Chapitre 59 - Je me souviens

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La nuit, l'infirmerie paraissait être un lieu mystique. Avec ses voûtes gothiques, sublimées par les teintes nocturnes que leur consentait la lune pleine, faisant varier les lueurs bleutées sur la pierre blanche. L'endroit aseptisé ne baignait pas dans un air chargé de poussière, comme la bibliothèque, où les grains devenaient des étoiles avec l'éclairage. Le silence aurait été d'or si un hibou ne hululait pas, perché près de l'un des vitraux.

Les bras derrière la tête, Kate soupira et se tourna dans son lit. Elle grimaça de douleur en s'appuyant par inadvertance sur son flanc blessé, son abdomen ceint d'un large bandage. Sur le lit d'en face, sa valise finalisée attendait simplement d'être refermée. Après la prise d'otage de Pré-au-Lard, MacGonagall avait autorisé les élèves concernés à rentrer chez eux en avance, leur accordant une semaine supplémentaire pour les vacances de Pâques.

Mais les victimes de Poudlard n'étaient pas les seules à avoir obtenu le droit de rentrer chez eux. Encore sous le traumatisme pour la plupart, de par l'Allégeance d'Electra et par la mort de leur professeur, les élèves de Salem commençaient également à plier bagage pour retourner en Amérique. Paraissait-il que même le Ministre américain était passé à l'école, mais Kate n'avait pas eu l'occasion de le croiser, clouée sur son lit tant que sa plaie n'avait pas un minimum guéri. Malgré la magie, la blessure avait été trop profonde pour qu'un simple sortilège suffise.

Incapable de retrouver le sommeil, Kate se leva avec prudence. Elle observa un instant un autre lit, où dormait Scarlett, encore affaiblie par la déshydratation sévère qu'elle avait subi. Plus loin, on pouvait deviner les reliefs du corps de Morgana sous son draps. La chute ne l'avait pas laissée indemne, provoquant de multiples fractures que Mrs Pomfresh avait tenu à soigner une à une. Depuis ce jour, Morgana n'avait pas quitté son lit, n'avait pas prononcé un mot.

Le pas lent et titubant, Kate quitta l'infirmerie en veillant à ne faire aucun bruit et sonda les environs. Depuis l'incident à la Cabane Hurlante, ses pouvoirs s'étaient accrus de manière considérable. Cela l'avait dans un premier temps angoissée, puis, elle s'en était accomodée. Son Immatériel lui permettait à présent, comme Hisolda de son vivant, de capter les auras avoisinantes. Et l'une d'entre elles attirait Kate plus particulièrement. Une nouvelle âme désormais attachée à Poudlard.

Sa marche prudente l'amena jusqu'à la cour de métamorphose, où trônait l'arbre planté suite à la guerre, garni de messages à l'intention de ses victimes. Et sous l'une des branches, un reflet blanc errait, levant quelquefois la main pour frôler les petits parchemins qui virevoltaient alors.

— Pourquoi tu restes ici ?

En entendant sa voix, Merrick fit volteface et feignit un mouvement de recul, méfiant. Kate ne sut que penser de cet homme, image parfaite de celui dont elle avait vu le cadavre dans la cave de Graveson. Son fantôme portait encore son grand manteau mité, ses mitaines maculées de sang et ses grosses chaussures qui avaient coursé bien des innocents lors des rafles. Il garderait à jamais cet aspect négligé, avec cette barbe mal rasée, ces boucles sombres et grasses qui retombaient sur son visage creusé. Merrick lui inspirait à la fois de la peur, du dégoût, mais surtout de la pitié.

— Comment m'as-tu retrouvé ? siffla-t-il, toujours soupçonneux.

— Tu sais de quoi je suis capable. Je savais que tu serais ici.

Merrick bougonna et prit une direction dans l'objectif clair de quitter les lieux en traversant quelques murs.

— On ne peut pas parler ? le retint Kate en descendant les marches qui donnaient sur le grand parterre de verdure.

— Pourquoi voudrais-tu le faire ?

— Peut-être parce que tu vivais en moi, tout ce temps ?

La remarque fit sourire Merrick qui reconnaissait derrière ce ton sarcastique celui, typique, de Phil.

Ludo Mentis AciemWhere stories live. Discover now