Chapitre 10 - L'épreuve du sphinx

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Kate se raidit, un frisson parcourant son échine menacée, et déglutit, sans qu'elle ne puisse se retenir de faire volte-face. Son regard se posa en premier lieu sur l'insigne des Gryffondors, cousu à la poitrine du chemisier. Puis, les reliefs de la face de son interlocuteur surlignés par la Lune, son regard dissimulé par les ténèbres de sa frange foncée, Kate le reconnut néanmoins par l'intonation si caractéristique de sa voix.

— M-Morgana ?

Un éclat chatoya l'instant d'un seconde dans le regard d'acier de la jeune Serpentard, la baguette toujours brandie.

 Alligaveritis !

Un flash vert projeta Kate contre l'arbre le plus proche, lui coupant le souffle. Le temps qu'elle reprenne conscience de la situation que des lianes de lierre la ligotèrent au tronc, maintenant ses mains éloignées de ses poches.

— Morgana ! Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu fais ?! Relâche-moi !
— Hors de question...
— Tu... tu n'es plus toi-même !
— Si ! clamait Morgana en s'approchant d'un air dantesque, la baguette rapprochée de sa poitrine, mais toujours pointée vers Kate. Pour la première fois depuis le début, je suis vraiment moi !

Kate haletait, les cordes végétales étranglant son cou, tendues sur les reliefs palpitants de sa gorge. Des larmes d'incompréhension commencèrent à lui monter aux yeux.

— Tu n'as... Tu portes la tenue des Gryffondors !
— Oh, ça ? ricana-t-elle dans un sourire sournois, écartant un pan de sa cape noire pour mieux montrer le blason rouge et or. Simmons laisse trop traîner ses affaires... Elle a trop l'habitude de les perdre !

L'uniforme de Suzanna... 

— Pourquoi ? sanglotait Kate. Pourquoi tu fais ça ? Nous sommes amies !
— Nous n'avons jamais été amies ! cracha Morgana. Et je n'ai aucune explication à te donner ! 

La baguette de la fillette oscillait entre ses doigts : elle semblait retenir ses émotions. Non pas de peur, mais de joie. Effrayée et affectée, mais gardant courage, Kate tenta du bout des doigts d'atteindre sa propre baguette. Mais impossible de remuer son bras, immobilisé par les branchages qui enchaînaient son corps entier. Elle n'avait qu'un dernier recours...

— Tu ne mérites qu'une chose : de mourir ! Le plus vite possible ! Et si les animaux de la forêt n'en ont pas été capables, alors... je le ferai moi-même !

Un sourire terrifiant et vacillant s'étira sur les lèvres noircies de Morgana, alors que Kate encaissait chacune de ses assertions comme un coup de poing en plein ventre. Les dernières bribes de raison de la jeune fille assujettie coulèrent le long de ses bras, en une intense concentration. Comme un filet d'eau glacé qui suintait à la surface de sa peau en suivant le tracé de ses musclés crispés. Une fine lueur blanche commença à émaner à la surface de ses doigts égratignés, tandis que Morgana articulait lentement, mesurant sa formule :

— Avada...

La lumière diaphane s'intensifia soudainement autour des mains de Kate. Et les lianes claquèrent d'un seul coup, comme tranchées autour de la silhouette de la fillette.

— ...kedevra !

L'éclair vert éclata dans le tronc dans un nuage d'échardes et de morceaux d'écorces. Kate, qui avait évité l'attaque fatale de justesse, se rua sur Morgana. Une haine sans nom lui saisissait les entrailles. Pourquoi ?! Pourquoi ne lui expliquait-on jamais rien ? Pourquoi lui cachait-on tant de choses qui pourtant la concernaient ? Pourquoi voulait-on la tuer ? Pourquoi ?!
Elle écarta d'une brassée le bras armé de Morgana et chercha à lui porter un coup à la tête, alors que la Serpentard, troublée par ce retournement de situation, cherchait à se débattre et à s'échapper, mais perdit son équilibre. Kate retomba de tout son poids vers elle, la paume luisante aux doigts écartés tendue vers elle. Et lorsque sa peau blanchie entra en contact avec le front pâle de Morgana, une secousse douloureuse lui étreignait son membre, semblable à un puissant jus d'électricité statique. Et une image noircie et brumeuse naquit au creux de son crâne...

***



McNair. Tu es une McNair. Jusqu'aux bout de tes ongles rongés. Jusqu'à la pointe de tes cheveux sombres. Dans le moindre éclat d'acier de tes yeux gris. Tu es une McNair.

Oppressée. Un avenir qui sans cesse te ramène à tes sources. Car il est tout tracé. Tout est dans ton sang. Un Sang-Pur. Que tu dois préserver. Quoiqu'il t'en coûte. Quoique tu en décides. Tes origines sont plus fortes que tes choix.
Tiens-toi droite. Ta baguette ne doit pas bouger. Ne plisse pas les yeux. Ne souris pas. Ne laisse transparaître aucune émotion. Tu n'as pas le droit de crier, même si tes hurlements te lacèrent la gorge. Ne prononce que les mots que les autres désirent entendre. Tu es eux, avant d'être toi, mais tu es avant tout une McNair.
La force n'est pas celle que les autres montrent. Celles que les gens exposent pour se la prouver. Des actes secrets. Qui te poussent à ruser. Tant que ton cœur est fort, rien ni personne ne te surpassera.

— M'aimes-tu, ma fille ?
— Oui, père, je vous aime. Plus que tout au monde.
— Quoique je fasse ?
— Vous ne le faites pas pour vous, père. Vous le faites par devoir...
— Oui... C'est une obligation. 
— Parce que nous sommes des McNair ?
— Parce que nous sommes des McNair.

Ne réagis devant rien. Porte ton masque nuit et jour, même tes cauchemars ne doivent te trahir.
Et si quelqu'un vient à briser ta défense, vient à piétiner ta force, fais en sorte de te venger.
« Son visage. Il ne peut pas disparaître. Il ne faut pas l'oublier. Nous sommes tous des hommes de tort, mais des hommes avant tout. Cette erreur de parcours... méritait-il d'y laisser la vie ? Dans cette cave ?! Parrain, pourquoi ?! Pourquoi ai-je envie, plus que de tuer, me venger de cette souffrance ?! Je veux sa peau. Je veux sa fille. Je veux le priver de ce qui lui est cher. La faire disparaître, afin qu'il ne fasse jamais son deuil. Il n'avait pas le droit de vie ou de mort sur toi... Pas maintenant... »

— Hmm... Tes projets qui te hantent témoignent de ta force d'esprit. Le désir de l'accomplissement plus que de la gloire du dénouement... Ton ambition est d'envergure. Une noblesse pure, entachée par le passé des autres. Tu as subi de nombreuses choses, peut-être est-ce pour cela que tes pensées sont si noires. Intellect brillant n'en a plus faire d'attendre son heure quand le chemin y est tout tracé, n'est-ce pas ? SERPENTARD !

Kate Whisper. Kate Whisper. Je veux la tuer. Je veux qu'elle ne vive plus. Je dois ruser. Je dois briser son cœur afin d'envoyer les cendres à son parjure de père...
La vie n'est plus rien si ce n'est de la poussière. Que tu foules pour chercher sa trace. Son nom te hante. Kate Whisper. Il te hante tellement que tu perds ton masque la nuit. Et que tu souris en imaginant son cadavre à tes pieds et les larmes de son père. Douce vengeance. Litanie des jours heureux. Dors, dors, petite Whisper. Le serpent silencieux rampe à tes côtés. L'ombre rôde sous ton lit. Là où tu t'y attends le moins...
Les amis ne sont que les personnes avec lesquelles on partage un intérêt commun. Des valeurs. Des morales. Des principes. Non pas des paroles creuses. Des larmes ou des rires. Tout n'est que superficialité dans leur stupide amitié. Les liens du sang sont plus purs que tout.

— Il faut que les citrouilles me blessent, je dois rester dans la salle. Vous vous en occupez. Je me charge de Whisper... Elle ne doit pas être là... J'ai une potion, je la mettrai dans une boisson. Il faut qu'ils pensent qu'elle est une éventuelle coupable. Moins elle aura de liens, plus elle sera vulnérable. Il faut que je m'approche au plus près...

Et ne verse ton sang qu'au service de ton nom. Rien d'autre.
Arrache-toi les yeux plutôt que de pleurer. Coupe tes cordes vocales plutôt que de crier. Souffre plutôt que de vivre... Tant que tu n'auras pas prouvé qui es tu es véritablement. Tu es une McNair.

— Tu as ce que je t'ai demandé, Rosier ?
— Juffbigles est peut-être un abruti, mais il a tout sur lui... Tiens... Voilà.
— C'est... du polynectar ?
— Oui, Prince... Nous devons en user avec grande précaution. Nous n'avons que deux fioles...
— Quel est ton plan, McNair ?
— Trouvez Dawkins... Arrachez des mèches à Boucles d'Or...

Manie le masque aussi bien d'une baguette. Il doit être aussi acéré qu'une lame. Perfectionne-le. Tu es eux avant d'être toi...
« Comment vais-je faire ? La brûler ? La noyer, peut-être... Lui faire avaler de la boue jusqu'à ce qu'elle en étouffe... Jeter son corps dans le lac... »

— Je t'ai cherchée partout durant près d'une demi-heure ! J'en ai presque abîmé mes jolis souliers ! Qu'est-ce que tu fais ici ? 
— Eh bien... J'attends pour ma retenue avec Wolffhart.
— Ah ? D'accord...
— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je pensais qu'on aurait pu aller exploser des crapauds ensemble ce soir !
— Hem, non, ça ne va pas être possible. Je doute que Wolffhart me laisse partir en avance et je risque d'être encore plus punie si je sèche ma retenue !
— Quel dommage...
— Je croyais que tu étais fâchée contre moi ?
— Je le suis toujours. Je trouvais que les crapauds étaient un bon terrain de réconciliation.
— ... tu es trop lunatique, Maggie. C'est... étrange...

La rage qui bouillonne dans tes veines. Elle palpite à la surface de ta peau pantelante. Ne te laisse pas envahir par les émotions. Reste aussi lucide que ton sang n'est pur... L'échec n'est que temporaire. La vengeance est un plat qui se mange froid. Et bien assaisonné. 
Tout n'est qu'étape. Rabats-toi sur le lapin avant de chasser l'ours. Tout n'est qu'ordre, qu'une chaîne alimentaire. Ou tu décides de qui sera mangé le premier...

— Ginny Weasley. Nous devons la faire descendre de son nuage de petite héroïne... La descendre tout court.
— Tu sais ensorceler un balai ?
— Je peux tout contrôler... Et ton esprit aussi si tu ne marches pas avec moi, Rosier...
— McNair. Là-bas... Dawkins... J-je crois qu'elle nous a entendu... !
— Non ! Non ! Ne lui courrez pas après ! Pas tout de suite... C'est une lâche... Elle n'en dira rien. Au contraire... Servons-nous d'elle... Brisons une fois pour toute le lien entre elle et cette bâtarde de Whisper...

Ton petit corps nu est blanc. Aussi blanc que la neige immaculée. Et tes yeux, deux perles de mercure à la surface de la poudreuse. Même le miroir ne parvient à défaire ton masque. Tu t'es tellement laissée prendre au jeu que tu ne te reconnais plus. Et quand tu t'observes ainsi, tu n'as que l'apparence d'une fillette sans forme. Un angelot aux cheveux sombres. Au cœur vicié par la haine de l'autre. Ces autres qui l'ont perforé.
— Paf ! Fait ta main lorsqu'elle percute ta poitrine dans une éclatée de doigts, avant de rire.
Petit cœur noir a trépassé. Papa sera content. Surtout quand tu auras arraché celui de Whisper pour remplacer celui qui te manque.

— C'est trop facile... Simmons laisse trop traîner ses affaires...
— Et laissez-moi donc voir... Quelle surprise, elle y a laissé ses cheveux...
— Le polynectar ? La deuxième fiole ? Qu'est-ce que tu voudrais faire avec l'apparence de Simmons ?
— Mettre à exécution ce dont je rêve... Enfin. Me débarrasser de Whisper. Donner sa chair en pâture, aux créatures noires de la forêt... Et qu'ils se fassent un collier avec ses boyaux...

Cours. Cours derrière moi Whisper. La scène est si comique. L'agneau qui tente de rattraper le loup sur son terrain de chasse. Viens Whisper... Nous allons bien nous amuser. Cours derrière moi. Ton père retrouvera tes morceaux sur tes derniers pas...
Je ne mourrai que lorsque j'aurai ta mort à l'esprit, Whisper. Je ne vis pas autrement.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now