Chapitre [121]

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En ce début d'après-midi, le soleil chauffait légèrement l'atmosphère. Et pour une fois, Junot était aussi calme qu'elle, en marchant en pleine campagne aux côtés de son amant. Ils étaient partis ce matin de Bussy-le-Grand et après s'être arrêtés pour grignoter sous un arbre, sous lequel ils étaient d'ailleurs restés plusieurs heures, ils avaient repris leur chemin et se dirigeait maintenant doucement vers le petit hameau de Marmagne, sur la même route qui menait à Montbard.

Junot enlaça la main de son compagnon qui avait l'air fasciné par la simple verdure automnale qu'ils avaient autour d'eux.

- Vous qui avez vu la Corse, l'Italie, l'Égypte et j'en oublie, je suis bien étonné de vous voir aussi intéressé par ma Bourgogne! Lui fit-il remarquer.

- J'observe seulement. Sais-tu que l'étude et la connaissance du terrain est l'élément le plus important lors d'une bataille?

- Cela veut-il dire que vous souhaitez engager des batailles ici?

- Non, enfin qui sait si l'on nous attaque par la Bourgogne, enfin je voulais seulement t'en prévenir.

- Pour moi, ce qui est le plus important avant et lors d'une bataille, c'est le moral des troupes.

- C'est aussi quelque chose d'essentiel, en effet.

- Et l'estomac rempli!

- Si c'était si facile. Tous les soldats aimeraient pouvoir manger à leur faim mais ils n'ont parfois que des racines pour se nourrir.

Junot ne lui répondit pas. Son esprit semblait déjà plongé dans d'autres réflexions.

- Vous savez, je crois que nous ne pouvons pas limiter ni effacer les passions.

- Bien sûr que si, nous le pouvons. Il suffit de ne pas les laisser paraître.

- Mais leur invisibilité prouve-t-elle vraiment leur inexistence? Vous aurez beau les cacher au plus profond de vous, elles seront toujours là, au fond de votre cœur. Et elles finiront par être exprimées au grand jour, que l'on le souhaite ou non.

- Je crois que tu as malheureusement raison...

Napoléon ressera la main de Junot en souriant doucement. S'il y avait bien une chose qu'il adorait par-dessus tout, outre être dans ses bras ou entre ses reins, c'était de l'écouter parler et de converser avec lui sur tous les sujets possibles et inimaginables, du plus idiot à celui le plus poussé de réflexion. Ils passaient parfois des heures, voire des journées dans les bras l'un de l'autre à discuter paisiblement, et c'était l'une des meilleures sensations au monde. Avec lui, point de manières ou d'obligations, il pouvait s'exprimer librement sans risquer de se faire prendre pour un fou.

- Je pense aussi... que les gens ont peur de les montrer. Ajouta le consul.

- Vous parlez de vous?

- Junot... soupira-t-il. Beaucoup de personnes peuvent être concernées, rajouta-t-il sans répondre à sa question.

- En tout cas, je n'en fais pas partie, articula-t-il entre deux crocs d'une pomme qu'il avait trouvé on ne sait où.

- Ah, cela, c'est sûr, tu serais capable de monter sur le toit de Versailles et de crier des vers de Molière habillé en femme si je t'en donne l'ordre...!

- Mais car j'obéirais à absolument tous vos ordres. Et davantage aux plus amusants.

- Oui, mais sérieusement, ne monte plus jamais sur le toit des Tuileries... c'est comme lorsque tu étais monté en haut de cette pyramide... tu m'avais fait une de ses frayeurs...!

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now