Chapitre [135]

36 2 7
                                    

Les mélodies subtiles du piano se faisaient encore entendre du rez-de-chaussée, recouvertes par plusieurs voix formant presque un brouhaha. Sans plus y porter attention, Junot poussa la porte pour faire rentrer dans une chambre une nouvelle connaissance dont il ne lâcha pas la main. Une chambre choisie au hasard dans une demeure qu'il ne connaissait pas, avec une jeune et jolie femme qu'il venait de rencontrer à un bal. Une autre, après tant avant elles et tant qu'il y en aura sans doute encore. Gardant sa main dans la sienne, d'un grand sourire aux lèvres, il s'arrêta pour y déposer un baiser, pour la énième fois de la soirée.

- Mademoiselle, vous êtes extrêmement jolie...

- Je n'ai pas autant de charme que vous, général, rit la jeune femme.

- Voyons, vous pouvez m'appeler Alexandre...!

Il la fit valser, ce qui la fit redoubler de rire.

- Mais votre nom n'est-il pas Andoche?

- Ce nom-là m'est très déplaisant ; je préfère de loin celui que j'ai volé au grand Alexandre.

- Vous êtes donc un voleur... vous volez mon cœur... mais si je vous le donne..?

- Alors je le chérirai comme le plus beau des diamants, sussura-t-il à son oreille.

- Votre femme n'est point jalouse~? Lui répondit-elle sur un ton amusé.

- Elle l'est, mais cela m'importe aucunement, tout comme son nom que j'ai oublié.

- Et l'Empereur? J'ai pourtant entendu dire que vous aviez pour lui une toute particulière amitié, et qu'il n'aimait pas à vous partager...

- En effet, il m'est extrêmement précieux. Je serais même très jaloux si l'on venait à me le prendre. Mais une si magnifique et pure femme que vous ne devrait pas s'occuper des affaires des hommes.

- Je suis loin d'être aussi pure que vous le croyez, général~...

Profitant d'être enfin seule avec cet homme qu'elle avait dévoré du regard tout au long de la soirée, la jeune femme n'attendit pas pour prendre son visage dans ses mains et l'embrasser sans retenue. L'idée de s'amuser avec ce beau général blond était bien plus alléchante que le bal ennuyeux qui se déroulait encore dans la pièce principale.

Loin d'être contre le baiser d'une telle beauté, Junot le lui rendit avec ferveur, ses mains cherchant déjà les premiers fils qui pourraient détacher la robe devenant trop gênante.

Il la poussa sur le lit, couvert de draps bleutés, et se mit au-dessus d'elle en couvrant son cou de baisers, lui arrachant un rire.

- Général...! Je sais votre indifférence pour votre femme, mais ne craignez-vous tout de même pas de lui être infidèle?

- Mhm... je pourrais en effet être jugé infidèle à quelqu'un... c'est une personne que j'aime, pour qui je mourrais volontiers, mais elle ne parvient pas me satisfaire de certains plaisirs..., appuya-t-il en passant la main sur son sein.

- Hmm... je vois... alors servez-vous de moi comme vous le souhaitez, rajouta-t-elle en l'embrassant encore.

La musique se jouait encore, au rez-de-chaussée, mais elle se perdit entre les cris et les rires.

~ ☘ ~

Francesco ouvrit la porte à la volée.

- Bonjour! Annonça-t-il sans savoir si quelqu'un était présent dans sa petite chambre.

À la seule entente de la porte ouverte, Sébastien sortit d'un sursaut de sous les draps.

Il se jeta sans attendre sur son compagnon. Son retour était trop beau pour être vrai, lui qui pensait ne plus jamais le revoir.

- Francesco!! Seigneur, oh, Seigneur!! Tu es revenu... j'ai eu si peur, j'ai eu si peur!!!

Francesco arborait un air effaré. Il ne s'attendait pas à un tel accueil. Il s'attendait plutôt à voir un Sébastien grognon affalé dans son lit et lui crachant de repartir, pas à ce même spécimen lui sautant au coup pour le serrer à l'étouffer entre deux pleurs. Il n'était pourtant parti que quelques jours, à peine trois ou quatre... il soupira en lui caressant le dos. Sébastien ne savait réellement pas se débrouiller tout seul.

- Oui, oui... je suis bien là, Sebastiano mio.

- Ne me quitte plus jamais!!

Francesco roula des yeux. Il avait l'impression de voir l'un de ses enfants.

- Bien sûr que non...

Enfin, on verra bien, peut-être aura-t-il envie de retourner chez Gabriel, ou de faire un autre voyage. Mais Sébastien avait déjà l'air assez troublé pour qu'il en rajoute.

- J'ai cru que tu ne reviendrais jamais!!

- C'est idiot... bien sûr que je suis revenu. Tu es important pour moi, rajouta-t-il avec un petit sourire.

Il posa son front contre le sien en caressant ses cheveux blonds. Sébastien vit ça comme une autorisation et se jeta sur ses lèvres pour les dévorer. Cela lui avait bien trop manqué. Dans leur élan, ils se laissèrent tomber sur le lit, et chemises comme pantalons furent vite envoyés à l'autre bout de la pièce, comme une habitude que l'on reprenait. Essouflés après ce long baiser langoureux, ils se regardèrent l'un l'autre dans les yeux un court instant. Puis Sébastien le serra contre lui, se ressourçant de ce corps si chaud qui lui était réconfortant. Francesco lui rendit son étreinte en mettant sa tête dans son cou et en caressant son dos à présent nu. Ils restèrent un moment ainsi, sans bouger, s'imprégnant chacun de la présence de l'autre. Aucun n'osait parler, de peur de briser ce moment où le temps semblait s'être arrêté.

Ce fut Francesco qui brisa finalement le silence, en retournant plonger son regard dans le sien.

- Tu sais, Sébastien... je veux seulement que tu sois épanoui... lorsque je te vois triste, cela me rend triste aussi. C'est ce que l'on appelle l'amour, n'est-ce pas..?

- Oui... oui... excuse-moi... c'est de ma faute... depuis qu'Alexandre... c'est de ma faute!!

Ça y est, il avait fondu en larmes. Francesco soupira en lui tapotant le dos. Il n'avait pas envie de subir ça...

- Allons, allons... il est au ciel, maintenant, il est au paradis.

Il fallu presque une demi-heure pour que le gersois se calme enfin. Il avait dû pleurer toutes les larmes de son corps et il n'en restait plus aucune. Du moins, Francesco l'espérait.

- Francesco... tu... tu m'aimes...? Tu ne m'abandonneras jamais...?

Il le regarda sincèrement en caressant sa joue.

- Mais bien sûr que je t'aime... et promis, jamais.

- Même si je deviens... le plus pénible des hommes?

- Tu es déjà le plus pénible des hommes, dit-il avec un petit rire.

Sébastien ne riait pas. Pour lui, c'était un sujet sérieux.

- Je suis le seul... à qui tu portes autant d'attention?

- À qui d'autre?

- Et le seul avec qui tu partages ton corps?

- N'as-tu pas confiance en moi? Il est vrai que je porte de nombreuses personnes dans mon cœur, mais tu y es l'une des plus importantes.

Certes, il aimait aller dans d'autres lits et avait des amitiés douteuses avec d'autres hommes. Et vraiment, il ne culpabilisait aucunement. Si Sébastien ne savait rien, c'était bien mieux pour lui. Et puis, il avait beau mentir sur sa fidélité, il ne mentait pas sur son affection. Il tenait évidemment énormément à lui.

Sébastien ne répondit rien, il resta seulement blottit contre lui. Il le croyait naïvement. Le napolitain caressait doucement ses mèches blondes en se mettant à parler de tout et de rien, de choses simples.

Leur couple n'était peut-être pas des plus doux, mais il était loin d'être totalement instable. Même s'ils ne pouvaient parfois plus se supporter, ils avaient besoin l'un de l'autre. Et c'est ce qui le rendait heureux. Son Sébastien aura toujours besoin de lui à ses côtés.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now