Chapitre [5]

68 8 9
                                    

Le réveil fut difficile, comme tous les matins. Andoche était un jeune homme qui aimait dormir, qui aimait beaucoup dormir, et gare à la personne qui osait le réveiller.

C'est peut-être pour cela qu'il était présentement en train de crier contre le soldat innocent qui l'avait réveillé, auquel il avait lancé l'une de ses bottes.

Alors que ce dernier s'enfuyait, pris de peur, notre blondinet enfonça sa tête dans son oreiller, irrité.

Si jamais un jour il devenait général, jamais il ne fera lever ses soldats à l'aube.

Enfin... il ne l'était pas encore, et pour l'instant il devait se plier aux ordres de ses supérieurs.

Avec une bonne dose de courage, il réussit finalement à se lever et à se préparer, et au bout de dix minutes, tout était sur son dos. Il prit son fusil d'une main ferme et alla rejoindre les autres, qui on ne sait comment, étaient déjà en lignes et prêts à se mettre en marche.

- Eh bien, que tu as l'air bien réveillé, mon cher Junot! Il paraît même que tu as agressé ce pauvre Molinier!

- Ferme ta gueule, railla-t-il simplement.

Sa mauvaise humeur n'empêcha pas la troupe de se mettre en marche.

Le bataillon traversa le long chemin, entouré de terrains clôturés, avant de finalement s'arrêter dans un champ.

- Et que faisons-nous maintenant? Demanda Junot qui semblait être ailleurs.

- Les Autrichiens ne devraient pas être loin... apparemment, le général Gouvion ne sait pas pourquoi ils ne sont pas encore là. Il dit aussi que nous allons camper, jusqu'à un nouveau signal de leur part.

- C'est n'importe quoi, c'est une bataille pour laquelle nous sommes venus, pas un rendez-vous de bonnes femmes! Il faut un peu de surprise!

Et ce fut comme si les Autrichiens avaient entendu sa remarque, car bien plus tard, en pleine nuit, il se fit réveiller par des canons, des cris, et comme si cela ne suffisait pas, il se fit violemment secouer.

- J-Junot! Réveille-toi!!

- Qu... Que se passe-t-il...

- Les... les Autrichiens attaquent...!!

Le soldat se frotta les yeux, et remarqua que son camarade était en pleurs.

- C'est la guerre... la vraie... c'est tellement horrible...

Junot se releva d'un bond. Il n'avait même pas quitté son uniforme, il prit son fusil et son sabre dans chaque main en se munissant du maximum de poudre et de balles possibles.

À peine une seconde plus tard, il courait déjà vers l'ennemi.

- Que fais-tu?! Tu es fou, tu vas te faire tuer!

- C'est le but de la guerre, non? Je vais montrer à ces sales chiens ce que c'est que de s'en prendre à la France!

Ni une, ni deux, il dégaina son fusil déjà chargé et tira dans la masse de soldats. Dans la nuit, on ne distinguait plus les uniformes bleus des blancs.

Allez savoir s'il avait touché une cible ou non, en tout cas cela ne l'empêcha pas de se jeter dans la foulée. Autant sortir le sabre, il était bien plus utile à sa fougue qu'un fusil qu'il faut recharger toutes les minutes.

Si on ne voyait rien dans cette nuit noire, cette poussière, et que l'on entendait rien entre ces cris, ces interminables fusils et canons, Junot, lui, s'amusait comme un petit fou. Sa première bataille! Certes, elle n'avait pas été lancée dans les meilleurs conditions, mais une bataille, c'est une bataille, et cette bataille, il faut la gagner.

Le sourire aux lèvres, il se battait avec une maladresse qui arrivait étrangement à rivaliser avec les plus entraînés. Dans cette foule de barbares, comment pouvait-on différencier le fort du faible? Tous avaient le risque de se faire blesser, et malheureusement pour lui, Junot n'y échappa pas. Il se prit un coup de sabre à la tête qui le fit vaciller avant de le faire tomber au sol. Tout d'abord, il ne sentit rien. Et il eu un sifflement dans les oreilles. Puis une douleur intense sur la tempe. Il serra les dents, tentant d'oublier la douleur, de se persuader qu'elle n'était pas réelle, mais rien n'y faisait ; c'était bel et bien du sang qui couvrait sa main. Ça ne semblait être qu'une plaie longue mais peu profonde. Mais la douleur, Junot ne la ressentait pas. Encore moins dans un moment comme celui-ci où l'adrénaline était à son paroxysme. Dans un élan de rage, il se releva pour user de son sabre avec la plus grande brutalité. Jusqu'à la fin de la bataille, jusqu'à ce que le sol soit jonché de morts et la terre baignée dans le sang, il se défoula. Puis il se laissa tomber à genoux et regarda le spectacle, essoufflé. L'on entendait plus que des pleurs et des gémissements de douleur dans la nuit éclairée par la Lune presque pleine.

Junot se laissa tomber entre deux corps. Il mit sa main sur sa blessure, près de son front. Elle lui faisait un peu moins mal, même si elle piquait toujours. Ce n'était qu'une éraflure. Elle allait vite guérir, mais il savait qu'elle allait laisser une cicatrice. Il eut de la chance que son ennemi visait mal, il aurait pu perdre un œil ou une oreille.

Il ferma les yeux un instant et souffla. Lorsqu'il les rouvrit, il se trouvait face à un magnifique ciel étoilé. Silencieux... tout l'inverse du désordre de la bataille qui avait eu lieu.

Les gémissements et les pleurs étaient toujours présents, même s'ils semblaient plus lointains.

Alors c'était cela, la guerre, que tant de monde détestait. Pourtant, lui, il avait adoré... était-ce étrange?

Mais était-ce si surprenant que ça? Il savait depuis bien longtemps déjà qu'il était fou.

Folie rime avec irréfléchiKde žijí příběhy. Začni objevovat