Chapitre 12 - Une sombre histoire de chaussettes

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Le retour à Carlton, Kate l'effectua en compagnie de sa mère, qui avait pris le volant de la voiture noire de Phil. Si la petite fille demeurait silencieuse, Grace tentait de détendre l'atmosphère en pestant comme la chaîne hi-fi du véhicule, réglée à l'aide de la magie, afin que personne, à part son propriétaire, ne puisse trafiquer les choix de musiques et de CDs.

— Qui que vous soyez, vous n'avez pas le droit d'insérer un CD de musique classique, ou je fais flamber votre siège ! menaçait le lecteur d'une voix rauque.
— Et si je te débranche, tu répondras quoi ?!
— Grace, si c'est vous, figurez-vous que Phil vous a préparé une play-list exprès pour vous, dans le cas où vous viendriez à emprunter sa voiture ou à vous enfuir avec ! Il aimerait beaucoup que vous écoutiez de la bonne musique, pour une fois !

La musique November Rain, des Guns 'N Roses, s'enclencha dans le lecteur alors que Grace se rabattit dans un grognement et que Kate observait les paysages routiers qui défilaient sous ses yeux attristés. Elle avait attendu si longtemps à Ste Mangouste avec sa mère, s'isolant toutes les deux dans la cage d'escaliers du quatrième étage, là où les cris et les pleurs d'Eliot ne parvenaient plus à leurs oreilles. Durant une heure, Kate s'était rongé les ongles dans l'espoir de faire passer ses larmes, alors que sa mère, silencieuse, la berçait contre elle, sans savoir que dire pour consoler sa fille. Les mots que l'on mettait en bandage par-dessus les plaies des blessures causées par la mort d'êtres proches ne faisaient qu'empirer les choses... Les choses n'iraient pas mieux. Pas pour le moment. Pas tant que Kate ne retournerait pas à Poudlard pour laisser l'oppressante réalité aux dehors...
Phil ne rejoignit sa femme et sa fille qu'à partir du moment où un guérisseur prit la relève d'une présence auprès d'Eliot. Bien que sa figure pâle ne laissait paraître aucune expression, elles lurent dans ses yeux à quel point il était éprouvé. Depuis toujours, Phil n'avait jamais été un grand loquace à propos des sentiments qui régnaient en lui dans les moments douloureux, se contentant de garder ses maux secrets. Raconter la disparition de sa sœur à son propre neveu était inconciliable à tous ses principes qu'il avait nourris de son silence. Car la seule fois où il fut capable de mettre des mots sur cet événement marquant de sa vie, seule sa femme en fut témoin. Il n'avait jamais plus reparlé de tante Charity dans des phrases comportant plus de dix mots. Jusqu'à ce jour...

— Vous devriez rentrer à Carlton... leur avait-il déclaré d'une voix basse.
— On ne rentre pas sans toi, papa ! s'était indignée Kate. Ni sans Eliot.
— Ecoute, chipie... Nous avons quelques... choses à régler avec Eliot. Il faudrait mieux que nous soyons seuls, il a besoin de calme... De temps pour s'en remettre. Nous vous rejoindrons d'ici quelques jours.
— Mais...
— Kate, écoute donc ton père, pour une fois ! l'avait interrompue sa mère d'un ton calme.

La fillette assista à la passation des clefs de la voiture de Phil à sa femme et à leur longue étreinte, avant que Grace ne guide son épaule pour l'accompagner dans leur descente des escaliers. Lorsqu'elle jeta un dernier regard vers son père qui les observait, les poings enfoncés dans sa poche, il lui adressa un bref sourire sincère, qui se volatilisa bien vite, effacée par la peine qui alourdissait ses traits.
Sur le trajet jusqu'à la voiture, Grace s'évertua à expliquer la réalité à sa fille, qui ne parvenait pas à tout saisir aux travers de leurs histoires d'adultes qu'elle n'aurait jamais dû connaître dès son âge. Dernier membre de la famille Burbage, Eliot avait hérité des biens de ses parents, ce qui impliquait aussi bien des démarches auprès des banques anglaises que de Gringotts, ou encore le devenir de la maison des Burbage. Des étapes douloureuses, aussi bien pour Eliot que pour Phil...

***



La nuit était déjà tombée quand mère et fille revinrent au 45 Owlstone Road, toujours privé de son 5. Kate se rendit dans sa chambre en traînant des pieds après avoir adressé la bonne nuit à sa mère en l'embrassant sans grand enchantement. Elle se sentait happée par tous les soucis du monde, comme si tout pesait sur ses frêles épaules. Malgré la rude journée, pas une once de fatigue ne vint la surprendre. Les cris d'Eliot résonnaient encore à l'intérieur de sa tête. Elle entreprit alors d'observer le ciel nocturne, accoudée à la fenêtre. Les étoiles filantes n'étaient pas peu nombreuses en cette période de l'année, petits vœux éphémères d'antan que Kate voyait désormais comme un sujet d'examen en astronomie.
Tentant d'oublier ses problèmes, Kate songea à ses amis de l'école. Elle avait eu l'occasion d'échanger des lettres avec certains d'entre eux, mais elle n'avait qu'une hâte : retourner à Poudlard pour échanger leurs récits de vacances, même si l'idée que Maggie lui raconte les détails de la coupe du monde de Quidditch qu'elle manquât lui causait un pincement au cœur. Puis, elle pensa à la future répartition. Serait-il possible que le Choixpeau envoie de nouveau un élève de première année à Papillombre ? Ou serait-elle la seule, condamnée à errer dans le mystère de cet unique jour ?
Même si elle se doutait que cela avait un rapport avec les événements relevant de ce fait, Kate n'avait jamais abordé le sujet de ses dons particuliers avec son père. Du fait qu'elle parvenait à exercer ses pouvoirs magiques sans l'aide de sa baguette. Il était inutile de l'inquiéter davantage, avait-elle pensé. Elle considérait cela comme son petit secret, dont seules trois personnes étaient au courant : Maggie, Morgana, à son insu, et enfin son professeur de métamorphose, le peu commode Woffhart. Kate se questionna d'ailleurs à propos des futures réactions d'Eliot en cours, découvrant un enseignant qui ne se prive pas de jurer en allemand et de transformer les élèves en raton-laveur le temps de quelques minutes afin qu'ils cessent leurs bêtises. C'était un moyen qui avait fait ses preuves, il fallait l'avouer... !
Oui. La vie de Poudlard lui manquait terriblement.


Ludo Mentis AciemDonde viven las historias. Descúbrelo ahora