Folie rime avec irréfléchi

Chapitre [122]

En Bourgogne, malgré le mois de novembre, le Soleil parvenait à chauffer l'air et éclairait les champs de sa luminosité.

L'air fier et vêtu d'une simple chemise légère, s'avançant dans la rue principale du village, Junot présentait chaque maison au visiteur qui le suivait.

- Et là, c'est la demeure de Monsieur Bélanger. C'est un vieux monsieur aigri qui n'a plus toute sa tête, je vous déconseille d'aller le voir. Ce toit là-bas, on dit que le trou qu'il a en son centre est dû a une pierre que madame Lapierre aurait lancé parce qu'elle était en colère contre Monsieur Lapix, qui lui aurait volé des poules. Oui, on l'appelle Lapierre à cause de cette anecdote! Oh, et ça, c'est la fontaine! J'ai toujours cru qu'il y avait des poissons étant enfant. Nous sommes sur la place du village! C'est ici que se font les marchés et les fêtes. Ah, les fêtes... j'aimerais tant y aller avec vous... les danses... ça n'a rien à voir aux bals de Paris. Ici, on danse et on s'amuse vraiment, comme au bon vieux temps! C'est dommage que nous soyons en automne. Si nous étions en été, je vous aurais volontiers convié à ces festivités.

Napoléon souriait doucement à son ami... à son compagnon. À son amant.

Ils étaient en plein milieu d'après-midi et pourtant peu de gens sillonaient le village. Ils devaient être chez eux, les récoltes ne sont que très peu fructueuses à ce moment de l'année.

S'assurant que personne ne les observait, il prit la main du blondinet et regarda l'eau couler.

- Tu sais, à Ajaccio, il y avait aussi une fontaine. Bien plus grande! Et très jolie, avec la petite statue d'un ange au-dessus... et je croyais moi aussi que des poissons y vivaient.

Junot mis sa main sur sa joue et leva son visage pour le regarder dans les yeux.

Un moment romantique et beau qui ne sera gâché par rien...

- Vous savez, mon général, vous pourriez faire construire une grande fontaine dans le jardin des Tuileries où vivraient des poissons.

Le consul avait pensé trop vite.

- Encore une de tes idées saugrenues, rit-il.

- Non! Ce serait magnifique, des centaines de poissons de toutes les couleurs!

- Si je t'écoutais, les Tuileries deviendraient un cirque.

- Au moins ce sera original!

- Je n'ai pas envie de re-créer un Versailles encore plus loufoque que celui de Louis XIV.

- Vous saviez que le frère cadet de Louis XIV aimait apparemment les hommes?

- Oui, tu ne me l'apprends pas...

- Il paraît qu'une fois, son frère et l'un de ses amants étaient nus dans les jardins de Versailles, et qu'alors qu'une dame passait avec le jeune Louis XV, Il se seraient levés, gênés, et que cette dame, toute aussi embarassée, aurait répondu à la question du prince héritier en lui disant "Ces Messieurs sont arracheurs de pallissade!"...!

- Ne crois pas tous ces racontards...

- Bah! Les mêmes choses doivent se dire sur nous.

Le visage du corse devint blanc à cette évocation.

- ...Ne.. Ne parle pas de cela! Ce sont des sottises! Personne n'est au courant. Et personne ne le sera jamais!

- Vous n'êtes pas fier... de partager votre cœur avec moi...?

- Ce n'est pas ça! Je ne veux pas en parler. Junot, je... je veux profiter de toi. Seulement de toi. Ne me rappelle pas que les autres existent.

Il posa son front contre le sien, et plongea son regard dans les yeux de saphir brillant auxquels il faisait face.