Chapitre [184]

29 1 4
                                    

Junot avait bien été envoyé en Espagne, mais non tout seul, loin de là ; il avait été accompagné par plusieurs généraux et maréchaux, en particulier de l'un d'eux qu'il appréciait beaucoup.

Non pas Marmont, que son général avait dit vouloir garder pour un autre projet, mais par Ney, qui tout comme les autres officiers, avait suivi les troupes. Et ce n'était pas de bonne volonté. Lui qui aurait aimé rester en France auprès de sa famille, le voilà envoyé loin d'elle, dans le but d'aller guerroyer inutilement. Qui plus est, sous les ordres de Masséna, un maréchal qu'il méprisait tout particulièrement, tout comme Junot.

- Ney, arrête de faire la tête. Ce n'est pas ça qui va motiver les troupes! Lui avait lancé celui-ci lorsqu'ils étaient à cheval.

Il l'avait toisé d'un regard noir. Sourire était bien l'une de ses dernières envies.

Surtout lorsqu'ils devaient se préparer à faire la guerre.

Après ces quelques batailles par-ci par-là, l'armée entière s'était arrêtée à une ville pour la nuit. Finalement, elle y longeait depuis presque une semaine, marquant une pause dans la campagne.

Un matin de cette fin de semaine, un maréchal spécifique se réveillait dans le lit de l'unes des plus belles demeures de la ville réquisitionnée.

La lumière matinale était orangée, et les rayons de son soleil crépusculaire s'étendaient dans la pièce. Ney s'étira dans un bâillement, et sortit du lit pour s'avancer vers la fenêtre qui était toute proche. Dehors apparu les bâtiments d'une ville qu'il ne reconnu pas. En tout cas, elle était étrangement calme... ou déserte.

Il entendit des draps se froisser, comme s'il quelqu'un se retournait.

Attendez... il n'était pas seul, dans ce lit...

Il ouvrit de grands yeux.

Sur le lit, entre les draps blancs, Junot était dans un profond sommeil que l'on reconnu par ses hauts ronflements répétitifs. Au-delà de ses cheveux totalement décoiffés, il était entièrement nu.

Ney passa la main sur son visage.

Ils se souvint, ils avaient bu, hier soir, de manière plus que raisonnable. Et à en voir l'état de son ami, la chaleur féminine lui manquait vraiment.

Il observa sa propre tenue. Fort heureusement, lui était encore vêtu de sa tenue de nuit.

Il se massa les tempes, et alla s'asseoir à son bureau. Il se rappela d'une conversation qu'ils avaient eu hier soir, après quelques verres, sur la campagne d'Espagne. Junot lui avait dit qu'il avait rendu visite à Masséna... et il lui avait même répété ses mots exacts...

- Je t'assure qu'il m'a dit très clairement "Comment voulez-vous que je puisse faire de la bonne besogne, avec un homme comme Michel Ney? Un homme qui a l'air de me prendre pour un radoteur! Qui ne m'écoute pas quand je lui parle! C'est que j'ai été au moment, vois-tu, Junot, de lui envoyer ma main au travers du visage, quitte à lui en demander pardon avec mon sabre." Et il était en colère du scandale que tu avais fait chez lui! J'ai ri de l'avoir vu autant énervé, lorsque je suis rentré chez moi!

Ney était un homme généreux, compatissant, mais qui savait se montrer ferme lorsqu'il le fallait. Et c'était exactement le cas après cette altercation. Il pouvait laisser passer beaucoup de moqueries, mais pas d'insultes à son égard de la part de cet abruti de Masséna.

D'où la lettre salée qu'il venait juste de lui écrire, et dans laquelle il avait répondu fièrement et honnêtement sans aucune honte. Elle était un peu trop longue, pour une lettre de réponse à une insulte, mais peu importe. Il faut savoir se défendre.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now