Chapitre 2 - L'éveil du Choixpeau

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Les Moldus étaient-ils bêtes au point d'ignorer chaque 1er septembre ces élèves qui se baladaient avec des chariots chargés de valises en cuir, avec parfois à son bord des chats voire des hiboux ? Kate nageait dans cette question alors qu'elle traversait la gare de King's Cross. La famille avait quitté Carlton à l'aube pour prendre la voiture en direction de Londres. Mais la fillette n'avait pas fermé l'oeil du voyage et s'était levée d'un bond lorsque sa mère avait frappé à la porte de sa chambre, dérangeant d'un coup de pied le pauvre Mister Minnows qui commençait à peine à s'habituer à sa nouvelle maison. Il avait gratifié à sa nouvelle maîtresse un regard chargé de mépris avant de descendre du lit, l'air altier. Cinq minutes avaient suffi à la jeune Kate pour paraître devant la porte d'entrée, parée à partir, après avoir traîné ses grosses valises dans l'escalier sans prendre garde à ne pas les abîmer. Tandis que ses parents se réveillaient encore à gorgées de café, son père, l'air asthénique, tournant sa cuillère à l'aide de la magie de son doigt quasi inerte. La réveiller au dernier moment aurait été plus judicieux...

Ses initiales, K.W., étaient clouées en lettres métallisées sur le devant de sa plus grosse valise. Par-dessus, une mallette plus petite et la cage de Mister Minnows. Le chat, à son expression grave, semblait fomenter un plan de vengeance pour punir les humains qui avaient osé le remettre derrière les barreaux. Kate avait délibérément refusé que son père pousse le chariot à sa place. Cela faisait parti du rite qu'elle s'était inventé. Néanmoins, Phil tenait sa fille par l'épaule et enlaçait celles de son épouse de son autre bras. Grace camouflait tant bien que mal son angoisse en se massant le bout des doigts. Voir sa fille partir aussi loin, aussi longtemps, après les récents événements, la plongeait dans un état de grande inquiétude. Mais Phil lui avait assuré que Kate ne risquait rien à Poudlard, qu'elle y serait en sécurité plus que tout autre endroit. Par son statut de Moldue, Grace ne pouvait rien en savoir et dut faire confiance à son mari malgré ses craintes.

— C'est ça... le fameux mur dont tu m'as toujours parlé ? lui demanda-t-elle, curieuse, lorsqu'ils furent arrivés devant la barrière magique qui séparait les quais 9 et 10. [1]
— Lui-même ! clama-t-il, une once de nostalgie traversant son regard. Mesdames, prêtes pour le grand saut ?

Elles n'eurent pas le temps de répondre qu'il les entraîna dans la course qui les conduiraient à percuter le mur. Tandis que sa mère lâcha à ce qui aurait pu ressembler autant à un rire qu'à un cri d'effroi, Kate souriait à pleines dents, ne fermant les yeux que la seconde de l'impact. Et lorsqu'elle ouvrit les paupières, sa vue fut assaillie de teintes rouges, brunes et grises. Une locomotive crachait des fumerolles blanches. Placardés sur son devant, le numéro 5972 et son nom : le Poudlard Express. La voie 9 ¾.

— Viens, on va te trouver une place, la pressa son père en exerçant une légère pression sur son omoplate. 

Elle observait tour à tour ces nombreux élèves. Certains avaient déjà revêtus leurs robes de sorcier, alors que Kate avait gardé son petit chemisier rose pâle. Des emblèmes de maison ornaient déjà les valises des plus âgés. Cela la faisait rêver. Se frayer un chemin entre les élèves et leurs parents étaient parfois chose ardue tellement le quai était encombré. Mais malgré la joie générale, elle percevait le chagrin sur certains visages. Ceux qui avaient assisté aux horreurs commises à Poudlard, qui avaient vu mourir des amis sous leurs yeux...

— Vise-moi un peu ça ! se hâblait un élève assez âgé à la cravate rayée jaune et noire en montrant l'insigne cousu sur sa poitrine. Préfet, mon pote ! Les premières années vont pleurer avec moi !

Bien. Maintenant, il fallait simplement prier de ne pas se retrouver à Poufsouffle !

— Papa, tu reconnais des gens ? le questionna la petite fille en levant le visage vers Phil.

Ce dernier balaya les environs d'un bref regard.

— De vue, quelques uns. Ça me fait étrange de les voir parents eux aussi. Tu vois cette dame là-bas, en tailleur bleu ?

Une femme très élégante, au style soigné et raffiné, remontait le col de son fils qui arborait les armoiries de Serdaigle.

— J'avais ensorcelé son Ballongomme du Bullard [2] et sa bulle avait été si grosse que, lorsqu'elle avait éclaté, elle en avait sur tout le tour de sa tête ! Le sort avait été tellement efficace qu'ils ont du lui couper les cheveux pour lui refaire pousser ensuite !

Tous deux rirent aux éclats, l'un se remémorant la scène, l'autre se l'imaginant, sous le regard désespéré de la mère de famille.

— Heureusement que j'ai encore espoir que Kate grandisse, sinon, ça serait peine perdue, soupira-t-elle dans un sourire.

Un contrôleur du train, monsieur au visage débordant de bonhomie avec un badge magique de Poudlard accroché à son veston de gare, les accosta.

— Vous pouvez laissez vos affaires ici, mademoiselle, je m'en occupe.
— Merci, bredouilla Kate en lui cédant le chariot.

Elle s'apprêtait à lui demander de transférer la cage de Mister Minnows avec précaution, mais il s'éloignait déjà, avec à son bord un chat particulièrement mécontent d'être traité comme de la marchandise. Elle lui accorda un petit signe de la main, espérant que son animal de compagnie le lui pardonnerait un jour. 
La famille s'arrêta devant la portière d'un wagon et échangèrent quelques regards.

— Eh bien voilà... c'est le début de la fin !
— Vous m'écrirez des lettres ? leur demanda-t-elle, inquiète.
— Aussi souvent que possible, je te le promets, lui répondit son père.
Tiens, encore une promesse. Là tiendrait-elle cette fois ? Le défi était lancé...
— Ça dépend surtout de la flemme de Littleclaws, précisa-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son jean. 

Sa mère fut la première à la prendre dans ses bras, aussi émue l'une que l'autre. Lorsqu'elles se détachèrent, Grace porta ses mains à la nuque et retira son collier, une chaîne en or qui supportait un disque en améthyste. Un bijou que Kate avait toujours connu chez sa mère, comme si elle était née avec. Grace souleva les boucles brunes de sa fille et lia le fermoir de la chaîne, alors que les doigts de Kate se refermèrent sur le pendentif.

— Même si nous n'allons pas nous voir durant des mois... tu sais que je suis toujours avec toi ma chérie... Je ne suis peut-être qu'une Moldue, comme le dit ton idiot de père, mais les mères ont ce pouvoir magique de toujours pouvoir veiller sur leurs enfants, qu'elles soient des sorcières ou non. 
— Ces Moldus sont des êtres incroyables, nasilla Phil. Quand il y a de la magie, il ne la voit pas, et quand elle n'est pas là, ils doivent l'inventer. Décidément, ils me surprendront toujours !

Se redressant, Grace lui fit grâce d'un petit coup de coude dans le bras, accompagné d'un sourire aux coins de ses grandes lèvres. Elle avait bien l'habitude de ce genre de remarque de la part de son mari. Cette complicité rivale, Kate l'avait toujours connue et appréciée. Au fond d'eux, ses parents étaient de véritables gamins, aucun des deux n'avait réellement grandi.
Puis, Phil s'accroupit afin de paraître légèrement plus bas que sa fille qui le fixait de ses grands yeux gris. Il n'avait jamais été très doué pour parler dans ces moments-là, ce qui lui valut quelques difficulté à entamer ses paroles :

— Je serai bref... Ne fréquente pas ceux qui sont en rapport avec les Mangemorts et casse les noix aux garçons qui t'approchent de trop près, ou je m'en chargerai moi-même ! À coups de cognards !
— Chéri, elle est trop jeune pour se préoccuper de ces choses-là, voyons !
— Et sinon, suivre les cours et rapporter de bons résultats me paraît très bien aussi !

Ils partagèrent un sourire avant que Kate ne se jette dans ses bras, menaçant de le faire tomber en arrière. Phil caressa d'une main conciliante la chevelure de sa fille. Il ne se le pardonnerait jamais s'il lui arrivait malheur, par sa faute de surcroît... 
La locomotive siffla et mit fin à leur étreinte. Phil lui attrapa la main et lui glissa quelques mornilles dans sa paume, afin qu'elle puisse s'acheter des friandises dans le train.

— Allez, file ! Dépêche-toi !

Il déposa un baiser sur le front de Kate avant que celle-ci ne grimpe les marches de la portière. Se retournant une dernière fois, elle leur adressa un dernier signe de la main, auxquels ils répondirent, le sourire aux lèvres. Quelques élèves discutaient dans le couloir étroit, sans prendre place dans les compartiments. D'un bref regard, Kate examina le premier à sa gauche : il y avait une fille, les cheveux blonds et bouclés attachés à la tempe avec une barrette verte, telle une poupée. Son profil coquet et légèrement malicieux lui rappelait vaguement quelque chose... Jetant sa timidité au fond de son placard intérieur, elle ouvrit la porte coulissante et s'assit dans la banquette d'en face. L'autre fille l'ignora un temps, observant d'un regard presque indifférent le couple devant la fenêtre qui semblait lui parler. Plus loin, en arrière-plan, Phil adressa un regard complice à sa fille avant de se moquer discrètement de ces deux personnes trop soucieuses.

— Ce sont tes parents ? demanda Kate à l'autre petite fille.
— Je crains bien que oui, soupira-t-elle sans lui accorder le moindre coup d'oeil. 

Elle les dédaignait avec tant de désinvolture naturelle que cela en devenait édifiant.

— Poudlard est une libération pour moi face à ces deux énergumènes.

Le train commença à coulisser lentement sur les rails. Kate se pencha à la fenêtre, le temps d'échanger de derniers au revoir avec ses parents. La fillette d'en face pivota enfin la tête vers elle, après avoir concédé un geste cordial à ses parents qui suivaient la fenêtre malgré l'avancée du train :

— Tu t'appelles Kate, c'est cela ?

Kate se raidit et blêmit alors que l'autre la dévisageait dans un sourire grandissant sous ses larges pommettes. 

— C-comment le sais-tu ? cafouilla-t-elle.
— J'ai entendu ton père t'appeler ainsi dans la boutique de Madame Guipure. Nous y étions le même jour.

Ça lui revenait désormais. La fillette blonde entourée de ses deux parents à l'affût du moindre détail de travers. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt. 

— Mon nom est Maggie Dawkins, se présenta-t-elle.
— Kate Whisper.

Maggie ricana :

— Toi, tu vas pouvoir attendre longtemps durant la distribution des maisons !

En effet, de ce point de vue alphabétique, Kate serait dans les dernières à passer sous le Choixpeau. Le suspens et l'attente seraient insupportables...

— A moins que tu saches déjà où tu seras envoyée.
— Je ne comprends pas...
- Tu sais, les familles de sorciers. Souvent, elles vont toute dans la même maison de génération en génération. Par exemple, pour moi, je suis quasi-certaine à Gryffondor. C'est ainsi dans ma famille depuis le XVIIIème siècle !

Sur cette assertion, Kate réfléchit alors que le train quittait le centre de Londres. Son père avait été à Serpentard et ses grands-paternels étaient tous deux issus de Serdaigle, ce qui ne possédait aucune signification et ne lui certifiait aucune maison.
Mais le bruit de la porte coulissante la détourna de sa méditation, la tête d'un garçon au visage carré s'infiltrant dans l'embrasure.

— Ca ne vous dérange pas que je vienne ? Ils sont vraiment trop bruyants dans le compartiment à côté !

Il n'attendit ni la réponse ni l'accord des deux filles pour pénétrer dans la subdivision du wagon, en compagnie d'une autre fille, et s'assit sur la même banquette que Kate qui le dévisagea en se poussant davantage vers la fenêtre, comme si le contact lui faisait peur. Ses cheveux mordorés étaient ordonnés avec soin sur sa large tête. Lui non plus de portait ni robe, ni insigne. Pourtant, il paraissait plus vieux qu'un premier année de onze ans.

— Mais... je t'en prie ! soutint Maggie dans un sourire presque sarcastique.
— Que se passe-t-il à côté ? le questionna Kate d'une petite voix. 
— Il y en a déjà qui s'entendent à merveille et qui s'amusent à faire les idiots ! Je ne pourrai pas les supporter durant sept heures de voyage !

Puis, Kate observa, en se penchant, la fille toute frêle qui s'était assise plus loin, silencieuse. Ses longs cheveux auburn étaient fixés à l'aide de baguettes à l'arrière de sa tête et chutait dans une harmonieuse cascade de boucles qui mettait en valeur son visage poupin et pâle. Plongée dans la lecture de son livre Mille herbes et champignons magiques, la jeune fille ne daigna pas leur accorder le moindre regard ou la moindre parole.

— Au fait, je ne me suis même pas présenté ! s'exclama le garçon en tapant sa cuisse. Je m'appelle Terry Diggle.
— Diggle, Diggle, répéta Maggie en plissant les yeux, comme une ultime concentration.

On aurait pu croire qu'elle avait avalé un gnome au poivre de travers, car il semblait que ses oreilles allaient fumer tant elle réfléchissait à en devenir écarlate.

— J'ai lu ton nom dans un numéro de la Gazette du Sorcier cet été ! explosa-t-elle.

Terry écarquilla les yeux devant son cri.

— O-oui, c'est probable ! bredouilla-t-il. Mon père est fonctionnaire au Ministère de la Magie et il faisait parti de l'Ordre du Phénix. [3]
— L'Ordre du Phénix ? s'émerveilla Kate. C'est un héros ton père !
— Eh bien, crois-moi, ce n'est pas simple la vie de fils de héros, répondit-il, plutôt amer.

Une vague de peine défila sur ses prunelles, vite chassée par un nouveau sourire chaleureux.

— Mais c'est incroyable comment mon père me parle d'Harry Potter ! Quand il l'a rencontré dans la première fois au Chaudron Baveur...

Terry se lança dans un interminable monologue sur son père et l'élu qui avait sauvé le monde des sorciers. Kate buvait ses paroles, admirative, tandis que Maggie s'en lassa bien rapidement, détournant son regard vers le paysage vert et gris qui défilait à la fenêtre. La petite fille au livre ne semblait pas avoir bougé d'un pouce durant tout ce temps.

— Tu sais, tu n'es pas le seul à avoir un père prodigieux, lança Maggie que Terry eut bouclé son discours par la bataille de Poudlard où son père combattit sur le front.
— Ah ?
— Mon père est le fils de Hector Dawkins.
— C'est qui lui ? grommela Terry en fronçant ses épais sourcils blonds.
— L'inventeur des Multiplettes, bande d'ignares ! Vous savez, les lunettes pour le Quidditch qui permettent de zoomer et de rejouer des scènes au ralenti. [4]
— C'est vrai ? s'extasia Kate, toujours aussi éberluée par chacune de ses découvertes magiques comme une véritable candide.
— Et alors ? rebondit Terry, qui ne voyait pas où est-ce que Maggie voulait en venir. C'est quoi le rapport avec ton père.
— Aucun. Juste que mon père est très riche et cela suffit.

Terry et Kate échangèrent un regard, ne sachant si la situation prêtait à rire ou à ne rien dire de peur de la vexer. Mais les dires concernant son père paraissaient bien risibles comparés à la vie de celui de Terry et de ses péripéties en tant que membre de l'Ordre du Phénix. 

— Et toi Kate ? dévia Terry dans un sourire avenant. Il fait quoi ton père ?
— Il est Nettoyeur, répondit-elle d'un ton réservé, plus par timidité qu'embarras. 
— C'est vrai ? s'extasia-t-il, des étoiles plein les yeux. C'est un métier génial ! Il travaille dans la combientième circonscription ?
— Euh... je ne sais pas !

En effet, les Nettoyeurs se voyaient attribuer un terrain déterminé par le Ministère et tout incident à l'égard de Moldus par des créatures magiques étaient de leur responsabilité. Un périmètre d'environ cinquante kilomètres.

— C'est aussi palpitant qu'un chasseur de cafards chez les Moldus, bâilla Maggie.

Kate se renfrogna, se tassant sur sa banquette, mais ne répliqua rien. Vue l'arrogance déjà prééminente chez cette fille, il ne faisait aucun doute pour elle qu'elle briserait les liens familiaux pour être expédiée à Serpentard.

Terry pivota vers la fillette muette assise à côté de lui et s'apprêta à lui poser la même question lorsque le chariot de friandises pointa le bout de son nez dans le couloir, poussé par une vieille sorcière voûtée. Aussitôt, tous relevèrent le menton. Privilégiant la sagesse à la gourmandise, Kate préféra se contenter d'un Chocogrenouille, une petite boite de Fondants du chaudron, une autre de Papilio Papilles. [5] Ses friandises préférées ; son père lui en avait rapporté de temps en temps lors de son enfance et elle avait consacré des journées entières à attraper les papillons en sucre qui voletaient dans la maison. Au dam de sa mère qui ramassait les objets tombés, les petits meubles renversés ou sa propre fille qui s'était tordue la cheville en cherchant à attraper au vol le papillon sur l'étagère.
À côté, Terry avait investi dans un gros paquet de Gommes de Limaces et une réserve gratinée de Dragées surprise, Maggie s'était satisfaite d'une énorme Chocoballe en tendant, provocante, un gallion à la sorcière pour la payer. Quant à la petite fille aux boucles aux reflets roux, elle commanda une Patacitrouille d'une voix si basse et aiguë que seule la vendeuse parvint à la comprendre en lisant sur ses lèvres fines. La maladresse de Kate ne fit pas l'oreille sourde lorsqu'elle ouvrit l'emballage en carton de sa Chocogrenouille, laissant tomber ce dernier à ses pieds. Elle chercha longtemps sa grenouille en rampant sous la banquette avant de mettre sur la main sur le batracien qui s'était immobilisé une fois sa magie dissipée. Et croquant la tête en revenant sur le siège, elle entreprit d'extraire la carte au fond du paquet. Quelle fut sa surprise et celle de son voisin en découvrant la photo qui bougeait... :

— Harry Potter ?! s'exclama Terry, la gomme pleine de Gommes de Limaces. Ils l'ont enfin sortie la carte ? [6]
— Paraît-il que cela va devenir une collector, l'éclaira Maggie en grignotant sa Chocoballe garnie de crème et de mousse à la fraise après l'avoir essuyé avec un mouchoir en soie, comme effaçant toute trace de doigt apposée sur l'enrobage en chocolat. Ils en ont sorti seulement une centaine d'exemplaires. Je te conseille d'y appliquer un sort de protection, quel qu'il soit, avant qu'on te la pique !

Effectuant de légères rotations sur la carte, Kate examina le visage de ce jeune sorcier connu de tous. Il avait le regard un poil taquin derrière ses lunettes rondes, sous sa frange noire qui camouflait sa si célèbre cicatrice en forme d'éclair, infligée par le Seigneur des Ténèbres lui-même. Comment un garçon sorti d'un chapeau magique avait-il pu défaire la plus grande menace pour le monde des sorciers en l'espace de quelques années, alors que certains sorciers chevronnés avaient affronté leur Némésis des décennies durant, parfois en y sacrifiant leur vie entière, avant de les terrasser.

Le voyage parut interminable pour Kate qui espérait apercevoir la silhouette du château derrière chaque colline, tandis que Terry et Maggie jasait à propos de Quidditch, débat que la jeune fille avait du mal à suivre. Ces derniers se plaignaient que la coupe du monde, qui a lieu normalement tous les quatre ans, ait été reporté à l'année prochaine à cause des récents événements. À plusieurs occasions, Kate vit passer dans le couloir quelques élèves de plus en plus surexcités à l'approche de Poudlard. Revêtir sa robe de sorcier déclencha un frisson dans tout son être alors que le soir tombait à l'horizon.

— Là ! Je le vois ! s'exclama Terry, collé à la vitre.

De petites lumières, telles des étoiles, brillaient le long des tours de Poudlard. On devinait certains travaux en finition suite à l'attaque de l'école en mai dernier. Elle ne put apprécier plus longtemps le paysage quand sa vision fut engloutie par les arbres. Le train ralentit sur les rails de la gare du Pré-au-Lard.
Les élèves se précipitaient dehors et la joie se lisaient sur tous les visages. Les plus âgés, délaissant leurs valises sur les quais, empruntèrent un chemin vers la forêt tandis qu'une voix tonitruante invita les premières années à se réunir :

— Les premières années ! Par ici, venez !

En descendant du train, accompagnée de Maggie et Terry, Kate aperçut la silhouette colossale de Hagrid, le garde-chasse de l'école. Il portait pour l'occasion un manteau en fourrure de furet argenté, qui semblait éclairer sa barbe broussailleuse. Ou peut-être ternissait-elle elle-même avec les années.

— Réunissez-vous ici, les premières années !

Au milieu de la foule d'enfants, Kate ne tenta pas de dévisager ses nouveaux voisins, trop intimidée par leur présence, mais aussi par le regard du demi-géant qui les englobait d'un regard satisfait. Lorsque la quarantaine d'élèves fut rassemblée autour d'Hagrid, ce dernier les invita à les suivre d'un grand geste du bras, bringuebalant son énorme lanterne dans son autre main.

— Tous aux barques ! Pressez le pas ! Le banquet n'attend plus que vous !

Ils empruntèrent un tunnel souterrain suintant d'humidité qui menait jusqu'au hangar à barques positionné sur une petite crique. Par groupes de cinq élèves, ils embarquèrent. Maggie suivit Kate, qui s'était presque jetée sur le premier canot. Une autre fille compléta le trio, grande et menue, ses longs cheveux noirs et luisant comme l'hématite, suivi par deux garçons.

— Bien, nous pouvons y aller ? vérifia Hagrid, sur un barque en solitaire, levant sa lanterne pour balayer les embarcations d'un regard furtif depuis sa hauteur. C'est parti !

Aussitôt, les bateaux de bois remuèrent et se mirent à avancer d'eux-mêmes sur la surface de l'eau, sans s'éloigner les uns des autres. Le ciel se dévoila dès lors qu'ils quittèrent la grotte, dégagé et parsemé d'étoiles naissantes. Le château de Poudlard resplendissait à la lumière de la nuit sur ses rocheuses, sa silhouette soulignée par des dizaines de lueurs oranges qui tapissaient les murs d'ombres colorées. Un feu magique brillait depuis le sommet de la haute tourelle d'astronomie, fine et grêle au milieu des lieux. Une imposante tour surplombait l'emplacement de la grande salle, remarquable par ses arcs boutés gothiques surmontés de pinacles pointus.
Pour l'occasion, des lumignons avaient été lâchés et ponctuaient la noirceur de la surface chatoyante du lac. Désirant en effleurer un du doigt, Kate se pencha par-dessus le rebord et perdit son équilibre. Elle serait tombée à l'eau si, d'un réflexe, Maggie ne lui avait pas saisi le col pour la ramener sur la barque.

— C'est naturel chez toi d'être aussi maladroite ? lui reprocha-t-elle avec son franc-parler habituel.
— Il semble oui ! répondit Kate en reprenant son souffle. Merci !
— Pas de quoi.

Arrivés à destination, les élèves débarquèrent, débordant d'excitation. Un petit homme, de la taille d'un gobelin, les accueillit sur les quais. Il portait lunettes rondes, moustache frétillante et un costard à sa taille. Il semblait être véritablement ravi, se massant les mains l'une contre l'autre.

— Bienvenue à Poudlard, chers jeunes élèves ! annonça-t-il de sa voix aiguë assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre. Je me présente : je suis le professeur Flitwick, nouveau directeur adjoint et vous aurez l'occasion de m'avoir en cours en tant qu'enseignant en matière de sortilèges. Mais avant de vous amener jusqu'à la grande salle, il est nécessaire que je vous rappelle quelques points.

Plusieurs élèves à l'arrière chuchotèrent entre eux, à propos des maisons qu'ils connaissaient déjà de réputation, des professeurs et de bien d'autres choses. Mais Kate, dans les premiers rangs, buvaient les paroles de son futur professeur.

— Vous allez être répartis dans différentes maisons à l'issue de votre passage sous le Choixpeau magique. Quatre maisons, répondant aux noms de Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle et Serpentard. Vous rejoindrez ensuite vos tables respectives avec vos camarades et, après le banquet, vos dortoirs. Durant vos sept années de scolarité au sein de cette école, vous resterez dans cette maison qui vous aura été attribuée par le Choixpeau et devrez lui rapporter des points par vos distinctions et votre implication en cours. Car à la fin de chaque année, la maison qui accumulera le plus de points remportera la coupe des maisons. Des questions ?

Une jeune fille leva la main et le professeur l'interrogea, tout sourire.

— Où sont nos bagages, professeur ?
— Nous les avons entreposés dans le hall pour le moment, mais ils seront montés dans vos dortoirs dès lors que la cérémonie de la répartition sera achevée.

Après un dernier regard à travers l'assemblée des enfants, le professeur Flitwick frappa dans ses mains.

— S'il n'y a pas d'autres questions, montons !

Le groupe grimpa en rangs ordonnés, bien que tous eurent envie de se bousculer pour atteindre les premiers la grande salle. A l'arrière, la carrure gigantesque d'Hagrid fermait la marche d'un pas lourd. Ils traversèrent la cour centrale éclairée par des torches. Quelques pavés défoncés, reliques de la bataille de mai dernier, jonchaient encore le sol. Dans le hall de la grande salle, tous avaient dans la gorge nouée. En particulier Kate, qui manqua de trébucher sur une marche tant son angoisse la saisissait.
La grande salle avait revêtu ses plus beaux atouts pour célébrer cette nouvelle année sous le signe de la liberté et de la renaissance de l'école. Des chandelles dorées flottaient dans les airs, le plafond exhibant un ciel brun aux étoiles scintillantes, comme lors de ces soirs chauds d'été près des grandes métropoles. Le regroupement d'élèves traversèrent la salle, entre l'émerveillement et l'appréhension. Kate observa discrètement le visage de ses aînés, déjà installés aux tables. Certains les encourageaient d'un regard, d'un signe de la main, d'autres se détournaient complètement de leur attention et se contentaient d'ignorer les premières années qui n'étaient jamais bien différents que ceux qui les avaient précédé. Ils s'arrêtèrent devant les marches qui séparaient les élèves des tables des professeurs sous les ordres gestuels du petit enseignant de sortilèges. Au centre de ses confrères, une vieille sorcière mince et l'air pincé, le chignon serré sous son haut chapeau d'un vert sombre orné de plumes d'aigle, demeurait immobile dans son siège imposant, tandis que Hagrid prit place à ses côtés, dépassant de plusieurs têtes la totalité de ses collègues. Après la défaite de Voldemort et la disparition de l'ancien directeur, le professeur Rogue, le poste de directeur était revenu à la directrice adjointe, Minerva McGonagall. [7] Cette année, le Choixpeau, tout effiloché, qui avait été posé à son accoutumée sur un tabouret à trois pieds, coudoyait un petit escabeau. Le professeur Flitwick avait dû être tenu responsable de cet insigne rôle que de poser le chapeau magique sur la tête des élèves. Ce dernier, tout rapiécé et encore gonflé de poussière le temps de sa sieste d'un an, ouvrit large sa fente et clama une chanson :

Ludo Mentis AciemNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ