Chapitre 95 - Papa

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La guerre éclata le lendemain, comme un affront à la magie de cette période. La Pologne fut la première touchée, mais nous savions que la peste ne ferait que s'étendre davantage.
En cette période charnière, j'avais aidé Élise à récupérer quelques machines, dans l'ancienne imprimerie de son père. Lui et ses fils avaient été déportés le jour suivant la Nuit de Cristal. Les journaux faisaient toujours frémir les esprits fermés. Les mots méritaient de brûler dans l'oubli plutôt que d'être partagés. Et Élise, incapable de rester stoïque face à tout cela, n'était pas de cet avis. Elle s'est ainsi lancée dans la fabrication d'un journal clandestin, dans l'une des pièces de l'appartement. J'avais protégé l'entrée avec un sortilège, de sorte à ce que la porte n'apparaisse qu'à ceux qui avaient en leur possession une vieille cuillère en argent gravée que j'avais ensorcelée. Un lot de quatre : une pour moi, une pour Élise, une pour Kate, une pour les Silberfalken. Personne ne devait savoir que nous étions là. Les Moldus qui défilaient dans la grande bâtisse voyaient désormais un long mur de couloir, ayant magiquement oublié l'existence d'un appartement à cet emplacement.
Aussi, mon départ pour une mission spéciale ne fut pas particulièrement bien accueilli par Kate :

— Tu m'avais promis que tu ne partirais pas ! s'énerva-t-elle, le visage rougi de colère, les poings serrés au bout de ses bras tendus, alors que je revêtais mon grand manteau de feutre.
— Je n'ai rien promis du tout, répliquai-je avec une mine grave.
— Papa doit travailler, lui expliqua Élise, plus loin. Et accessoirement sauver le monde. Et ramener du pain s'il y pense.

Je grommelai pour seule réponse. Puis, je tentai de rassurer la fillette :

— Je reviens probablement cette nuit. Tu dormiras.
— Tu pars loin ?
— Très loin.
— Tu prends le balai volant ?
— Heureusement que je sais de quoi vous parlez, sinon, je vous aurais pris pour des fous ! pouffa Élise.

D'une main amusée, je frottai la tête échevelée de Kate.

— Par contre, promis, je reviendrai.
— T'as intérêt, papa !
— Je suis d'accord avec elle, renchérit Élise. Tu as intérêt ! Et n'oublie pas le pain !
— Oui, j'ai compris.

Après avoir rejoint le QG des Silberfalken, je transplanai en seule compagnie de Mausen. Depuis l'enlèvement de Schwartzmann, j'avais profité d'une promotion dont je me serai entièrement passé, du fait de mes facultés linguistiques. D'autant plus que la destination ne m'enchantait pas particulièrement : la Grande-Bretagne. Celle que père avait toujours dénigré ouvertement.
Le rendez-vous avait été donné dans l'école de sorcellerie de Poudlard. La bâtisse n'était pas désagréable à arpenter, d'autant plus qu'elle était en partie vidée de ses élèves avec les vacances de Noël. Mais je n'aurais jamais été prêt à échanger cette école contre la mienne : Durmstrang resterait le seul véritable établissement digne de ce nom.
Après avoir donné un mot de passe ridicule à une statue de griffon, nous grimpâmes dans le bureau du directeur : le célèbre Albus Dumbledore. L'homme nous accueillit chaleureusement. Le bougre paraissait avoir une quarantaine bien entamée. D'apparence débonnaire et chaleureuse, on devinait pourtant à son regard bleu, par-dessus ses lunettes en demi-lunes, qu'on avait affaire à un sorcier d'exception. Réfléchi, sérieux, rationnel. Puissant.
Nous nous assîmes en refusant poliment les bonbons au citron qu'il nous proposa dans une petite coupelle volante. Pour ma part, je m'abstins de réponse. Je n'appréciais pas ses yeux inquisiteurs. Ses manières. Le personnage tout entier me révulsait. Certainement du fait que mon père m'avait inculqué ce dégoût des britanniques. Mais, d'une manière très paradoxale, il me fascinait.

— Merci de nous recevoir aujourd'hui, Albus, articula Mausen, imperturbable, dans un anglais balbutiant.
— Tout le plaisir est pour moi, Rolf. Bien que les circonstances ne soient pas les plus plaisantes, je l'admets.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now