Chapitre [15]

52 3 4
                                    

- Vous pouvez sortir.

Napoleone plissa les yeux en rencontrant la lumière matinale. Il n'avait passé que deux semaines dans cette prison sombre, mais cela lui semblait avoir été des années. L'un des gardes l'informa qu'un des membres de la Convention souhaitait le rencontrer pour discuter de cette arrestation et de tout ce qu'il y avait autour. Mais il refusa directement. Il voulait juste sortir d'ici. Revoir Paris. Revoir Junot... certainement pas converser avec un vieux sénile qui le couvrira de reproches.

Tout comme sentir la douce chaleur du Soleil sur son visage, respirer l'air frais lui fit un bien fou. L'air de la capitale était loin d'être le meilleur, mais comparé à la sueur, le renfermé et l'odeur de sang des cellules, les ruelles sentaient la rose. Oui, revoir la vie citadine lui procurant une étrange sensation de bien-être et de liération. Il n'irait pas jusqu'à dire que ce séjour derrière les barreaux l'avait traumatisé, mais il en gardait de mauvais souvenirs auxquels il aimerait ne plus penser.

Malheureusement, comme le prouvaient ces cris et cet agitement omniprésent, la Terreur était loin d'être terminée. Il avait eu une chance inestimable... il aurait très bien pu être à la place de cette femme qui pleurait, et qui avait perdu la vie en même temps que la tête l'après-midi même.

Tremblant légèrement d'une peur idiote qu'on ne l'attrape et l'emmène sous la guillotine, il s'engagea dans les petites ruelles pour être plus en sécurité et se faire plus discret. En plus, pour ne pas aider, il portait son uniforme de général, ce qui lui avait valu plusieurs fois auparavant de se faire interpeller ou méprendre pour un monarchiste. L'on lui avait demandé de crier "Vive la République", eh bien, il avait crié "Vive la République." Mais maintenant que la soit-disant République, en plus de décapiter a tout-va, lui avait offert deux semaines gratuites en prison, il n'avait plus très envie de l'acclamer.

Au fil de sa marche rapide, - parce que se balader dans Paris, c'est bien, mais rentrer chez soi rapidement pour se protéger, c'est encore mieux -, ses pensées continuaient d'affluer dans son esprit. Il se demandait ce qu'il faisait véritablement dans la capitale française. À la base, il voulait y trouver un travail à l'arrière, même dans un bureau, tout sauf le feu et le sang des combats. Et y débuter une possible carrière politique. Mais finalement, la situation politique y avait tourné au vinaigre... une autre ville, alors... mais malheureusement, ce n'était pas mieux dans les autres grandes villes françaises. En plus, il n'y connaissait personne. Et en Vendée, là où on avait voulu l'envoyer... Ah! Quelle horreur! Il y aurait déjà péri, s'il avait accepté. Il pensa alors à Marseille, à sa famille. À la Corse... mais il n'avait aucun argent pour s'y rendre. Sans poste proposé dans une de ces armées, aucune possibilité de s'y rendre. En plus, la Corse... il en avait été banni... la seule armée se trouvant dans le sud que l'on lui avait proposé était à la frontière espagnole. Mais ce peuple ne lui donnaient pas plus envie que les Vendéens. Tant pis, il allait être au repos pendant un bon bout de temps encore, et continuer de vivre aux crochets de Junot et de sa bourse mensuelle envoyée par son père. Mais un jour, tout ça changera... il sortira sa famille de la misère dans laquelle la déchéance l'avait jetée. Il montera les échelons, leur offrira un toit solide et des vêtements décents. il fera en sorte qu'ils soient fiers se lui. Il soupira. Ces rêves lui semblaient ignatteignables, en cet instant. S'il pouvait, il ferait emmener sa famille sur Paris, mais c'était bien trop dangereux pour eux.

Il arriva devant la petite chambre au rez-de-chaussée du quai Conti qu'il partageait avec Junot, et découvrit qu'à part quelques affaires en désordre - dont la source était un bourguignon bordélique -, elle était vide. Vide de ce bourguignon en question, justement. Alors plusieurs possibilités pourraient expliquer cette absence ; soit Junot était en train de boire à l'auberge au bout de la rue, soit il était chez l'un de ses amis, soit il était retourné chez papa en Bourgogne ou soit il s'était fait arrêter à son tour, ce qui serait très embêtant. Il opta pour la plus grande probabilité des deux premières, au vu que Junot tenait tellement à lui qu'il ne serait pas reparti en Bourgogne sans lui et que s'il s'était fait arrêter, il aurait été au courant, et puis de toutes façons, c'était totalement impossible de capturer un fauve comme Junot, même à trois gardes dessus.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now