Chapitre 44 - Mille raisons de vivre

2.1K 159 65
                                    

Comme bien des matins dernièrement, Kate se leva avant l'aube. Rouler dans un sens et dans l'autre dans son lit ne servirait à rien, elle le savait. Aussi, alors que l'aurore n'avait pas encore pointé à la fenêtre crasseuse de la pièce du Chaudron Baveur, elle se plaça devant le miroir ovale installé sur l'un des murs et commença à se coiffer. Elle s'appliqua dans son tressage, tout en laissant vagabonder ses pensées. Ni la fatigue ni la faim n'avait d'emprise sur elle. Seule l'attente lui paraissait interminable.

Avant de quitter sa chambre, en sachant que lorsqu'elle y reviendrait, ça serait dans des sauts de joie ou dans des pleurs intarissables, elle hésita quelques instants à se défausser de son pendentif. Elle n'avait pas envie de repasser une énième fois par le poste de contrôle pour l'y déposer. Pourtant, cette agate symbolisait quelque chose qui surpassait la simple gêne. Comme l'incarnation de sa mère, qui n'avait pu être présente malgré son envie. Elle se résolut donc à la garder, la passant à l'intérieur de son tee-shirt, frissonnant au contact de la pierre glaciale.
Kate suivit son chemin de manière machinale à travers Londres, plongeant dans les entrailles de la capitale en empruntant le métro dont elle connaissait désormais les lignes aussi bien que les Moldus qui résidaient ici. Plus aucune sensation ne parvenait à la faire réagir, alors qu'elle restait cramponnée à la barre du wagon, les lumières défilant sur son visage. Son regard demeurait fixe. Car elle n'avait qu'en tête les mots de Moon. Ceux qu'elle prononcerait aussi et qui peut-être scelleraient le destin de la famille Whisper.
Lorsqu'ils la virent avancer dans le hall du Ministère, les sorciers la reconnurent, pour la plupart. Beaucoup savaient, de par les articles de la Gazette, ce qui valait sa présence. Quelques-uns hochaient la tête quand elle les croisait de près. Ils respectaient son silence. Ce fut également le cas du sorcier qui veillait au poste de contrôle, en reprenant le pendentif de Kate comme une habitude.

Elle retrouva Orpheus, sous les traits du garde du corps peu avenant, au niveau 10, alors que l'effusion avait déjà pris le contrôle de l'étage. Les juges s'étaient rhabillés de leurs capes prune et les journalistes prenaient un malin plaisir à les suivre comme des mouches tentant de se sustenter de quelques miettes d'informations qui tomberaient derrière leurs pas. Avec le temps, Kate commençait à comprendre pourquoi, lors de leur première rencontre, Orpheus avait qualifié ses confrères de cafards. Nombreux, nuisibles. Le métamorphomage ne différait pas tant d'état d'âme, mais il faisait preuve de bien plus d'ingéniosité, au demeurant. Dans son esprit, Kate le comparait à une araignée, qui préparait soigneusement sa toile, le plus élégant des pièges, dans laquelle se coinçaient ses proies. Puis, elle les enroulait dans un cocon qu'elles pensaient protecteur. En réalité, il s'agissait de leur linceul. Kate se savait prise au piège des fils d'Orpheus depuis longtemps, mais elle espérait que cette araignée ne l'avait embobinée que pour la protéger de la tempête, comme saisie d'un élan de pitié pour le petit papillon qu'elle était.

— Comment vous sentez-vous, miss Whisper ? lui glissa-t-il alors qu'elle s'installait à la même place qu'hier.
— Bien, maugréa-t-elle.
— Vous paraissez fatiguée, fit-il remarquer, devinant qu'elle mentait.
— Je le suis...

Orpheus garda le silence, se doutant qu'aucune parole ne pourrait l'apaiser. Ils assistèrent sans mot à l'installation des juges et des témoins de la veille. Cette fois-ci, Wolffhart avait fait son entrée avant son client, jetant ci et là des regards noirs. Pourtant, Kate sentit qu'il l'évitait.
Quand Moon prit place à la tribune officielle, maquillée d'un rouge à lèvres différent de la veille, aux côtés du Ministre de la Magie, raide et la mine grave, le silence revint. Elle se racla discrètement la gorge et annonça :

— Affaire Whisper, code P8GKA8991, à la date du 11 juillet 2001. Deuxième jour, rendu du verdict. Je déclare la séance ouverte. Faites entrer l'accusé.

Ludo Mentis AciemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant