Chapitre [33]

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Junot regarda autour de lui. Les bureaux du gouvernement étaient bien plus grands qu'il ne l'imaginait. Il aperçu, placardé au mur, le nouveau calendrier révolutionnaire. C'était idiot de changer de calendrier. En plus, personne ne respectait ce changement.

La politique, ce n'était vraiment pas son domaine. D'ailleurs, il ne comprenait pas pourquoi les gens se foutaient toujours sur la gueule à cause d'elle. Marais, Montagnards, Girondins, Thermidoriens... il avait beau savoir réfléchir, il n'y comprenait rien et il n'en avait pas envie. Et puis, lui, tant qu'il avait son bien-aimé auprès de lui, il se fichait bien de qui ou quoi était au pouvoir.

- Excusez-moi, je peux vous aider?

- Hm?

Un homme ventripotant à moustache se présenta à lui. Il le regarda à peine.

- Je cherche quelqu'un. Napoleone Buonaparte.

- Le corse? Il est dans son bureau. Troisième porte à gauche, à l'étage.

Il ne lui dit rien d'autre et reprit sa route. Il n'était pas curieux. Junot aimait les hommes comme ça.

Il suivit donc ces indications et, arrivé devant la porte, il frappa quelques coups. Après un "Entrez" bien sonore, il obéit et referma aussitôt la porte derrière lui. Lorsqu'il vu la petite pièce, il se retint de rire. C'était encore plus étroit que leur chambre!

- Ah, Junot! Tu t'es souvenu de ma demande! Installe-toi.

- Voyons, bien sûr que je n'hésite pas à venir vous aider. Et... où donc?

- Ici, lui indiqua l'ancien général en se relevant. Assieds-toi à mon bureau.

- ...D'accord...

Le bourguignon s'exécuta, remarquant le bureau en désordre entre les feuilles volantes et les tâches d'encre un peu partout. Étonnant, pour son général qui était habituellement soigneux...

- Et, que voulez-vous de moi, exactement?

Napoleone avait déjà commencé à faire les cent-pas, les mains dans le dos.

- Junot, j'aurais besoin de toi pour écrire mes idées sur le déroulement de la campagne d'Italie à venir.

- ...Pourquoi moi? Enfin, vous ne pouvez pas le faire seul? Vous savez écrire, à ce que je sache...

- Les... députés de la Convention ne comprennent pas mon écriture, et tu écris très bien. De plus, tu es le seul qui saura écrire convenablement sous ma dictée et pourra comprendre les mots que j'écorcherai.

Le fait que c'était ainsi qu'ils s'étaient rencontrés fit encore plus sourire Junot.

- Je suis à votre service, alors~!

- Très bien, tiens, tu seras mon secrétaire, à partir de maintenant. Comme à Toulon. J'aurais dû y penser plus tôt...

Il se hâta de prendre des feuilles vierges et de remplir sa plume d'encre, la détenant au-dessus du papier en attendant les premières paroles de son supérieur.

Dès la première phrase qu'il prononça, sa plume vacilla sur le papier pour retranscrire avec rapidité les mots sous la plus belle calligraphie. Tout en écrivant, il jeta de furtifs coups d'œils à la beauté qu'il avait devant les yeux, et qui sillonnait la pièce, concentré sur sa réflexion orale. Il l'aimait tellement... Il se reprit en apercevant qu'il perdait le fil de la dictée.

Au bout d'une dizaine de minutes, le texte était retranscrit, sans aucune faute ni rayure.

- Voilà, mon général, vous n'avez plus qu'à signer!

D'un geste vif, il signa de son nom en bas de la feuille, et la prit en main.

- Merci, Junot. Je vais de ce pas la porter à Fréron.

- Cette homme qui vous déteste et que vous détestez en retour?

- Oui, soupira-t-il, d'ailleurs s'il pouvait rapidement retourner dans le Midi, je n'en serais pas dérangé. Enfin. Tu peux t'en aller, à présent, je n'ai plus besoin de toi.

- Non, je vais rester ici en votre compagnie, dit-il en s'affalant sur le bureau. Je n'ai rien à faire de toutes façons.

- Comme tu le souhaites...

Et il referma la porte derrière lui.

Junot la fixa longuement.

Il était son général à lui...

Folie rime avec irréfléchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant