Chapitre [89]

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Plusieurs jours avaient passé depuis la venue de Sébastien à Paris et son installation. Plusieurs semaines, peut-être même, eux-mêmes ne savaient plus. Quand on n'a pas d'emploi du temps quotidien ou d'heures de travail fixes, il était difficile d'avoir une notion du temps. Et justement, le travail était le sujet principal de leur conversation.

- Sebastiano, nous devrions trouver du travail. Nos maigres économies ne vont pas nous aider encore longtemps...

Sébastien gonfla les joues. Il détestait travailler. Toute son enfance, il n'avait fait que ça : travailler le bois, travailler aux champs... Il rêvait de pouvoir dormir à longueur de journée et de ne se réveiller que le soir pour manger de la viande et boire du vin. Malheureusement, la viande était chère, très chère, et son lit, s'il ne payait pas sa part du loyer, il devra bientôt lui dire adieu.

Et puis, que pouvait-il faire comme travail? Il n'était bon à rien. Les bons à rien, ils finissaient soldats. Mais lui, même en tant que soldat, il n'était bon à rien...

Il reposa son verre de vin. Francesco, lui, buvait du lait... encore un truc de napolitain. Pourtant il se souvint de joyeuses nuits en Égypte où celui-ci ne lésignait pas sur l'alcool...

- Sebastiano, c'est un vrai problème. Quel métier serais-tu capable de faire?

- Je n'en sais rien... grogna-t-il.

Sébastien regarda autour de lui. Tous ces gens qui buvaient, qui riaient, qui parlaient fort comme s'ils étaient dans le sud de la France, ça l'exaspérait encore plus. Quelle idée d'aller s'installer a une table dans cette foutue auberge! D'ailleurs, ils ne faisaient que ça. Paris avait beau être la plus grande ville de France, ils quittaient rarement leur quartier, et leurs journées se résumaient en allers-retours entre leur lit et cette auberge. Enfin, quand ils quittaient leur lit.

- Tu n'as pas changé, tu es toujours de mauvaise humeur! Te rends-tu compte que ce n'est clairement pas agréable?!

- Désolé de ne pas être aussi insouciant que toi! Cracha-t-il entre ses dents.

- Tu es vraiment insupportable! Enfin, calmons-nous. Nous parlions d'un sujet sérieux.

Le rire gras d'un homme près de lui couvrit la fin de sa phrase.

- Tu n'as qu'à travailler, toi. Tu y es bien plus enclin que moi. De plus, tu es celui de nous deux qui a le plus de force, de courage, la meilleure humeur et la plus belle gueule. Les clients t'adoreraient.

Il avait dit ça avec ironie, bien qu'il y eut un fond de vérité. C'est en tout cas de cette façon que le comprit Francesco.

- Tu me flattes! Mais je n'ai vraiment pas d'idée. Je pourrais cuisiner, je le faisais avec mes parents, à notre auberge, à Naples. Ou alors enseigner! J'adorerais faire la classe à des enfants!

- Eh bah trouve-toi des drôles incultivés, mon ami.

- On dit "incultes". Tu te moques de toi toi-même, mon cher Sebastiano! Non seulement tu parles mal français mais en plus tu le fais devant un napolitain qui le parle mieux que toi!

- Oui, bon!! Passons!! J'ai encore soif!

Sébastien tourna la tête, dans l'espoir de demander un autre verre de vin, et devint tout blanc. Il se pencha sur la table et chuchota sans aucune discrétion :

- Francesco, l'italienne, elle est là!!

- Hm? Qui? Quelle italienne?

- Celle qui m'a fait croire qu'elle était tombée amoureuse de moi pour que je l'emmène à Paris!! Grrr, quand je pense qu'en plus, je lui ai payé sa place dans la voiture, à cette sale chipie!!

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now