Chapitre 90 - La controverse de la clémentine

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Accéder à la Réserve ne fut pas un grand challenge pour Emeric, qui restait dans les bonnes grâces de Mrs Pince. À ses yeux, le jeune prodige devait très certainement se renseigner pour un devoir de Défense contre les Forces du Mal, sans imaginer un seul instant qu'il se renseignait sur un moyen d'invoquer la Mort. Une fois qu'il eut rassemblé les objets nécessaires au rituel avec l'aide de Kate, ils décidèrent de le débuter un samedi après-midi. Personne n'était bien sûr au courant de leur combine malsaine, et sûrement pas Maggie et Terry !
Ils avaient choisi ce temps-là, car une majorité de leur promotion suivait les premiers cours de transplanage. Si Emeric n'y avait pas accès, son dix-septième anniversaire n'étant que fin août, Kate refusait quant à elle de passer son permis, comme elle l'avait maintes fois expliqué à son père. Malgré les arguments de ce dernier et de ses meilleurs amis, Kate n'avait pas changé d'avis. Le transplanage lui procurant d'horribles sensations et une terrible nausée, il était hors de question qu'elle passe un permis, dont les cours ne coûtaient pas moins de douze gallions, dont elle n'allait jamais se servir. Si elle devait un jour s'y soumettre, ça serait de sa propre initiative, dans le futur.
Aussi, ils ne furent dérangés par personne. Et Terry, qui possédait déjà son permis, voulait en profiter pour travailler son devoir de juridiction sorcière à propos des transports magiques au sein d'une propriété privée. Emeric semblait pourvu d'une étrange assurance pendant qu'il assurait les préparatifs du rituel, tous les deux enfermés dans l'une des salles du château pour que personne ne les prenne en flagrant délit.

— On se fera renvoyer de l'école si quelqu'un le découvre, murmura Kate.
— Très probablement, répondit Emeric, qui faisait voler un pinceau trempé de sang de dragon avec sa baguette magique, pour tracer des formes sur le sol.
— Mais j'aurais déjà pu me faire renvoyer au moins cinq ou six fois, je n'en suis plus à ça près.

Elle planta un cierge noir à une intersection, sur les directives d'Emeric, puis l'alluma avec sa baguette magique.

— Ça ne te fait pas peur, à toi ? lui demanda-t-elle.
— De manière surprenante, non. Je ne saurais t'expliquer. J'ai le sentiment... qu'on va réussir. Et que c'est ainsi que cela doit se passer.
— Et si on se fait pincer ?
— J'assumerai la responsabilité de mes actes.
— Tu es prêt à te faire renvoyer de Poudlard pour ça ?
— On ne se fera pas prendre, Kate. Tu as confiance en moi ?

Elle hocha la tête. Une fois qu'Emeric eut terminé de tracer les cercles et les runes, que Kate eut planté tous les cierges, le Serdaigle lui somma de s'écarter. Il déposa au centre du rituel un pot en argile dans lequel il versa d'étranges mixtures, écrasant des plantes sèches avec ses doigts pour saupoudrer le mélange, qui provoquait de manière spontanée des fumerolles. L'observer initier un tel rituel dépassait tout ce que Kate aurait pu imaginer d'Emeric, vu auparavant comme un petit intellectuel trop timide.
Puis, Emeric s'écarta à son tour et ouvrit son carnet de notes, dans lequel était inscrite la longue incantation en latin. Il la gardait par précaution, mais il l'avait, en réalité, déjà apprise par cœur. Dans son coin, Kate ne put s'empêcher de trembler, alors que le pot central fumait de plus en plus et que les flammes des cierges noirs s'agrandirent au-dessus de la cire. Il était encore temps de faire machine arrière. Mais une voix, au fond d'elle, lui murmurait de poursuivre...
Les premières manifestations n'apparurent pas dans la pièce. Mais à Pré-au-Lard. Une ombre, un grand nuage, passa au-dessus du village. Dans un coup de vent, des traces de pas se plantèrent dans la neige. Comme tombés du ciel. Une silhouette noire dans cet univers de blanc hivernal. En ce samedi, certains marchands de la petite ville sorcière avaient installé des stands de plaisance pour les habitants. C'était le cas de Zonko, qui proposait des pommes d'amour sur son étal. Une main blanche glissa de l'ombre et attrapa une baguette, au bout de laquelle se trouvait le beau fruit rouge. Personne ne la remarqua. Comme si tous avaient le regard détourné. Un frisson parcourait l'échine de ceux qui la croisaient, sans comprendre exactement pourquoi. Un souffle court, un battement de cœur manquant, un hoquet violent. Un instant de mort, vite dissipé.
Elle croqua dans la pomme d'amour, au revêtement sucré croustillant. Cela la rassasia. Elle jeta alors la friandise dans la neige ; la pomme avait pourri et des morceaux de moisissure grise commencèrent à voleter à la surface de l'épaisse poudreuse.
Mais la vue de Poudlard la réjouissait. Cela faisait bien longtemps qu'on ne l'avait pas appelée là-bas.
Quand le dernier mot de l'incantation d'Emeric résonna dans la pièce, celle-ci se mit à trembler légèrement et, par réflexe, Kate se plaqua contre un mur en pierre. Une colonne de fumée jaillit du pot central et absorba les traces de sang sur le plancher. Le silence retomba, menaçant.
Kate et Emeric avaient leurs yeux fixés sur la silhouette noire de taille moyenne face à eux. Pas de faux, pas de main squelettique qui dépassait de sa manche évasée. Mais des doigts blancs, fins, presque jeunes, qui attrapèrent les pans de sa capuche pour la rabattre d'un coup.

Ludo Mentis AciemTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang