça quand Morgana a été appelée sous le Choixpeau ?
— Certainement... Pourquoi me poses-tu cette question ?

Trop honnête pour mentir face à une figure comme Hermione, Kate lui rapporta la globalité du problème. Après l'avoir attentivement écouté, son aînée ricana et lui répondit :

— Durant toute ma scolarité, je n'ai jamais eu de lien avec les Serpentards, si ce n'était que de la rivalité. Je n'arrive pas à concevoir ce genre d'amitié de mon point de vue... Enfin je m'exprime mal... Je veux dire, ce n'est pas impossible, mais ça me paraît absurde qu'un Gryffondor puisse se lier avec un enfant de Mangemort. C'est comme m'imaginer sortir avec Drago Malefoy, dans la catégorie de l'improbabilité !
— Je ne suis pas une vraie Gryffondor, lui rappela Kate, pragmatique.
— C'est vrai... Tu sais, je pense que personne ne devrait juger quelqu'un par rapport à ses parents. J'ai moi-même énormément souffert du jugement d'autrui, quand on méprisait mon père et ma mère, moldus.
— Je sais... mais j'ai l'impression que je suis la seule à le voir ainsi !
— Alors tu vaux mieux que tous les autres !

Kate fut tellement touchée par ce compliment provenant d'Hermione que son visage vira au cramoisi, sur le sourire discret de cette dernière, qui se voulait rassurante et compatissante. Le soupir soulagé de Kate se perdit dans les pages jaunies du manuel qu'elle referma avec lenteur.

— J'ai parfois l'impression de ne pas avoir ma place dans cette école, lui avoua-t-elle en bredouillant. Je n'ai pas de maison, je ne sais pas manier la magie correctement et je me rends compte que je ne connais pas grand chose à ce monde...
— Tu sais, Kate...

Hermione se réinstalla sur sa chaise, croisant ses grandes jambes enrobées de ses bas opaques.

— J'ai un ami qui, avant de poser le pied à Poudlard, ne savait même pas que le monde de la magie existait. Durant onze ans, il a vécu dans un placard, à l'écart des sorciers. Et le jour de la répartition, il est resté longtemps sous le Choixpeau et lui a demandé de ne pas l'envoyer à Serpentard. Le nom de cet ami est celui qui couvre la une de toutes les gazettes depuis trois mois... Harry Potter.

La prononciation de ce nom eut l'effet d'un Petrificus Totalus sur Kate. Comment diable pouvait-on la comparer à l'Elu, ceci par la bouche de sa plus grande amie, de surcroît.

— Sauf que... je ne suis pas Harry Potter ! balbutia-t-elle, déconcertée. 
— Bien heureusement pour toi, ricana-t-elle. Ce que j'essaie de te faire comprendre, c'est que ta provenance importe peu pour ton intégration. Qui que tu sois, Poudlard est ta maison, les amis que tu te feras sera ta famille. Il ne faut pas désespérer à ce point.
— J-je ne me fais pas de soucis pour Poudlard... Mais je suis nulle en magie ! Je suis peut-être une Cracmol !
— Tu as la chance d'avoir d'excellents professeurs cette année, qui seront là pour t'épauler. Et si tu as reçu ta lettre de Poudlard, c'est qu'il existe en toi un potentiel certain.

Hermione Granger lui paraissait si mature, si sage, que Kate se trouva sotte de se geindre ainsi auprès d'elle. Ce n'était pas digne d'une héroïne de guerre de recevoir les plaintes sans fondement d'une gamine, alors qu'elle avait traversé des mésaventures bien pire que les siennes. Si l'on exceptait peut-être ces mois, cloîtrée dans la cave de sa maison...

Ludo Mentis AciemWo Geschichten leben. Entdecke jetzt