OS50 Saison après saison

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La vie de Krokmou avait toujours été en mouvement. Jamais il ne s'était posé quelque part sans rien faire. Depuis son éclosion, Krokmou avait toujours eu quelque chose à faire. Que ce soit attaquer les Vikings pour le compte de la Mort Rouge, apprendre à voler avec Harold ou veiller sur les dragons de Beurk après l'attaque de Drago. Toujours, il avait bougé.

Et aujourd'hui, il repensait à tout ce qu'il avait vécu avec nostalgie. Krokmou était un vieux dragon. Voilà presque 70 ans qu'il avait éclos. Il avait eu une vie bien remplie, avec les meilleurs amis qu'il aurait pu trouver.

Il n'y avait qu'une tâche au tableau.

Krokmou observa avec un regard triste l'arbre en face de lui. Depuis longtemps, il l'observait. En réalité, depuis que ses plus proches amis avaient rejoint le Valhalla. Même les plus valeureux des Vikings et des dragons ne pouvaient pas vaincre le temps.

Et quand Harold avait fini par mourir, il s'était allongé là. Depuis, il n'avait pas bougé. Cela faisait deux ans que sa vie s'était résumée à cela. Chaque jour, il observait cet arbre, en attendant son heure. Il le connaissait à présent par cœur. Aucune branche, aucun nœud dans l'écorce, aucune feuille n'avaient de secrets pour lui.

Il avait vu les saisons se succéder et l'arbre les suivre.

L'été, l'arbre se paraît d'un manteau d'un vert éclatant. Les feuilles luisaient au soleil et l'arbre ressemblait à un énorme bouquet de feuilles vertes. Le vent soufflait doucement entre les branches, faisant tanguer les feuilles et l'arbre semblait prendre vie. Il faisait chaud et Krokmou se réchauffait au soleil, en observant son arbre.

L'hiver en revanche, l'arbre était totalement nu. Les branches étaient dépourvues de toutes feuilles et l'arbre semblait mort. Pourtant, Krokmou savait que ce n'était pas le cas, que la sève coulait toujours sous l'écorce, malgré le froid polaire qu'il régnait pendant l'hiver sur Beurk.

Souvent, il neigeait et les flocons se déposaient délicatement sur les branches, qui semblaient si fragiles qu'elles semblaient prêtes à se casser à la moindre brise.

Le printemps était la saison préférée de Krokmou. Peu à peu, les bourgeons poussaient sur les branches et Krokmou les voyait éclore, jour après jour. Il voyait l'arbre reprendre vie, comme une fleur qui s'ouvre au soleil. Petit à petit, peu à peu, les bourgeons éclosaient, laissant la place à de grandes fleurs blanches. Les fruits poussaient sur les branches et souvent, elles menaçaient de céder sous leur poids.

Et aujourd'hui, Krokmou attendait la fin de l'automne. Cette saison était belle mais si cruelle. Elle donnait aux arbres et aux feuilles des couleurs chaudes. Rouge, marron, jaune, les arbres n'étaient jamais plus multicolores qu'en automne. Et pourtant, à chaque année, les feuilles tombaient, mouraient et venaient pourrir sur le sol, laissant l'arbre complétement nu.

Vous vous souvenez de cette tâche au tableau ? Et bien, la voilà. Krokmou observait avec tristesse la dernière feuille, une jolie feuille d'un rouge éclatant, la seule qui résistait encore au vent. C'était la dernière. La dernière à mourir. Tout comme Krokmou. Car Harold et lui avaient beau avoir cherché toutes leurs vies, jamais, jamais ils n'avaient réussi à retrouver d'autres Furies Nocturnes. Jusqu'à sa mort, Harold avait été convaincu qu'il en existait encore, quelque part, que Krokmou n'était pas le dernier. Malheureusement, il l'était et aujourd'hui, il était seul. Comme cette feuille.

Son heure était venue, il le savait. Il ne pouvait plus vivre maintenant que tout ce pourquoi il ouvrait les yeux le matin était mort. Il n'avait plus de famille, plus d'amis, plus d'espèces. Il était temps pour lui de les rejoindre, à Asgard.

La brise qui soufflait jusque-là s'intensifia soudain, faisant voler le tapis de feuilles sur lequel Krokmou était couché. Le dragon ne lâcha pas un seul instant la feuille des yeux, alors qu'il la voyait abandonner soudain le combat, laissant le vent gagner et la séparer de son arbre. Il la fixa alors qu'elle tombait doucement, emportée par le vent. Et quand elle touchait enfin le sol, il ferma les yeux.

Si tu voulais m'aimerWhere stories live. Discover now