Chapitre [43]

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Junot rageait intérieurement. Il était assis sur un grand lit confortable, dans la chambre d'un grand hôtel particulier, mais aurait volontiers accepté de revenir dans leur petite chambre miteuse si son général pouvait être avec lui.

Il se laissa tomber sur le matelas.

Où était passé le bon temps où ils ne se séparaient jamais?

Il ne le voyait quasiment plus!

Son général était revenu glorieux d'Italie il y a moins d'un mois, et il n'avait su son retour que la semaine dernière.

Il n'était même pas venu le voir.

L'avait-il déjà oublié...?

Cette idée seule le peinait.

Même Marmont ne venait pas lui rendre visite... il ne savait même pas ce qu'il était advenu de lui après cette campagne d'Italie. Était-il encore dans l'armée? Était-il encore à Paris? Il se retrouvait seul...

Il repensa à Joséphine. Vraiment, il devait se retenir pour ne pas lui poignarder le cœur. Sérieusement, qu'est-ce que son général lui trouvait?! Il était totalement aveuglé par un amour pour une femme qui se jouait de lui. Oh, non, ça n'allait pas continuer comme ça. Son général était à lui et jamais cette catin ne mettra sa main sur son cœur. D'ailleurs, c'était lui qui l'avait pris en premier.

Son général devait encore penser à lui, non...?

Il renifla, tentant de retenir d'autres affreuses larmes.

ce n'était pourtant pas si difficile de venir le voir ou même de lui envoyer un billet...

Une soudaine douleur au crâne le tirailla.

De sa main, il tâta sa tempe sur laquelle était posé un énorme bandage. Il s'en souvint encore, cette bataille à Lonato, en Italie, où il était dans le feu des combats, et de cette balle qu'il reçut dans la tête qui l'arrêta net. Il eu bien crût sa dernière heure arrivée. Pire encore, son général était au bord de l'évanouissement lorsqu'il le vit. Mais le destin avait voulu le garder sur terre. Et bien qu'il n'en soit pas mort, cette blessure lui faisait par moments terriblement mal, tellement qu'il en eut l'impression que son cerveau avait été déplacé et que le diable y vivait. Aucune goutte de sang n'en avait coulé depuis quelques jours. Était-ce le signe d'un guérissement... peu importe s'il dépérissait ou s'il guérissait, en tout cas il souffrait et il le sentait bien. Comme il aurait aimé que son général soit là pour le détourner de cette douleur cinglante...

Il se coucha proprement et ferma les yeux en serrant les draps entre ses doigts.

Dormir était la seule solution pour arrêter de souffrir.

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10 Décembre 1798

Une fête somptueuse fût donnée dans la cour du Palais du Luxembourg, en l'honneur des nombreux exploits du nouveau général victorieux.

Les décorations, les lumières, les habits, toute cette extravagance était faite pour rappeler une fête mondaine. Le nombre d'invités présents était conséquent, et l'endroit était enveloppé d'une musique distinguée que subordonnaient les voix.

Junot s'y était rendu, mais n'y resta que très peu. D'abord enchanté à l'idée de se rendre à de si grandes festivités, il avait vite été déçu. Pas que la fête n'en valait pas la peine, au contraire, même ; les lumières et les décors étaient grandioses, et le vin et le champagne coulaient à flots. Seulement, personne ne faisait attention à lui, tous étant tournés vers ce général glorieux qu'il ne pouvait même pas approcher. À sa très grande déception. De plus, pour lui, tout n'était qu'hypocrisie et opportunisme. Il avait espéré enfin pouvoir parler à son cher ami qui semblait l'ignorer, mais ce n'était même pas la peine. Celui-ci était constamment entouré de toutes sortes de personnes et assailli de toutes parts.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now