Chapitre 89 - Comme la révérence ouvre la danse

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— Le dîner est servi, moujingue !

Kate ne répondit pas à l'appel. Elle savait que son père saurait attendre. Depuis leur retour de la chasse, l'ambiance à Carlton était encore plus tendue que cela ne l'était possible depuis le départ de Grace. La famille semblait disloquée.
Sa chambre était vide. Maggie n'était pas encore revenue ; malgré tous les événements, le jour de l'an à Rome organisé pour l'anniversaire de Terry n'avait pas été annulé. Elle lui avait d'ailleurs envoyé une très belle photo, accompagnée d'une lettre. L'image animée avait été, semble-t-il, prise par eux-mêmes, alors qu'ils traversaient un pont, au-dessus du Tibre, près du Vatican. Les cheveux courts de Maggie furent un premier temps étonnants, mais Kate s'y habitua. Terry comme Maggie, tous les deux semblaient être heureux. Ils souriaient sans cesse, blaguaient, tiraient la langue en synchronisation, ou s'embrassaient avec tendresse. Derrière le cliché, Maggie avait marqué un petit mot :

« Tout ça, c'est grâce à toi.
xoxo »

Mais Kate en avait la gorge serrée. C'était vrai et faux à la fois. Elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler l'incident avec Terry, ce moment de folie, de passion incomprise. Kate savait qu'elle n'avait pas de sentiment pour son meilleur ami. Qu'est-ce qui l'avait poussée à commettre une telle bêtise ? Elle ne comprenait pas. Surtout le fait qu'elle n'avait pas eu l'impression de trahir Maggie...

— Moujingue, bouge-toi le cul ! Et que ça saute !

Kate soupira en reposant la photo sur son bureau. Abby était déjà couchée. Le dîner allait s'annoncer être un tête-à-tête dans la cuisine.
Dans un premier temps, Phil comme Kate mangèrent leur morceau d'omelette sans mot dire. Mais cela faisait trop longtemps que le sujet couvait. Phil ne pouvait plus tenir ; il reposa sa fourchette dans son assiette.

— Il faut qu'on discute de ce qu'il s'est produit. Avec les Harpies.
— Il n'y a rien à dire. J'ai fait la mission. Et tout s'est déroulé à merveille.
— À merveille ? Kate, notre mission est d'éliminer les créatures dangereuses. Pas de les torturer ! Tu sais que c'est passible de sanction si Armbreaker l'apprend ?
— Et il va l'apprendre ?
— Non.
— Bon, bah alors, qu'est-ce que tu viens me faire chier avec.

Elle lampa une gorgée d'eau et réattaqua son assiette sans accorder un seul regard à son père, perturbé.

— Je sais qu'on n'est pas très doués en communication dans cette famille... poursuivit-il.

Les yeux de Kate roulèrent dans ses orbites.

— ... mais je suis très soucieux. Te concernant.
— Je vais bien, papa.
— Non, tu ne vas pas bien. Tu es... moins lumineuse.
— Je ne suis pas une putain de luciole.
— Et calme ton vocabulaire, tu veux ?
— J'ai été élevée à la bonne enseigne. Les dragons ne font pas des licornes, comme tu dis.
— Kate... S'il te plaît, sois sérieuse. Je m'inquiète pour toi. Je sais que nous... que tu as traversé des choses très difficiles, dernièrement. Mais je suis là pour toi, tu le sais ? Même si honnêtement, parfois, je ne sais pas comment me comporter avec toi ! Si je dois t'engueuler, te bichonner...
— Sois comme tu es. Ça sera plus simple.

Une question le taraudait : il la lui posa sans détour.

— Tu penses que tu irais mieux sans tes pouvoirs ?

Kate leva des yeux interrogatifs vers lui. Mais Phil affichait l'air le plus sérieux du monde. Elle trembla :

— Je ne sais pas... Oui, je pense. Sûrement.
— Ils te font du mal ?
— Ils font du mal aux personnes que j'aime.

Il y eut un silence avant que Phil ne se lance à l'eau :

— Si je te dis qu'il y a potentiellement un moyen de te les enlever ?
— Je me moqueraiss ouvertement de toi !

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant