Épilogue [ II ]

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Gabriel épluchait des légumes.

De son couteau affiné, il épluchait puis découpait chaque légume pour les laisser tomber dans l'eau bouillante.

Il sentit une présence derrière lui, et n'eut même pas à se retourner pour reconnaître la personne.

- Comment était la campagne d'Allemagne, Francesco? Demanda-t-il sans arrêter ses gestes.

- Décisive.

Il vint se positionner devant lui. Il portait son uniforme, neuf et propre comme au premier jour.

- Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis mort.

- Dix ans. La bataille de Leipzig a eu lieu il y a dix ans.

- Oh... alors tu sais.

- Oui. Je l'ai senti, quand tu es parti.

- La bataille des Nations... n'est-ce pas un beau nom de bataille pour celle de sa mort?

- C'est glorieux, en effet, ironisa Gabriel. Dix ans, reprit-il, et tu n'es pas venu me voir avant. Je suis vexé, j'espère que tu as une bonne excuse.

L'esprit s'appuya contre le mur de pierre, décomplexé.

- J'étais perdu. Je crois que j'ai erré un peu. Quand je me suis pris une balle dans le cœur, j'ai compris que j'allais mourir. Mais quand je suis mort, je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait.

Gabriel épluchait maintenant des pommes de terre. Il prit malgré lui un air sérieux.

- Es-tu triste?

- Je ne sais pas.

- Regrettes-tu d'être mort de cette façon?

- Est-ce un interrogatoire?

- Je souhaite seulement savoir.

- Non, je ne le regrette pas. Quelle autre mort aurais-je pu avoir? J'adorais la guerre. C'est même étonnant que je ne sois pas mort avant à cause d'elle.

- Et Sébastien...

- Je ne veux pas parler de lui.

- ...Je vois, avoua-t-il après un court silence.

Un autre silence suivit, plus long cette fois. Jusqu'à ce que Francesco demande, en se penchant vers lui :

- Que fais-tu?

- Une soupe.

- Dommage que je ne puisse pas la goûter. Pourtant j'ai faim.

- Je ne savais pas que les esprits pouvaient avoir faim, rit-il.

- Ça doit être resté.

Il sourit à son ami.

- Tu sais, Gabriel... je voulais te remercier, pour tout ce que tu as fait. Tu as été un ami très cher à mes yeux... il me semble te l'avoir déjà dit, mais peu importe. Je t'aime et je veux te le répéter.

Il garda son sourire.

- Ne t'inquiète pas, je le sais.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now