Chapitre [79]

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Le champ de bataille était animé, entre les fusils et le bruit crissant des sabres. À vrai-dire, peu de soldats avaient besoin de dégainer leur sabre, puisque presque tous les soldats mameloucks se faisaient tirer dessus avant même de pouvoir s'en approcher. Mais Francesco y tenait, c'est pourquoi il se battait avec ferveur à l'avant du bataillon. Ses compagnons étaient tous à l'arrière, mais peu importe, lui voulait agir. Il se sentait comme un héros, auréolé de bravoure. Pourtant ses attaques aux sabres n'étaient pas précises, mais ses gestes étaient vifs.

Junot, quand à lui, avait observé la scène un moment, et n'avait pas pu s'empêcher de descendre de son cheval pour rejoindre le combat. Il n'était pas comme les autres généraux paresseux et incapables, lui, il restait le soldat qui s'était engagé par volonté! Ces hommes étaient le fléau de l'armée. Ne s'engageant que par ambition et voulant commander durement de la chair à canon. Ils pouvaient bien crever sous les balles! Un bon général est celui qui se bat parmi ses soldats! Bon, d'accord, son général ne rentrait pas dans cette case, mais c'était différent. Lui, il devait absolument vivre.

D'un coup sec, il trancha la gorge d'un adversaire, tandis que son deuxième sabre se plantait dans le cœur d'un autre.

Il afficha un grand sourire. Il n'y avait rien de plus vivifiant que d'être dans le feu de l'action. Il avait beau être transpirant, essoufflé, il ne s'arrêtera que quand il aura gagné cette bataille. Et pour une fois, c'était la sienne, rien que la sienne. Il se battait avec ses troupes, qu'il dirigeait sous son commandement. Le nombre était peut-être bien plus conséquent chez l'ennemi, mais eux avaient l'avantage des armes à feu. Même si c'était bien moins amusant que le sabre...

Il enfonça sa lame dans le bras d'un soldat ennemi. En la retirant, il tenta de reprendre son souffle, mais il eut à peine une seconde à lui. Un autre mamelouck, probablement énervé de voir son camarade blessé, s'était jeté sur lui. Il se retrouvait maintenant au sol, plaqué par cet homme féroce. C'est malin, il n'était pas le plus fort à main nues. Et puis seul son général avait le droit d'être au-dessus de lui de cette façon!

Il tenta de le repousser, mais sans résultat, cet homme le maintenait au sol avec bien trop de force. Avant qu'il ne puisse le blesser de quelque façon, il attrapa son sabre, et le lui planta dans le crâne. Son adversaire d'immobilisa sous le choc et la douleur, et tomba raide mort près de lui, suivi par une giclée de sang. Junot s'en essuya le visage, se releva et reprit sa garde. Ce n'était pas le moment d'arrêter de se battre.

Francesco, non loin, redoublait d'effort face à cette horde d'ennemis qui l'assaillaient. Bon, c'est vrai que foncer dans le tas n'était pas forcément la meilleure idée. Il continua à se battre, ignorant sa fatigue. Jusqu'à ce que plus aucun ennemi ne vienne à lui. Devant lui se présentait d'innombrables corps entassés, tués par fusil voire à la bâillonette pour la plupart. À part ceux qu'il avait tués de sa main, bien sûr. Enfin, plus aucun, c'est ce qu'il croyait, jusqu'à ce qu'un survivant ne coure vers lui avec un air enragé. Il profita de l'espace qu'il avait maintenant autour de lui pour prendre son élan et violemment lui trancher la gorge. La tête vola sur plusieurs mètres, et pendant que le corps restant retombait dans la flaque de sang, Francesco alla la récupérer en l'attrapant par les cheveux. Amusé, il rejoint Andreas, à l'arrière est déjà assis au sol. Il n'avait pas l'air blessé, tant mieux.

- Andreas, regarde un peu ça, je l'ai achevé en un coup de sabre~! S'exclama joyeusement Francesco en lui montrant fièrement la tête du mamelouck fraîchement coupée.

L'espagnol regarda le spectacle avec horreur, une soudaine nausée l'envahissant.

- Francesco... tu... tu... enlève de suite cela de ma vue!!

- Mais pourquoi? Observe un peu la précision de ma lame!

- Non!! Erk!!

Il détourna le regard en grimaçant. Voir un homme tomber sous une balle, il pouvait encore le supporter, mais il n'avait pas signé pour voir ça.

- Sensible! Tu as de la chance de ne pas être français et de ne pas avoir eu à subir la guillotine!

L'espagnol ne répondit rien, trop dégouté par ce qui pendant encore sous ses yeux.

- Je ne te regarderai pas tant que tu n'auras pas lâché cette... tête! Cracha-t-il, les yeux fermés et crispés.

- Bon... il la balança en arrière comme si ce n'était rien, déçu. D'ailleurs, où est Gabriel? Il a commencé à se battre avec moi, puis il s'est éloigné.

- Je ne sais pas, je ne sais pas, répéta l'espagnol en se massant les yeux.

Bah, il ne devait pas être loin.

Francesco s'assit à ses côtés. Il profita d'être enfin posé pour reprendre son souffle, et s'essuya le front du revers de sa manche. Quelques mèches retombaient dessus, qu'il remit rapidement en arrière. Il avait attachés ses épais cheveux châtains avec un vieux bout de tissu en guise de ruban, manque d'un vrai. Ce qui ne les empêchaient pas d'être autant en désordre que la plaine sur laquelle il se trouvait.

Il regarda plus amplement autour, histoire de se faire un meilleur tableau de la situation. Ils semblaient avoir gagné. Plus aucun soldat ennemi n'était debout, et ceux qui étaient encore vivants avaient déjà fuit. Si ce n'était pas une victoire décisive, ça!

Un sourire triomphal s'afficha sur ses lèvres. Déjà las d'être assis, il se releva lorsqu'il aperçu Sébastien s'approcher craintivement.

- Sebastiano! Regarde, nous avons gagné!! Et ça n'a pas pris longtemps! C'est magnifique, n'est-ce pas?

Sébastien vit avec horreur ses mains couvertes de sang. Il le repoussa avec dégoût.

- Comment peux-tu... tuer d'autres indivus comme ça?! C'est totalement immoral, et cruel!!

- Pour une fois, je suis d'accord avec lui, souligna Andreas.

- Vous ne savez pas vous amuser...

- Nous amuser?! Nous amuser?! C'est la guerre, Francesco!! Des gens meurent à cause s'abrutis comme toi qui la réclament! DES GENS COMME ALEXANDRE!!

- Sebastiano...

Il le repoussa encore, et se retourna pour étouffer ses larmes.

Il s'occupera de lui plus tard. D'abord, fouiller les cadavres pour en prendre les trésors!

- Celui-ci, il a plein de choses sur lui!

Francesco s'accroupit et ne se priva pas de le fouiller. Il lui prit un foulard et ses pièces d'or. Il hésita à lui prendre son sabre ; mais il en avait déjà deux et un de plus ne ferait que l'encombrer. De plus, il n'avait que deux mains.

- C'est tout de même étonnant de trouver autant de leurs biens sur ces mameloucks...

- C'est qu'ils vont à la guerre avec leurs richesses pour pouvoir se faire accorder une sépulture décente, l'informa Gabriel, qui n'était non pas mort mais bien vivant, et qui les avait rejoints.

- Ah... ce n'est pas très brillant, comme idée. Il se mit à fouiller un autre cadavre. Oh!! Regarde-moi cette bague!! Elle est magnifique! C'est... c'est de l'or, non?!

- Hm... sans doute.

Gabriel l'observa faire sans trop grand intérêt. Pour lui, tout ça était inutile. Mais bon, si ces biens pouvaient passer dans d'autres mains au lieu d'être enfouis sous le sable, autant que ça serve...

- Je vais l'envoyer à ma mère! Elle en sera très heureuse!

- Elle le sera, oui.

Non loin, Junot observait le spectacle, non mécontent de sa prouesse. Il afficha un grand sourire victoirieux. Ce n'était pas tous les jours qu'on gagnait une bataille avec quatre cent soldats contre deux mille! Même si, bon, ils avaient l'avantage des armes à feu... mais une victoire était une victoire! Quand il pensait à son général qui s'acharnait à essayer de prendre Saint-Jean d'Acre depuis plus d'un mois, au Nord. Et lui, en une après-midi, il battait toute une armée! À quoi servait une dizaine d'années en école militaire quand un peu de bravoure et de charisme faisaient gagner une bataille? Il n'était pas général pour rien!

Il rangea son sabre.

Oui, la bravoure était vraiment indispensable. La folie aussi, un peu.

Folie rime avec irréfléchiWhere stories live. Discover now