Chapitre [86]

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Pendant ce temps, à Londres, Sydney Smith était installé tranquillement sur un fauteuil dans un salon de thé.

Après avoir fait escale à Marseille, il n'avait pas attendu plus longtemps pour revenir à Londres. Cela faisait à peine quelques jours qu'il était rentré dans sa capitale anglaise, et il s'était mis en tête de profiter de son temps libre pour se reposer et prendre du bon temps, avant qu'on ne lui donne à nouveau du travail. Du repos, c'est ce dont il avait besoin, après cette tumultueuse campagne, et la victoire à Saint-Jean d'Acre, qu'il avait vaillamment protégé durant son siège.

Pour se récompenser lui-même, il s'était offert une après-midi dans ce modeste salon de thé. Sa décoration, à l'image de sa réputation, n'était pas en reste ; Le plafond était en verre et coloré comme des vitraux, arrangé avec la même minutie, et très haut. Les fenêtres, elles, se faisaient elles aussi remarquer par leur grandeur, mais n'avaient que la teinte bleuté du ciel comme couleur pour éclaircir le bois acajou dont elles étaient faites.

Tout autour de lui, l'on parlait, l'on riait, le reflet de l'aristocratie innocente qui ne voit jamais la guerre en face. Mais après tout c'était la paix, il fallait donc en profiter.

Plus loin, il y avait une femme brune tout en rose avec un chapeau de la même couleur qui faisait au moins deux fois la taille de sa tête. Le type de chapeau dont la si célèbre Lady Hamilton avait lancé la mode... Elle souriait comme si tout se passait bien dans le monde.

Si seulement tout le monde avait cet air chaleureux. Peut-être oublira-t-on enfin la guerre.

Plus loin, dans un coin, il y avait une petite bibliothèque avec de larges étagères remplies de vieux livres qui montaient jusqu'au plafond. Il paraîtrait que ces ouvrages appartenaient à l'homme qui a construit ce petit salon de thé il y a plus d'un siècle et demi, et qui n'a pas vu de son vivant son affaire s'accroître pour devenir un des lieux les plus prisés de la ville. En tout cas, ces livres précieux qui ne servaient plus qu'à la décoration étaient en libre service maintenant, et c'est cela qui faisait sourire Smith.

Il lisait une gazette, une des plus connues de la ville, à vrai-dire il avait pris celle qu'il avait trouvé en premier. Il voulait seulement rire un peu. Ce n'est pas comme s'il croyait toutes les sottises qui y étaient racontées...

- Smith. Je savais que je vous trouverai ici.

Il sursauta et leva les yeux pour se retrouver devant Nelson. Il ne cacha pas sa surprise.

- My Lord? Que faites-vous dans cet endroit?

- L'on m'a dit que vous vous y rendiez souvent... et j'ai eu comme une envie soudaine de vous voir et de vous parler d'une chose, voyez-vous.

- Pourquoi donc? Quelque chose de grave est arrivé?! Bonaparte a attaqué un autre pays?!

- Quelque chose de grave est arrivé, effectivement...!

- Qu'est-ce?! Il a offensé sa Majesté?! Il faut que j'aille au château royal pour le protéger!!

Sur ce il se leva, et plia sa gazette en prenant sa veste.

- Non, Smith, revenez ici... TOUT DE SUITE! Et rasseyez-vous!!

- Mais si sa Majesté est en danger, il faut aller le couvrir!

- Il n'est pas question de sa Majesté ici!

- D... De qui alors...? Demanda-t-il en se rasseyant lentement.

- De vous!

Il le regarda, surpris. Avec comme un air faussement innocent.

- Qu'ai-je fait...?!

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now