Chapitre [61]

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Joséphine était à six cent lieues de lui, et pourtant, Napoléon pensait toujours à elle. Il se demandait ce qu'elle pouvait bien faire, seule, en France... se languissait-elle de lui?

Assis sur un banc, au milieu d'un grand jardin à l'arrière du palais où il logeait, il observait minutieusement la végétation. Un grand bassin rectangulaire gouvernait le centre de la place, entourée de plusieurs hauts palmiers qui lui faisaient de l'ombre. Ici, point de grandes haies, mais des rangées droites de lotus, d'ibiscus et de jasmin. Tout cela donnait un doux parfum à l'endroit, que l'on sentait dès qu'on y pénétrait.

Il ferma les yeux un instant pour respirer cet air qui ne ressemblait en rien à celui de la France.

- Mon général adoré!!

Il sursauta lorsqu'il sentit le bourguignon lui sauter au cou par derrière. Il ne manquait plus que ça, l'apparition de la tempête dans son havre de paix... il se dégagea en grognant légèrement.

- Mon beau et magnifique général corse, le taquina-t-il en lui pinçant les joues. Rien que le mien.

- Qu'as-tu donc...?! Grommela-t-il en le repoussant encore.

- Disons que je suis seulement de bonne humeur.

Junot se rapprocha encore pour lui embrasser la joue, mais le général en chef s'écarta et se releva, visiblement agacé.

- Junot!! Pas ici!

- Mais il n'y a personne...

- Peu importe! Tu n'as rien d'autre à faire que de venir m'importuner?!

- Non... et je m'ennuie... je jouais avec Auguste mais il s'est blessé en se cognant à une pierre.

- Tu jou... mais quel âge avez-vous?!

- Cela dépend des jours, rit le bourguignon.

Il se massa les yeux. Tout ça ne l'étonnait même plus. Il pourrait encore lui faire des reproches, mais il n'en avait pas la force. À la place, il lui montra son bras.

- Allons nous promener un peu.

Silloner les allées leur rappelaient à tous les deux lorsqu'ils se baladaient au jardin des plantes ensemble. De précieux moments de conversation et de rires.

Si Junot était de si bonne humeur, ce n'était pas sans raison ; il avait appris une chose qui lui avait redonné le sourire. Devait-il l'avouer à son général? Pendant qu'ils marchaient en silence, il y réfléchit. D'un côté, cela le blessera, c'est certain. Mais de l'autre, il verra que lui seul l'aime à la folie. Et puis, il était quelqu'un d'honnête, non?

- Mon général, il y a une chose que je dois vous dire.

- Si tu veux me faire comprendre que tu m'aimes plus que n'importe qui et que tu donnerais ta vie pour moi, je le sais déjà.

- Non, non, ce n'est pas cela. Il s'agit de votre femme.

Napoléon s'arrêta net. Il le regarda dans les yeux.

- Ma femme? ...Tu veux encore l'insulter, c'est cela? Je sais très bien que tu ne l'apprécies pas, nul besoin d'en rajouter.

- Pour une fois non, c'est elle qui vous insulte.

- ...Pardon?

Il le regarda encore plus sérieusement. Que lui cachait-il encore?

Junot n'y alla pas par quatre chemins. Sans délicatesse, il lui dit avec un grand sourire, presque fier :

- Voyez-vous, elle se pavane en ce moment même à Paris avec son amant, cet homme prénommé Hippolyte Charles. Elle était déjà en sa compagnie lors de la campagne  d'Italie, puisqu'ils ont tous deux voyagé avec moi à mon retour à Paris. Ils vont au théâtre ensemble, partagent leur demeure, leur lit... en fait, ils ne se quittent jamais. Et tout Paris en rit, vous sachant ici et ignorant cette affaire...

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant