Ludo Mentis Aciem

Chapitre 106 - Boogeyman

Des ruines, de la poussière, qui voletait dans le froid. Tout était gris. Tout avait repris sa place, comme sept ans auparavant. Poudlard n'était plus qu'un amoncellement de pierres glacées et brisées. Le lendemain de la guerre était passé depuis longtemps, mais l'école de sorcellerie était devenue le théâtre d'une bataille d'une autre ampleur. Un combat de titans.

Haletante, Kate traversa l'écran de fumée et de poussière qui encombrait ses bronches. Son corps la tiraillait. Elle saignait par endroits. Mais la colère et la détermination lui permettaient de tenir.

— Reviens !

Son cri résonna en écho dans les murs ébranlés de ce qui avait été son lieu d'études.

— Lâche !

— Comment peux-tu me traiter de lâche...

Elle leva le regard et croisa ses yeux orange.

— ... alors que c'est toi qui me traque.

— Tu ne peux pas vivre dans ce monde.

— Nous ne pouvons pas vivre dans ce monde.

— Je ne le fais pas de gaieté de cœur.

— Voilà donc une différence.

Par réflexe, Kate déploya son Immatériel quand elle vit la masse noire fondre sur elle, comme un faucon en piqué. La force exercée fut tellement puissante que ses pieds, ancrés dans le sol, en fissurèrent les pavés, qui s'enfoncèrent dans le sol. Elle répliqua d'un poing blanc pour le tenir à distance.

Elle profita de la seconde de latence pour le détailler. Emeric n'avait plus rien en commun avec celui qu'elle avait connu. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Ses yeux orange enfoncés dans ses orbites et n'ayant plus besoin de correction le lui prouvaient. Cela faisait des semaines qu'elle le poursuivait sans relâche.

C'était sa mission.

Ce monde ne pouvait pas vivre avec le cambion qu'elle avait laissé échapper. Les sillons de sang derrière elle étaient déjà bien trop nombreux.

Elle relança une offensive, mais les réflexes d'Emeric étaient surhumains. Les pierres, autour de lui, exhalaient d'une fumée noire, brouillant la vision. À un moment, après quelques échanges musclés, les doigts d'Emeric s'agrippèrent sur le cou de Kate. La vision qu'il lui insuffla la fit hurler. Ce n'était qu'un contact, mais elle le vivait comme une torture, comme projetée dans une autre dimension dans laquelle il lui faisait subir les pires supplices, des mois durant. Elle recula, toute tremblante, les larmes aux yeux, le corps endolori, et tenta de construire une cage autour d'Emeric en rassemblant des pierres avec l'Immatériel. Mais ce n'était qu'un vulgaire piège. Il était bien au-dessus de cela. Il était insensible à sa magie et les parades qu'elle tentait de mettre en place restaient bien trop faibles.

Pressentant qu'elle ne pouvait pas rester plus longtemps sur place au risque d'en mourir, Kate utilisa son Immatériel pour se propulser dans les airs afin de marquer une distance. Aussitôt derrière elle, Emeric délaissa sa forme humaine pour son Animgus de harfang. Il la rattrapa sans mal et ses serres agrippèrent ses cheveux. L'Immatériel en Kate bouillonnait en elle, à cause de ce chaos d'émotions et de douleurs. Elle tenta de lui arracher une aile à la force des mains, elle n'en garda que quelques plumes. De son bec, le harfang cherchait à lui crever les yeux, mais se protégeant ou réagissant, il n'entamait que ses pommettes et ses arcades sourcilières.

Ne maîtrisant plus son vol et ses pouvoirs, ils s'écrasèrent tous les deux, percutant la base d'un mur dans un fracas tonitruant. Le corps de Kate roula dans la poussière. Ses vêtements comme sa peau étaient lacérés par endroits. Une part d'elle refusait de se lever. Qu'il l'achève, là, maintenant, ici, sur les ruines de son enfance recomposée.