Chapitre [191]

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Sébastien attrapa le journal tout en mâchant un morceau de pain.

- Tiens, tu as vu? Bonaparte et encore en pleine campagne d'Allemagne. On ne l'arrêtera donc jamais. Oh! Regarde donc ce scandale : le général Junot, en Illyrie, a fait une crise de folie et s'est rendu à un bal entièrement nu, seul vêtu de ses décorations.

- C'est à cause de cette ordure de Bonaparte... il n'a pas pris soin de lui, et voilà! Lui qui était si sage... qu'est-il devenu?! Et je ne peux rien faire!

Sébastien continua de lire son journal, las de ces paroles redondantes.

- Bonaparte... il faut l'arrêter.

Sébastien roula des yeux, et se moqua :

- Et qui es-tu pour prononcer de telles paroles? Un souverain d'Europe? Tu n'es qu'un citoyen parmi tant d'autres mon pauvre Francesco!

- Je ne suis pas qu'un citoyen! Je suis aussi un soldat!

Cette remarque jeta un froid sur le couple.

Tout cela était pourtant censé être le passé. Être terminé.

- Francesco... tu...

Celui-ci se mordit la lèvre un instant. Il devait se l'avouer, pour lui, la guerre était essentiel dans sa façon de vivre. Elle avait beau ne pas lui avoir fait de cadeau, avoir traumatisé l'amour de sa vie, il ne pouvait pas s'en passer. C'est comme si elle était le deuxième amour de sa vie. Il leva les yeux vers son compagnon. Il était inquiet. Il ne parvenait pas à lui dire, il ne voulait pas. Mais il le pensait si fort, et son regard était si convaincant, que Sébastien n'eut pas besoin de mots pour le comprendre.

- Francesco... répéta-t-il, cette fois avec une voix déçue.

Celui-ci se leva. Non, il ne pouvait pas laisser faire ça.

Il lui prit le journal, le déchira et jeta le tout au sol, puis dit d'un ton décidé :

- Sébastien, je veux que l'on s'engage dans cette campagne. Mais pas parmi les français. Dans la coalition.

~ ☘ ~

Junot fixait le plafond. Il était étendu sur son lit, qui lui était maintenant familier, et tenait dans une main une montre à gousset, et de l'autre la miniature qu'il avait de son grand amour. Il l'avait toujours sur lui, ainsi que quelques-unes de ses lettres. Car il l'aimait toujours, si fort, et il espérait que lui l'aimait toujours tout autant...

Seul dans la pièce, un bras derrière sa tête, il leva son poing, celui qui tenait la montre.

- Ainsi le temps est victorieux sur l'amour... s'annonça-t-il à lui-même.

Il baissa son bras, mit la montre sur sa poitrine, ferma les yeux, et commença à chanter.

Il est fort, il est grand, et c'est celui que j'aime

Il est le Dieu de notre temps, il est la lumière de son siècle

Il a conquis la France, et tous ceux qui la peuplent

Il a conquis notre pays, et toutes ses belles âmes

Il a conquis la Prusse, il a conquis l'Espagne

Il a conquis les Italies, et la future Allemagne

Il a conquis mon cœur

Et rien qu'avec un tour de bras

Il a conquis l'Autriche, Il a conquis sa Reine

Il m'a conquis sans peine, et toutes les femmes sont siennes

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant